Vu l'arrêt avant dire droit du 13 décembre 2012, par lequel la Cour administrative d'appel a ordonné la production par le ministre de la culture et de la communication, sans communication à l'autre partie, des documents d'archives versés par le service de coopération technique internationale de police du ministère de l'intérieur, relatifs à plusieurs Etats et ressortissants africains demandés par M. B...et dont l'accès lui a été refusé par le ministre de la culture et de la communication par deux décisions du 16 octobre 2008 et du 6 novembre 2008, confirmées par une décision du 12 octobre 2009 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code pénal, notamment ses articles 413-9 et 413-10 ;
Vu le code de la défense ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
Vu l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :
- le rapport de M. Lercher,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de MeA..., pour M.B... ;
et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 14 juin 2013 par MeA..., pour M.B... ;
1. Considérant, d'une part, que les archives publiques, communicables de plein droit en application des dispositions de l'article L. 213-1 du code du patrimoine, ne sont, par dérogation prévue au I de l'article L. 213-2 du même code, communicables de plein droit qu'à l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte à la conduite des relations extérieures de l'Etat, et d'un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l'Etat dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée ; que, toutefois, en application de l'article L. 213-3 dudit code, l'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 peut être accordée, par dérogation, aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger ; qu'il appartient, à ce titre, à l'autorité versante, puis à l'administration des archives, non seulement de prendre en compte les intérêts légalement protégés susceptibles d'être mis en cause, eu égard au contenu des documents sollicités, mais aussi d'apprécier la légitimité et le sérieux de la demande, l'utilité des documents pour le demandeur ainsi que, le cas échéant, le temps restant avant l'expiration des délais au-delà desquels les documents sont de plein droit communicables ; que si le refus de l'accord de l'autorité qui a effectué le versement, qui s'impose à l'administration des archives compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens relatifs à sa régularité et son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision ;
2. Considérant, d'autre part, qu'en application de l'article 20 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, dans sa rédaction applicable au litige, la commission d'accès aux documents administratifs, chargée de veiller au respect de la liberté d'accès aux documents administratifs et aux archives publiques, émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de consultation ou de communication de documents d'archives publiques, à l'exception des minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels mentionnés au c de l'article L. 211-4 du code du patrimoine ; que la saisine pour avis de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. BernardB..., professeur honoraire à l'université de Montréal, effectuant des recherches sur la Guinée Conakry en vue de la publication d'un ouvrage d'ensemble sur " la Guinée de Sékou Touré ", a présenté deux demandes de consultation de divers documents d'archives publiques versés par le service de coopération technique internationale de police de la direction générale de la police nationale, relatifs à plusieurs Etats et ressortissants africains ; qu'après le refus du ministre de l'intérieur, autorité ayant versé aux archives publiques les documents sollicités, d'en autoriser la consultation à titre dérogatoire, le ministre de la culture et de la communication a, par deux décisions des 16 octobre et 6 novembre 2008, rejeté les demandes de M.B... ; que, saisie par M. B...d'une demande en date du 9 décembre 2008, la commission d'accès aux documents administratifs a émis le 19 mars 2009 un avis partiellement favorable à la consultation des documents en litige ; qu'à la suite d'un nouveau refus de consultation opposé par le ministre de l'intérieur, le ministre de la culture et de la communication a, par une décision du 12 octobre 2009, confirmé le rejet de la demande de M.B... ; que, par un jugement du 15 décembre 2011, dont le ministre de la culture et de la communication relève appel, le Tribunal administratif de Paris, saisi par M.B..., a annulé cette dernière décision ;
4. Considérant que, pour prononcer cette annulation, le tribunal administratif a estimé que l'administration avait commis une erreur de droit en se bornant à constater l'atteinte aux intérêts protégés par la loi sans mettre en balance la légitimité et le sérieux de la demande de M. B... ni l'utilité des documents en cause pour ses recherches ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à l'occasion de l'instruction de cette demande, l'administration n'aurait pas pris en considération la légitimité et le sérieux de celle-ci ni l'intérêt qui s'attache pour le demandeur à la consultation de ces documents ; que, dès lors, le ministre de la culture et de la communication est fondé à soutenir qu'il a été procédé au bilan des intérêts en présence avant de refuser de faire droit à la demande présentée et que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du ministre de la culture et de la communication du 12 octobre 2009 comme entachée d'une erreur de droit ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité externe de la décision contestée :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 213-13 du code du patrimoine : " Le temps de réponse à une demande de consultation ne peut excéder deux mois à compter de l'enregistrement de la demande " ; que, toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que ce délai est prescrit à peine de nullité de la décision statuant sur la demande présentée ;
