Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2011, présentée pour la société Lancry protection sécurité, dont le siège est au 110 rue de l'Ourq à Paris (75019), par Me D... ; la société Lancry protection sécurité demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001482/3-2 / 1001484/3-2 du 12 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 18 novembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspectrice du travail du
Val-de-Marne en date du 31 juillet 2009 et déclaré M. B...apte à occuper un poste d'agent de sécurité incendie sur tout autre site que France Télévision et, d'autre part, à l'annulation de la décision en date du 20 novembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspectrice du travail du
Val-de-Marne en date du 10 juillet 2009 et refusé de lui accorder l'autorisation de licencier
M. B...pour faute ;
2°) d'annuler l'article 2 de la décision du 18 novembre 2009 et l'article 2 de la décision du 20 novembre 2009 ;
3°) d'enjoindre à l'administration d'autoriser le licenciement de M. A...B...ou, à défaut, de procéder au réexamen de la demande d'autorisation de licencier M. A...B..., dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de
500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du ministre du travail une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 avril 2013, présentée pour M. B...par Me C... ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2013 :
- le rapport de M. Sorin, rapporteur,
- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.B... ;
1. Considérant que M.B..., embauché par la société Lancry protection sécurité (LPS) le 7 avril 2006 en qualité d'agent de sécurité incendie, a été élu représentant syndical au comité d'entreprise le 1er juin 2007 ; qu'à la suite de difficultés relationnelles croissantes avec son employeur au cours des années 2007, 2008 et 2009, notamment en ce qui concerne le site de France Télévision sur lequel il avait été affecté en juin 2007, M. B...a fait l'objet d'un arrêt de travail du 24 février au 6 mars 2009 à la suite duquel il a demandé sa mutation sur un autre site ; que le médecin du travail, auprès duquel il s'est rendu sur demande de son employeur, ayant conclu à son aptitude, l'intéressé a saisi l'inspectrice du travail qui, par une décision du
31 juillet 2009, a modifié cet avis par la mention " apte à un poste d'agent de sécurité incendie sur un autre site " ; que si le ministre du travail, saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision a, le 18 novembre 2009, annulé celle-ci pour insuffisance de motivation, il a confirmé que M. B...était apte à occuper un poste d'agent de sécurité incendie sur tout autre site que France Télévision ; qu'une procédure de licenciement pour faute ayant parallèlement été engagée par l'employeur, l'inspectrice du travail a, le 10 juillet 2009, en se fondant sur l'existence d'un lien entre le mandat syndical et le licenciement projeté, rejeté cette demande ; que par une décision du 20 novembre 2009 prise sur recours hiérarchique, le ministre, après avoir annulé ladite décision pour incompétence territoriale, a confirmé ce refus en se fondant sur le motif que les faits reprochés à M. B...n'étaient pas de nature à le justifier ; que la société LPS interjette régulièrement appel du jugement du 12 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des deux décisions des 18 et 20 novembre 2009 ;
Sur la décision du ministre du travail du 18 novembre 2009 :
2. Considérant, en premier lieu, que M. F...était, à la date de la décision attaquée, titulaire d'une délégation de signature en date du 21 juin 2005 régulièrement publiée au Journal Officiel du 24 juin 2005 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, en tout état de cause, être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la décision du 18 novembre 2009 vise les articles L. 4624-1, L. 1226-10, L. 1226-2 et R. 4624-31 du code du travail et énonce que, bien que les conflits relationnels subis par M. A...B...sur le site France Télévision aient altéré son état de santé, il est apte à occuper un poste d'agent de sécurité incendie sur tout autre site que celui de son affectation ; qu'elle énonce ainsi les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée ; que le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit par suite, et en tout état de cause, être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, que la décision litigieuse ayant pour seul objet de se prononcer sur l'aptitude de M. B...à occuper un poste, la circonstance qu'elle ne porte pas d'appréciation sur le lien entre son mandat syndical et le licenciement par ailleurs demandé par la société LPS est sans incidence sur sa légalité ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que le ministre du travail ayant, par la décision litigieuse, annulé la décision de l'inspectrice du travail pour insuffisance de motivation, la circonstance qu'il ne l'ait pas également annulée pour incompétence territoriale de ladite inspectrice, à supposer que cette incompétence soit établie, est en tout état de cause sans incidence sur sa légalité ;
6. Considérant, en cinquième lieu, que si le ministre a, par la décision du
20 novembre 2009 refusant l'autorisation de licenciement de M.B..., infirmé la compétence territoriale de l'inspection du travail des Hauts-de-Seine, cette différence d'appréciation sur la compétence territoriale de l'inspectrice du travail, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ;
7. Considérant, en sixième lieu, que la décision attaquée est fondée sur les dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail aux termes duquel " le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail " ; que, d'une part, l'inspecteur du travail, régulièrement saisi par
M.B..., pouvait légalement, sur le fondement de ces dispositions, proposer une affectation sur un autre site que le site d'affectation de M.B..., alors même que le médecin du travail s'était borné à déclarer M. B...apte à exercer son activité professionnelle sans proposer de nouvelle affectation ; que, d'autre part, la circonstance que le ministre ait également visé dans la décision litigieuse les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 relatifs respectivement à l'inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel et à l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, alors qu'en l'espèce M. B...n'a pas été déclaré inapte par l'inspecteur du travail ni par le ministre du travail, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ;
