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12/06/2013 | FRANCE | N°12PA01249

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 12 juin 2013, 12PA01249


Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2012, présentée par le préfet de police de Paris, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1116643/5-1 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 juillet 2011 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A...B..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat le verseme

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Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2012, présentée par le préfet de police de Paris, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1116643/5-1 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 juillet 2011 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A...B..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B...d'une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2013 :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me D...C..., pour M.B... ;

1. Considérant que M.B..., né en 1967 en Tunisie, pays dont il a la nationalité, et entré en France le 5 février 2001, selon ses déclarations, a sollicité auprès de la préfecture de police, le 19 avril 2011, son admission au séjour en arguant de sa présence depuis dix ans sur le territoire français ; que, par un arrêté du 6 juillet 2011, le préfet de police a opposé un refus à cette demande au motif que M. B...ne remplissait pas les conditions prévues à l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1116643/5-1 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

Sur la recevabilité du recours du préfet de police :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué, rendu le

9 février 2012 par le Tribunal administratif de Paris, a été notifié le 14 février suivant au préfet de police, ainsi que l'atteste le cachet apposé sur la lettre portant notification de ce jugement ; que le délai de recours, lequel est un délai franc, expirait le 15 mars 2012 à minuit ; que, par suite, la requête sommaire d'appel du préfet de police, enregistrée en télécopie le 15 mars 2012 à 14 heures 59 minutes, confirmée par courrier enregistré au greffe de la Cour le 19 mars 2012, a été présentée dans le délai d'appel ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. B...doit être écartée ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

4. Considérant que M.B..., né en 1967 en Tunisie, pays dont il a la nationalité, et entré en France le 5 février 2001, selon ses déclarations, a sollicité auprès de la préfecture de police, le 19 avril 2011, son admission au séjour en arguant de sa présence depuis dix ans sur le territoire français ; que, par un arrêté du 6 juillet 2011, le préfet de police a opposé un refus à cette demande au motif que M. B...ne remplissait pas les conditions prévues à l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1116643/5-1 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

5. Considérant que, pour annuler l'arrêté du préfet de police du 6 juillet 2011, le Tribunal administratif de Paris a jugé que cette autorité avait " commis une erreur de droit " à défaut d'avoir procédé à une analyse de la situation du requérant au regard de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; que l'article 11 de l'accord franco-tunisien susvisé du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord./ Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco- tunisien susvisé : " d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : - les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que les ressortissants tunisiens ne justifiant pas d'une présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord, ne sont pas admissibles au bénéfice du d) de l'article 7 ter dudit accord ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la demande formée par l'intéressé le 19 avril 2011, que M. B... aurait sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; que, M. B... ayant sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire sans préciser le fondement de sa demande et en mentionnant être présent en France depuis le 5 février 2001, le préfet de police ne s'est pas mépris sur la portée de cette demande en l'examinant sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui était applicable à l'intéressé dès lors que celui-ci n'avait pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié, dont l'attribution est régie par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé ; que, dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux au motif qu'il aurait " commis une erreur de droit " en n'examinant pas la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur les autres moyens soulevés par M.B... :

9. Considérant, en premier lieu, que la décision refusant un titre de séjour à M. B... comporte l'exposé de l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, elle est suffisamment motivée ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas de la motivation de la décision de refus de titre de séjour que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de M. B... ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, si M. B... soutient qu'il résidait de façon habituelle et continue en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, les documents produits, qui consistent, pour l'année 2001, en une attestation d'accueil pour une période de trente jours allant du 25 janvier au 25 avril 2001 et en un bordereau de change du

1er février 2001 établi par une banque dont le siège social se situe en Tunisie et, pour l'année 2003, en deux ordonnances datées du mois de mai ainsi qu'en une attestation en date du

21 novembre 2004 certifiant que l'intéressé travaillait en qualité de commis polyvalent depuis le 10 janvier 2002, mais accompagnée d'un seul bulletin de paie portant sur la période " du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2003 ", sont insuffisamment probants pour établir la réalité de la résidence habituelle de l'intéressé sur le territoire français pendant les dix années précédant sa demande, à supposer même que sa présence ponctuelle puisse être tenue pour établie durant l'année 2002, M. B...produisant un relevé de consultations médicales ayant eu lieu en mai, juin, septembre et décembre de la même année ainsi qu'un relevé de carrière de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse mentionnant une activité salariée durant deux trimestres ; qu'ainsi, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur la demande d'admission au séjour de M.B... ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que, pour prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

M. B...fait valoir les éléments tirés de sa situation personnelle, notamment la durée de son séjour en France ; que, toutefois, contrairement à ce qu'il soutient, cette circonstance, au demeurant non établie ainsi qu'il résulte du point précédent, ne serait pas suffisante à elle seule pour constituer un motif exceptionnel et ouvrir un droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions susmentionnées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

14. Considérant que M. B...soutient que l'arrêté qu'il conteste porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et a, par suite, méconnu les stipulations susmentionnées ; que, comme cela a été relevé précédemment, M. B...ne justifie pas, par les documents produits, notamment pour les années 2000 à 2003, de l'ancienneté alléguée de sa présence en France ; qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays où, selon sa déclaration du 19 avril 2011, résident ses parents et sa fratrie et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 33 ans ; que, s'il fait valoir qu'il est père d'un enfant né le

15 novembre 2012 de sa concubine, titulaire d'une carte de résident, cette naissance est postérieure à l'arrêté en litige et donc sans incidence sur la légalité de celui-ci ; qu'il ne résulte pas des pièces versées au dossier que l'intéressé aurait entretenu, avant l'intervention de cet arrêté, des liens avec sa concubine de nature à faire regarder cet arrêté comme portant une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il est intervenu en violation des stipulations précitées, ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 6 juillet 2011, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B...d'une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. B... aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1116643/5-1 du 9 février 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 12PA01249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA01249
Date de la décision : 12/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : GUTIERREZ FERNANDEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-06-12;12pa01249 ?
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