7. Considérant que si M. B...fait valoir que le délai écoulé entre la date de l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs et celle du nouveau refus opposé à sa demande par le ministre de l'intérieur est supérieur à deux mois, cette circonstance est sans effet sur la légalité de la décision contestée ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 213-5 du code du patrimoine : " Toute administration détentrice d'archives publiques ou privées est tenue de motiver tout refus qu'elle oppose à une demande de communication de documents d'archives " ;
9. Considérant que, si M. B...a entendu mettre en cause l'insuffisance de motivation des décisions du ministre de la culture et de la communication qui lui ont été opposées, il ressort des pièces du dossier que, dans les décisions des 16 octobre et 6 novembre 2008, le ministre de la culture et de la communication a informé M. B...de l'avis défavorable du ministre de l'intérieur, autorité versante, à la consultation sollicitée au motif que les dossiers correspondant à ses demandes contenaient des informations sensibles sur des Etats et des ressortissants étrangers dont la divulgation pourrait porter atteinte à la sûreté de ces derniers, ainsi que des informations dont la divulgation pourrait être préjudiciable à la vie privée de personnes nommément désignées et à la sécurité de l'Etat français et, qu'en outre, une partie des documents ne répondait pas à l'objet précis de ses recherches ; que, dans sa décision du 12 octobre 2009, le ministre de la culture et de la communication indiquait à M. B...qu'à la suite de l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs, saisie par le requérant, il avait demandé au ministre de l'intérieur s'il entendait maintenir son refus et que, cette dernière autorité ayant confirmé sa position, il ne pouvait l'autoriser à consulter aux Archives nationales, par dérogation, les documents demandés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation invoquée doit être écarté ;
Sur la légalité interne de la décision contestée :
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., après avoir consulté les instruments de recherche mis à disposition du public par les Archives nationales, a demandé l'autorisation de consulter, pour sa recherche et la rédaction de l'ouvrage précité, les documents versés par le service de coopération technique internationale de police (SCTIP) de la direction générale de la police nationale appartenant aux fonds documentaires de ce service, rassemblés pour le compte de l'administration centrale ; que sa demande portait, d'une part, sur 84 dossiers nominatifs faisant partie des articles 9 à 59, appartenant au versement 19930450, fonds qui rassemble les dossiers nominatifs ouverts par les délégations du SCTIP à l'étranger, concernant des personnalités politiques ou privées, ayant ou susceptibles d'avoir un rôle dans l'évolution politique, sociale ou religieuse de leur pays ou dans le cadre de la coopération internationale, et, d'autre part, sur des rapports, notes d'information et coupures de presse concernant l'évolution politique et économique des Etats où les délégations extérieures du service sont implantées, référencés sous les cotes suivantes :
- versement 19860146 : article 8 en entier, article 12 " Guinée 1959-1972 ", article 25 en entier, articles 33, 34 et 35 en entier ;
- versement 19910609 : article 2, liasse 1, article 5, liasse 2, article 11, liasse 1, article 32, liasse 1 ;
- versement 19910790 : article 1, liasse 2, articles 2, 3 et 4 en entier ;
- versement 19920033 : article 12, liasse 4 ;
11. Considérant que M. B...conteste que la consultation qu'il a sollicitée des documents ci-dessus énumérés porterait une atteinte excessive aux intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 213-1 du code du patrimoine et que certains de ces documents ne répondraient pas à l'objet de sa recherche ; que la mesure d'instruction ordonnée par l'arrêt avant dire droit du 13 décembre 2012 susvisé avait pour objet de permettre à la Cour d'apprécier, eu égard à l'intérêt qui s'attache pour M. B...à la consultation des documents sollicités, si leur communication serait de nature à porter ou non une atteinte excessive aux intérêts et secrets protégés par la loi ; qu'en considération du volume des documents concernés et des impératifs de conservation matérielle tenant à leur fragilité, la Cour s'est rendue, dans sa formation de jugement, aux Archives nationales, où la totalité des documents demandés par M. B... a été mise à sa disposition en vue de leur consultation ; que, toutefois, dans chacune des liasses ou articles des versements désignés dans la demande de l'intéressé, la Cour n'a pas pris connaissance, ainsi qu'il a été relevé dans le procès-verbal relatif au déplacement communiqué aux parties, des pièces d'archives classifiées et couvertes par le secret de la défense nationale au sens de l'article 413-9 du code pénal, qui figuraient, sous enveloppe scellée, à leur place, dans chacun des fonds versés aux Archives nationales ;
