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18/06/2013 | FRANCE | N°11PA03894

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 juin 2013, 11PA03894


Vu la requête, enregistrée le 23 août 2011, présentée pour M. F... E..., demeurant..., Wallis et Futuna, par la SCP Roux-Lang-Lang-Cheymol-Canizares - le Fraper du Hellen ; M. E... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1060945/1 du 20 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Mata-Utu a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n°19 du 20 mai 1964, modifié, portant organisation administrative des circonscriptions administratives du territoire, et de décisions de constatation de la nomination ou de la cessation de fonctions d'autori

tés coutumières ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'ensemble ...

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2011, présentée pour M. F... E..., demeurant..., Wallis et Futuna, par la SCP Roux-Lang-Lang-Cheymol-Canizares - le Fraper du Hellen ; M. E... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1060945/1 du 20 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Mata-Utu a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n°19 du 20 mai 1964, modifié, portant organisation administrative des circonscriptions administratives du territoire, et de décisions de constatation de la nomination ou de la cessation de fonctions d'autorités coutumières ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'ensemble de ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, de prendre toutes mesures de nature à assurer l'exécution de l'arrêt à intervenir et notamment d'émettre des titres exécutoires à l'encontre des autorités ayant bénéficié des décisions annulées ou déclarées nulles et de nul effet ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2013 :

- le rapport de Mme Sanson, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour M. E...;

1. Considérant que M. E...a saisi le Tribunal administratif de Mata'Utu d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté n° 19 du 20 mai 1964 de l'administrateur supérieur portant organisation des circonscriptions administratives du territoire des iles Wallis et Futuna, à l'annulation de délibérations du conseil de circonscription d'Uvea entérinant le versement d'une indemnité à M.D..., constatant l'intronisation de M.C..., constatant la cessation de fonctions de M.G..., constatant la nomination de M. B...et enfin des décisions de l'administrateur supérieur constatant la nomination de M. H...et portant attribution d'une indemnité de fonctions au président du conseil de circonscription d'Uvea ; que, par un jugement du 20 mai 2011, le tribunal a déclaré nulle et non avenue la décision n° 2005-1367 en date du 26 septembre 2005, par laquelle l'administrateur supérieur a constaté la nomination de M. H..., et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.E... ; que M. E...relève appel de ce jugement en tant qu'en son article 2 il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort des conclusions présentées par M. E...devant le tribunal administratif qu'il a demandé l'annulation de l'arrêté du 20 mai 1964 de l'administrateur supérieur et a excipé de son illégalité à l'encontre des autres décisions contestées ; que le tribunal a écarté implicitement l'exception d'illégalité en observant qu'un arrêté modificatif du 6 août 2007 était venu retirer à l'administrateur supérieur le pouvoir de nomination des autorités coutumières ; que toutefois le jugement, qui ne statue pas sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 mai 1964, est irrégulier et doit être annulé dans cette mesure ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur l'arrêté n° 19 du 20 mai 1964 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 la loi susvisée du 29 juillet 1961, conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer : "La République garantit aux populations du territoire des îles Wallis et Futuna le libre exercice de leur religion, ainsi que le respect de leurs croyances et de leurs coutumes en tant qu'elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi./ Elle prend toutes mesures propres à assurer le développement économique du territoire, notamment par l'intermédiaire du fonds d'investissement et de développement économique et social " ; qu'aux termes de l'article 4 de la même loi : " Le territoire des îles Wallis et Futuna est désormais régi : / a) Par les lois de la République et par les décrets applicables, en raison de leur objet, à l'ensemble du territoire national et, dès leur promulgation dans le territoire, par les lois, décrets et arrêtés ministériels déclarés expressément applicables aux territoires d'outre-mer ou au territoire des îles Wallis et Futuna ; / b) Par les règlements pris pour l'administration du territoire par le haut-commissaire de la République dans l'océan Pacifique ou par l'administrateur supérieur du territoire des îles Wallis et Futuna, chacun selon les compétences qui lui sont dévolues par la présente loi et par les décrets qui seront pris pour son application. " ; que l'article 8 dispose que : " L'administrateur supérieur du territoire, nommé par décret en conseil des ministres, dépositaire des pouvoirs de la République, représente chacun des membres du Gouvernement. Il a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois. Il exerce les pouvoirs conférés aux gouverneurs par les lois et les règlements, (...) L'administrateur supérieur assure l'ordre public et concourt au respect des libertés publiques et des droits individuels et collectifs dans les îles Wallis et Futuna. Il prend les mesures relatives au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publique. Il exerce, par analogie, les attributions qui sont conférées au maire en matière de police administrative. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administrateur territorial d'assurer la coordination entre l'exercice des compétences dévolues à l'Etat dans le cadre rappelé ci-dessus et la mise en oeuvre des règles coutumières ;