8. Considérant, en septième lieu, que si la société LPS soutient que les " conflits relationnels subis par M. B...sur le site de France Télévision " évoqués par le ministre du travail pour fonder sa décision de reconnaissance de son aptitude au travail sur un autre site ne sont pas établis, il ressort des pièces du dossier que M. B...a été affecté sur le site de France Télévision à titre de sanction disciplinaire à compter du 25 juin 2007 pour des faits que l'intéressé a toujours contestés et qui ne sont pas établis par la société requérante ; qu'à compter de ce jour, les relations entre M. B...et son employeur se sont régulièrement dégradées ; que, par un jugement du 15 janvier 2009, le conseil des prud'hommes, d'une part, a annulé la sanction disciplinaire infligée à M. B...et, d'autre part, a enjoint à la société LPS de le réintégrer dans ses horaires fixes de jour qui avaient été unilatéralement modifiés par son employeur ; qu'entre les mois de septembre 2007 et de novembre 2008, des erreurs répétées sur ses bulletins de salaire ont contraint M. B...à réclamer par écrit le paiement des prestations diverses auxquelles il avait droit en application de son contrat de travail ; qu'au mois de janvier 2009, il a été informé qu'il participerait à un stage de formation qui lui a finalement été refusé en mars de la même année ; qu'à la suite d'un nouvel incident relatif à l'attribution aux agents de sécurité incendie de vestiaires sécurisés et dont il n'est pas contesté qu'il a contribué à dégrader sa réputation auprès de ses collègues de travail, M. B...a adressé, le 4 février 2009, à la société LPS, une demande de mutation qui lui a d'abord été accordée verbalement le
2 mars 2009, avant de lui être refusée par écrit le 20 mars suivant ; que, face à la multiplication des situations conflictuelles l'opposant à son employeur, M. B...a été placé en arrêt de travail du 24 février au 6 mars 2009 pour syndrome dépressif réactionnel ; qu'il n'est plus revenu sur le site de France Télévision à compter du 20 mars 2009 ; que, dans ces conditions, le ministre du travail a pu légalement estimer que M. B...n'était pas apte à assurer ses fonctions sur le site de France Télévision ; que, par suite, la société Lancry protection sécurité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2009 par laquelle le ministre du travail a déclaré M. B...apte à occuper un poste d'agent de sécurité sur un autre site que France Télévision ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2009 :
9. Considérant, en premier lieu, que M. E...était, à la date de la décision attaquée titulaire d'une délégation de signature en date du 5 juillet 2007 régulièrement publiée au Journal Officiel du 20 juillet 2007 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que le ministre du travail a, par la décision litigieuse, annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 8ème section du Val-de-Marne du
31 juillet 2009 pour incompétence territoriale de son auteur ; qu'il n'a, ce faisant commis aucune illégalité, l'agence parisienne à laquelle était rattachée M. B...étant dotée d'un comité d'entreprise ; que la circonstance que le ministre ait également, à titre surabondant, désigné l'inspection des Hauts-de-Seine comme autorité compétente est en outre sans incidence sur la légalité de sa décision ;
11. Considérant, en troisième lieu, que si le ministre a, par la décision du
18 novembre 2009 déclarant M. B...apte à exercer ses fonctions sur un autre site que France Télévision, reconnu la compétence territoriale de l'inspectrice du travail de la
8ème circonscription du Val-de-Marne, cette différence d'appréciation sur la compétence territoriale de l'inspectrice du travail, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ;
12. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis d'un mandat de délégué syndical bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
13. Considérant que la société LPS soutient que la gravité de la faute commise par
M.B..., qui ne s'est plus rendu sur son poste de travail à compter du 20 mars 2009, était de nature à justifier son licenciement pour faute et qu'en refusant de donner son autorisation à la demande de licenciement présentée, le ministre a commis une erreur de qualification juridique des faits ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que les relations entre M. B...et son employeur n'ont cessé, depuis son affectation sur le site de France Télévision en juin 2007, de se dégrader au point que le salarié a développé un syndrome dépressif réactionnel à l'origine de l'arrêt de travail de quinze jours mentionné ci-dessus ; que, ainsi que l'ont à juste titre relevé les juges de première instance, la société LPS n'apporte aucun élément de nature à expliquer son opposition, par courrier du 20 mars 2009, à la demande de mutation sur un autre site dont elle avait été saisie alors qu'elle avait donné un accord verbal à l'intéressé le 2 mars 2009 ; que, malgré la gravité des manquements reprochés à celui-ci, la société LPS n'a pas usé de la faculté qu'elle avait de prononcer sa mise à pied et a finalement, à la suite de la décision de l'inspectrice du travail du 31 juillet 2009, décidé sa mutation sur le site de Tremblay-en-France à compter du mois de septembre 2009 ; qu'il ressort aussi des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que les difficultés professionnelles de M. B...ont cessé à compter de cette mutation, le salarié s'acquittant de façon satisfaisante de ses fonctions d'agent de sécurité incendie ; qu'ainsi, eu égard à tout ce qui précède, et dans les circonstances très particulières de l'espèce, le ministre a pu à bon droit refuser l'autorisation de licencier
M.B... ; que, par suite, la société LPS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2009 par laquelle le ministre a refusé l'autorisation de licencier
M.B... ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge M.B..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société Lancry protection sécurité au titre des frais non compris exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Lancry protection sécurité une somme de
1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Lancry protection sécurité est rejetée.
Article 2 : La société Lancry protection sécurité versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11PA05058