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24/06/2013 | FRANCE | N°12PA00283

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 24 juin 2013, 12PA00283


Vu le recours, enregistré le 16 janvier 2012, du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ; le ministre du travail, de l'emploi et de la santé demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106206 du 23 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société ICAPE une somme de

19 179,91 euros en réparation du préjudice subi du fait de la méconnaissance de la convention

n° 158 de l'Organisation internationale du travail, adoptée le 22 juin 1982 et entrée en vigueur le 16 mars 1990, par les disposition

s de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail " nouv...

Vu le recours, enregistré le 16 janvier 2012, du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ; le ministre du travail, de l'emploi et de la santé demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106206 du 23 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société ICAPE une somme de

19 179,91 euros en réparation du préjudice subi du fait de la méconnaissance de la convention

n° 158 de l'Organisation internationale du travail, adoptée le 22 juin 1982 et entrée en vigueur le 16 mars 1990, par les dispositions de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail " nouvelles embauches " ainsi que la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société ICAPE devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail " nouvelles embauches " ;

Vu la loi de finances n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 pour 2006 ;

Vu la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2013 :

- le rapport de Mme Amat, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que la société ICAPE, qui avait recruté M. A...en qualité d'ingénieur commercial le 9 octobre 2006 par un contrat " nouvelles embauches " prévu par l'ordonnance du 2 août 2005 susvisée a, après l'avoir licencié le 25 juin 2007 selon les formes prévues par l'article 2 de cette ordonnance, été condamnée, par un arrêt de la chambre sociale de la Cour d'appel de Paris du 3 février 2011, à lui payer une indemnité compensatrice de préavis de 3 500 euros ainsi qu'une somme de 350 euros au titre des congés payés y afférents, une indemnité de 9 000 euros pour rupture abusive du contrat de travail, une indemnité de

1 000 euros pour non-respect de la procédure de licenciement et une indemnité de 3 500 euros au titre de la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, au motif de la non-conformité de l'ordonnance du 2 août 2005 aux stipulations de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) ; que le ministre du travail relève régulièrement appel du jugement du 23 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société ICAPE la somme de 19 179,91 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de cette condamnation ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que la responsabilité de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée, d'une part, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi n'ait pas entendu exclure toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés, d'autre part, en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'ordonnance susvisée du 2 août 2005 relative au contrat de travail " nouvelles embauches ", les employeurs qui entraient dans le champ du premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail et qui employaient au plus vingt salariés ont été autorisés à conclure, pour toute nouvelle embauche, un contrat de travail dénommé " contrat nouvelles embauches " ; que ce contrat pouvait être rompu à l'initiative de l'employeur pendant les deux premières années courant à compter de sa date de conclusion, à condition que celui-ci, d'une part, notifie au salarié la rupture par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'autre part, respecte, sous réserve que le salarié soit présent depuis au moins un mois dans l'entreprise, un préavis, courant à compter de la réception de la notification précitée, d'une durée de deux semaines en cas de contrat conclu depuis moins de six mois à la date de présentation de la lettre recommandée ou d'une durée d'un mois dans le cas d'un contrat conclu depuis au moins six mois, et, enfin, verse au salarié, au plus tard à l'expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de l'indemnité de congés payés, une indemnité égale à 8% du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat ; que les lois n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 et

n° 2006-339 du 23 mars 2006, en ce qu'elles prévoient les mesures de financement de l'allocation forfaitaire allouée par ladite ordonnance aux travailleurs titulaires d'un contrat " nouvelles embauches " s'ils se trouvent privés d'emploi, ont eu pour effet de ratifier implicitement l'article 3 de l'ordonnance du 2 août 2005, qui n'est pas divisible de l'ensemble de ses autres dispositions ; que cette ordonnance doit donc être regardée comme ayant eu valeur législative, dans sa globalité, à compter de sa signature ;

4. Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la société ICAPE a recherché la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences financières de sa condamnation par la Cour d'appel de Paris par un arrêt du 3 février 2011 ; que, dans cet arrêt, ladite Cour a jugé que le contrat " nouvelles embauches " conclu entre la société ICAPE et M. A...devait être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun et qu'en écartant les dispositions générales relatives à la procédure préalable au licenciement, à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse, à son énonciation et à son contrôle, privant ainsi le salarié du droit de se défendre préalablement à son licenciement tout en faisant peser exclusivement sur lui la charge de prouver le caractère abusif de la rupture, l'article 2 de l'ordonnance du 2 août 2005, devenu l'article

L. 1223-4 du code du travail, ne satisfaisait pas aux exigences des stipulations de la convention n° 158 de l'OIT ; que la Cour d'appel en a conclu que M. A...était fondé à demander des dommages et intérêts pour le licenciement irrégulier dont il avait fait l'objet ainsi que l'indemnité compensatrice du préavis dont il avait été dispensé ;

5. Considérant que le préjudice subi par la société ICAPE réside ainsi dans sa condamnation au paiement d'indemnités afférentes à un licenciement considéré par la Cour d'appel de Paris comme abusif en raison du caractère inconventionnel du contrat " nouvelles embauches " institué par l'ordonnance du 2 août 2005 ratifiée par les lois des 30 décembre 2005 et 26 mars 2006 ; que dès lors, cette condamnation résulte de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France ; que, si le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision du 19 octobre 2005, rejeté des requêtes dirigées contre l'ordonnance du 2 août 2005 qui avait alors valeur réglementaire, cette circonstance n'est pas de nature à exclure la responsabilité de l'Etat du fait des conséquences financières, vis-à-vis de l'employeur, de la non-conformité de cette ordonnance à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail ; que, par ailleurs, si l'Etat soutient que la société ICAPE avait connaissance du risque contentieux lié aux contrats " nouvelles embauches " du fait d'une première décision rendue par la Cour d'appel de Bordeaux, il est toutefois constant que la Cour de cassation n'a déclaré les dispositions de l'ordonnance du 2 août 2005 non conformes à la convention n° 158 de l'OIT que le 1er juillet 2008, soit postérieurement à la date à laquelle le licenciement de M. A...est intervenu ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'égard de la société ICAPE à raison de la condamnation de celle-ci par la Cour d'appel de Paris pour avoir licencié un salarié selon les modalités prévues par les dispositions de l'ordonnance du 2 août 2005 non conformes aux stipulations de la convention n° 158 de l'OIT ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que la société ICAPE a été condamnée par la Cour d'appel de Paris à payer la somme totale de 19 179,91 euros ; que, si le ministre soutient que le versement de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de requalification du contrat " nouvelles embauches " de M. A...en contrat à durée indéterminée ne présenterait pas de lien direct et certain avec la non-conformité de l'ordonnance du 2 août 2005 aux stipulations de la convention n° 158 de l'OIT, il résulte toutefois des termes mêmes de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris que l'ensemble des condamnations mises à la charge de la société ICAPE a pour seul motif la non-conformité de ladite ordonnance à cette convention et la requalification par voie de conséquence du contrat " nouvelles embauches " de M. A...en contrat à durée indéterminée de droit commun, laquelle implique notamment le versement d'une indemnité pour requalification de contrat ainsi que celui d'une indemnité compensatrice de préavis due en cas de dispense d'effectuer le préavis ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société ICAPE ; que, par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante en la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société ICAPE et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre du travail, de l'emploi et de la santé est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société ICAPE une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12PA00283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00283
Date de la décision : 24/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : GALLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-06-24;12pa00283 ?
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