6. Considérant que M. E...demande que soit déclaré inexistant l'arrêté du 20 mai 1964 en invoquant notamment l'illégalité de son article 3 en tant qu'il donnerait compétence à l'administrateur supérieur pour constater la nomination ou la destitution des notables détenteurs de titres traditionnels ; que cet article dispose toutefois, dans sa rédaction issue de l'arrêté n° 2007-294 du 6 août 2007 que : " Le Conseil de circonscription est constitué, sous la présidence de celui des Vice-Présidents du Conseil Territorial (Hau ou Sau) appartenant à la circonscription, des notables (Aliki Fau) détenteurs des titres traditionnels ci-après désignés, octroyés ou retirés dans les conditions prévues par la coutume, soit : Pour le Conseil de Circonscription d'Uvéa : - Président : Le Lavelua/ - Membres : Le Kalae-Kivalu, le Mahe Fotua'ika, le Ulu'i Munua, le Kulitea, le Fotuatamai et le Mukoifenua. / Pour le Conseil de Circonscription d'Alo : / - Président : Le Tuiagaifo / - Membre : Le Tiafoi, le Saataula, le Tuisaavaka, le Tuiasoa et la Vakalasi. / Pour le Conseil de Circonscription de Sigave : / - Membres : Le Saatula, le Kaifakaulu, le Manafa, le Safeitoga et le Tuitoloke. / En cas d'absence ou d'empêchement, le Président est provisoirement remplacé dans ses fonctions par le suivant dans l'ordre traditionnel. " ; que ces dispositions, qui se bornent à fixer la composition des conseils de circonscription, conformément à l'article 18 de la loi susvisée du 29 juillet 1961, n'attribuent aucune compétence à l'administrateur territorial et ne peuvent être regardées comme une immixtion dans les affaires coutumières proscrite par l'article 3 de la même loi ;

7. Considérant par ailleurs qu'aux termes de l'article 9 du même arrêté : " Le Conseil prend des délibérations et donne des avis dans les matières ci-après définies. Il peut émettre des voeux. / Il constate par délibération la désignation des chefs traditionnels (Hau ou Sau), des notables (Aliki fau), des chefs de districts et des chefs de villages, et la notifie au Chef du territoire qui en assure la publication au journal officiel du territoire des îles Wallis et Futuna. Cette désignation est également notifiée à l'Administrateur supérieur et au Président de l'Assemblée territoriale. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le Conseil de circonscription, dont les membres sont des autorités coutumières, est seul compétent pour constater la désignation des chefs traditionnels ;

8. Considérant qu'il résulte des articles 9 et 18 de la loi du 29 juillet 1961 que l'administrateur supérieur dispose du pouvoir règlementaire et qu'il est ordonnateur du budget du territoire et du budget de la circonscription de Wallis dont il est le chef, son délégué à Futuna étant ordonnateur des circonscriptions de son ressort ; que l'article 13 de l'arrêté contesté dispose que : " Des indemnités peuvent être allouées aux conseillers selon des modalités fixées par arrêté de l'administrateur supérieur en conseil de territoire " ; que, selon l'article 10 de la loi du 29 juillet 1961, le conseil territorial est composé à parité des chefs traditionnels et de membres nommés par l'administrateur supérieur ; qu'ainsi, en prévoyant le versement d'indemnités de fonction aux conseillers territoriaux, l'administrateur supérieur ne peut être regardé comme ayant excédé les pouvoirs qu'il tient de la loi du 29 juillet 1961 ;

