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11/04/2013 | FRANCE | N°12PA01235

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 avril 2013, 12PA01235


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés le 14 mars 2012 et le 5 avril 2012, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1015723/1-3 du 10 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 24 juin 2010 refusant à M. C...A...B...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français en fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de trois mois et, enfin,

a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application des disp...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés le 14 mars 2012 et le 5 avril 2012, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1015723/1-3 du 10 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 24 juin 2010 refusant à M. C...A...B...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français en fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de trois mois et, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :

- le rapport de M. Bergeret, rapporteur ;

1. Considérant que M. C...A...B..., ressortissant cubain né le 9 décembre 1975, a fait l'objet le 24 juin 2010 d'un arrêté du préfet de police lui refusant le renouvellement de la carte de séjour qui lui avait été accordée en qualité de conjoint d'une ressortissante française, eu égard à la procédure de divorce alors en cours ; que par jugement du 12 février 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en relevant qu'il portait une atteinte excessive au droit de l'intéressé à une vie privée et familiale ; que par sa présente requête, le préfet de police relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que si le jugement attaqué retient que l'arrêté litigieux a méconnu l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas de ses termes qu'il aurait entendu, pour prononcer l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte refus de séjour, retenir le second de ces moyens alors qu'il n'était pas explicitement soulevé à l'encontre de cette décision, et qu'il serait ainsi irrégulier dans cette mesure ;

3. Considérant, en second lieu, que si les premiers juges ont relevé, pour estimer que l'intéressé était fondé à alléguer une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale, que celui-ci résidait en France depuis plus de dix années et y est réellement intégré, sans que ces éléments aient été spécifiquement invoqués par le requérant, une telle circonstance n'est pas davantage de nature à entacher le jugement d'irrégularité dès lors qu'il incombait au Tribunal, saisi du moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 313-11 7°, de statuer sur le bien fondé de ce moyen au vu de l'ensemble des critères d'application du texte légal concerné ;

Au fond :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; et qu'aux termes de l'article

L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. A...B..., qui est entré en France en mars 2000, se prévaut d'une durée de séjour en France de plus de dix ans, cette seule circonstance ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'arrêté contesté, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ; qu'à la date de l'arrêté, l'intéressé, qui était en instance de divorce et sans charge de famille, n'invoque pas l'existence de liens personnels et familiaux particulièrement forts ; qu'il ressort du dossier que s'il a occupé divers emplois au cours de son séjour en France, il ne justifie pas d'une stabilité de vie établissant une intégration poussée dans la société française ; qu'enfin, il est constant qu'il n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents, et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 25 ans ; que, par suite, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté litigieux avait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

6. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...B...devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour de céans ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " (...) La carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ; qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ;

8. Considérant que M. A...B..., qui justifie être entré en France en provenance de Cuba le 12 mars 2000, détenteur d'un visa Schengen valable pour un séjour de trois mois et d'un permis cubain de voyage à l'extérieur dont la validité a été prorogée en novembre 2000 au consulat de la république de Cuba à Paris, a été titulaire de plusieurs titres de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française entre mai 2001 et mai 2002, puis à compter de janvier 2006 jusqu'au mois de mai 2010 ; que ces éléments, et les nombreuses autres pièces versées au dossier, constituées notamment par des avis d'imposition faisant état de revenus effectivement déclarés sur la plupart des années en cause, par divers contrats de travail, bulletins de salaire et attestations de travail, par des documents médicaux faisant état de soins médicaux reçus notamment au cours de l'année 2004, suffisent à attester de la résidence habituelle en France de M. A...B...au cours des dix années précédant l'arrêté attaqué ; qu'il en résulte que le préfet de police était tenu, en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14, de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision de refus de titre de séjour ; qu'en l'absence d'une telle consultation l'arrêté litigieux est intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué en date du 24 juin 2010 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, qui est le seul, en l'état du dossier, qui apparaisse fondé, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour à M. A...B... ; que l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A...B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que M. A...B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Stambouli, avocat de M. A... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1015723/1-3 en date du 10 février 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions du préfet de police est rejeté.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Stambouli, conseil de M. A...B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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N° 12PA01235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12PA01235
Date de la décision : 11/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : STAMBOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-11;12pa01235 ?
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