12. Considérant qu'il résulte de l'examen par la Cour des seules pièces d'archives non classifiées qu'eu égard à l'intérêt qui s'attache pour M. B...à la consultation des documents sollicités en vue des recherches qu'il poursuit, ainsi qu'à la nature et au contenu de ceux-ci, la communication des documents suivants ne comporte pas de risque d'atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi, qu'il s'agisse de la conduite des relations extérieures de l'Etat, de la sureté de l'Etat, de la sécurité des personnes ou de la protection de la vie privée :
Versement 19860146 :
article 8 : 800046/G " Relations avec l'étranger. Généralités " ; 80004-/G " Côte d'Ivoire - Ghana " ; 800046/G " Côte d'Ivoire - Relations avec la Guinée-Conakry " ;
article 12 : tous les documents, à l'exception de ceux versés sous les cotes 800053/A et 800053/A 3 ;
article 25 : 800042/G " Sénégal - Politique extérieure / Généralités " ;
Versement 19910609 :
article 2, liasse 1 : 801170/G " Algérie Guinée-Conakry " ;
article 5, liasse 2 : 800047/G " Dahomey Guinée-Conakry " ;
article 11, liasse 1 : 80004/G " Haute-Volta Guinée-Conakry " ;
article 32, liasse 1 : 80004/G " Côte d'Ivoire Guinée-Conakry " ;
Versement 19910790 :
article 1, liasse 2 : 800737/III/G " Guinée-Bissau Guinée-Conakry " ;
article 3 : sous la cote 800056/G " Relations extérieures de la Guinée-Conakry ", les documents relatifs aux relations avec les pays ou organismes suivants : Libéria, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Mexique, Niger, Nigéria, Ouganda, Palestine, pays arabes, Pologne, Portugal, Qatar, RASD, RCA, Sénégal, Sierra Léone, Somalie, Suède, Suisse, Syrie, Tanzanie, Tchad, Tchécoslovaquie, Togo, Tunisie, Vatican, Vietnam, Haute-Volta, Yougoslavie, Zaïre, Zambie, organismes internationaux, Afrique du Sud, République fédérale d'Allemagne, République démocratique allemande, Angola, Argentine, Bahreïn, Bénin, Brésil, Bulgarie, Cambodge, Cameroun, Canada, Cap-Vert, Chili, Comores, Congo, Corée du Nord, Corée du Sud, Danemark, Emirats arabes, Guinée-Bissau, Egypte, Espagne, Ethiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Inde, Italie, Jamaïque, Jordanie, Koweït ;
Versement 19920033 :
article 12, liasse 4 : tous les documents à l'exception de ceux versés sous les cotes 800481/2, 800481/3, 801876 et 802312 ;
13. Considérant qu'en refusant d'autoriser la communication des documents désignés au point 12 ci-dessus, le ministre de la culture et de la communication a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
14. Considérant, en revanche, qu'en ce qui concerne les autres pièces d'archives non classifiées dont M. B...a demandé la consultation par anticipation, il ressort de l'examen de ces documents auquel la Cour a procédé dans le cadre de son déplacement que, malgré la légitimité de la demande présentée, la communication de ceux-ci comporterait des risques d'atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi ; qu'ainsi, en refusant d'autoriser, par dérogation, la consultation desdits documents, le ministre de la culture et de la communication n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
15. Considérant, enfin, qu'en ce qui concerne les pièces d'archives classifiées et couvertes par le secret de la défense nationale, le ministre de la culture et de la communication était tenu d'en refuser la communication, en application des articles 413-9 et 413-10 du code pénal ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision refusant à M. B...l'octroi d'une dérogation en vue de consulter les documents visés aux points 14 et 15 du présent arrêt ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
18. Considérant qu'eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que M. B...soit autorisé à consulter les documents non classifiés communicables cités ci-dessus ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au ministre de la culture et de la communication, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de mettre M. B...en mesure de consulter les documents énumérés ci-dessus ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée... " ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B...demande sur le fondement de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision du ministre de la culture et de la communication du 12 octobre 2009 est annulée en tant qu'elle refuse à M. B...la consultation des documents non classifiés énumérés au point 12 des motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de la culture et de la communication d'autoriser la consultation par M. B...des documents d'archives visés à l'article 1er dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de la culture et de la communication, ainsi que le surplus de la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour est rejeté.
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N° 12PA00890