9. Considérant que les dispositions des articles 18 et 20 de l'arrêté litigieux, prévoyant l'attribution d'une allocation sur les fonds du budget local, respectivement, au chef de village et au chef de district, désignés selon les usages reconnus par la coutume, ne traduisent pas non plus une méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la loi du 29 juillet 1961 de nature à les faire regarder comme inexistants ;

10. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à demander à ce que l'arrêté litigieux soit déclaré nul et non avenu ; qu'il n'est en tout état de cause, pas recevable à en demander l'annulation postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ;

Sur les décisions n° 2005-1367, 2005-1368, 2005-1374, 2005-1375 du 26 septembre 2005 :

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ces décisions ont été déclarées nulles et non avenues par jugement du Tribunal administratif de Mata'Utu en date du 13 mars 2007 ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à leur annulation, qui sont dépourvues d'objet, ne sont pas recevables ;

Sur les délibérations n° 2008-06 du 26 août 2008, du conseil de circonscription d'Uvéa, n° 2008-06 du 7 novembre 2008, n° 2008-07 et n° 2008-08 du conseil de circonscription d'Alo-Futuna :

13. Considérant que ces délibérations, qui constatent la nomination ou la cessation de fonctions d'autorités coutumières, ont été adoptées par les conseils de circonscription conformément aux dispositions précitées de l'arrêté du 20 mai 1964, modifié ; que, par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'elles auraient été adoptées en méconnaissance de la compétence des autorités coutumières et seraient, de ce fait, inexistantes ;

14. Considérant que les délibérations attaquées ont été publiées au journal officiel des îles Wallis et Futuna, respectivement, les 15 octobre, 15 novembre et 30 novembre 2008 ; que la demande de M. E...a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2010 soit postérieurement à l'expiration du délai de recours, qui était opposable au requérant ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté ces conclusions comme tardives ;

Sur la décision n° 2008-1472 du 17 novembre 2008 :

15. Considérant que la décision du 17 novembre 2008 de l'administrateur supérieur, portant attribution d'une indemnité de fonction au président du conseil de circonscription d'Uvéa, a été publiée au journal officiel du territoire des îles Wallis et Futuna le 30 novembre 2008 ; que M. E...n'établit pas que cette décision, qui se borne à fixer le montant de l'indemnité versée au président du conseil de circonscription en application de l'article 13 de l'arrêté n° 19 du 20 mai 1964, modifié, serait entachée d'une irrégularité de nature à la faire regarder comme inexistante ; que, par suite, le délai de recours est opposable au requérant ; que sa demande a été enregistrée au greffe du tribunal le 10 juin 2010, soit postérieurement à l'expiration de ce délai ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande pour tardiveté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

17. Considérant que l'annulation par le jugement du 20 mai 2011 de la décision de l'administrateur supérieur en date du 26 septembre 2005 constatant la nomination de M. H... I...en qualité de chef de village de Vailala, district de Hihifo, n'implique pas nécessairement le reversement par l'intéressé des indemnités qu'il aurait perçues à ce titre ; que le présent arrêt, qui rejette les autres conclusions à fin d'annulation présentées par M.E..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction de la requête ne peuvent, dès lors, être accueillies ;

Sur les frais exposés

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. E...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Mata'Utu du 20 mai 2011 est annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions de M. E...tendant à ce que soit déclaré nul et non avenu l'arrêté n° 19 du 20 mai 1964, modifié, portant organisation des circonscriptions administratives du territoire des îles Wallis et Futuna.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. E...devant le tribunal administratif tendant à ce que l'arrêté n° 19 du 20 mai 1964 soit déclaré nul et non avenu et le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. E...sont rejetées.

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N° 11PA03894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03894
Date de la décision : 18/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-01-02-04 Outre-mer. Droit applicable. Statuts. Wallis et Futuna.


Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: Mme Michelle SANSON
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SCP ROUX-LANG-LANG-CHEYMOL-CANIZARES - LE FRAPER DU HELLEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-06-18;11pa03894 ?
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