Vu la requête, enregistrée le 16 août 2011, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) L'Entracte des Gobelins, dont le siège est 75 avenue des Gobelins à Paris (75013), par Me Guidet ; la société L'Entracte des Gobelins demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0920789/2-3 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006, ainsi que des pénalités correspondantes, et des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2013 :
- le rapport de Mme Notarianni, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont découvert, lors d'un contrôle routier des véhicules de livraison de la société Espace Pompadour, société de vente en gros de viandes, que les achats livrés faisaient l'objet d'une sous-facturation, les quantités livrées à certains clients étant égales au double de celles mentionnées sur les factures ; que la société L'Entracte des Gobelins, qui exploite une activité de restauration traditionnelle, faisant partie des destinataires des livraisons sous-facturées, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 juin 2004, 2005 et 2006 en matière d'impôt sur les sociétés et sur la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006 en matière de taxe sur la chiffre d'affaires ; que, dans ce cadre, l'administration fiscale, après avoir exercé son droit de communication auprès du juge pénal afin d'avoir accès aux pièces de la procédure susmentionnée et après avoir rejeté comme irrégulière et non probante la comptabilité de cette société, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires ; que la société L'Entracte des Gobelins relève appel du jugement n° 0920789/2-3 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006 et des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 21 décembre 2007 précise la catégorie d'impôt en cause, les années d'imposition, la nature et le montant des redressements envisagés, dans des termes suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations ; que, notamment, au point III, 2°, cette proposition détaille sur quatre pages, complétées par les annexes 4 à 7, la méthode de reconstitution des recettes appliquée par le vérificateur ; que, par ailleurs, la circonstance que, selon la société requérante, certains des chiffres et faits retenus par le vérificateur pour la reconstitution de recettes seraient contestables est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société L'Entracte des Gobelins, la proposition de rectification est régulièrement motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
3. Considérant, d'autre part, que la société requérante ne peut utilement faire valoir que les mentions de l'avis de mise en recouvrement ne seraient pas conformes aux énonciations de l'instruction administrative référencée 12 C 1221 du 1er décembre 1984, dès lors que cette instruction, relative au surplus à la procédure d'imposition, ne comporte aucune interprétation du texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, par ailleurs, à supposer que la requérante ait entendu par son moyen contester la régularité de la procédure de recouvrement des impositions en litige, un tel moyen serait en tout état de cause inopérant dans le cadre du présent litige d'assiette ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
4. Considérant que la société L'Entracte des Gobelins, si elle ne conteste ni le caractère irrégulier et non probant de sa comptabilité, ni le rejet de celle-ci et le principe d'une reconstitution de ses recettes, critique la méthode de reconstitution de recettes utilisée par l'administration en soutenant qu'elle serait trop sommaire et radicalement viciée en ce qu'elle se fonderait à tort sur une sous-facturation systématique à 50 % des achats effectués auprès de la société Espace Pompadour sur les trois exercices en cause ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société L'Entracte des Gobelins, le vérificateur a, dans un premier temps, déterminé les quantités de viandes achetées sans facturation à partir du dépouillement exhaustif des factures d'achat de marchandises auprès de la société Espace Pompadour, présentées à l'appui de la comptabilité ; que les achats occultes ont été estimés équivalents aux achats comptabilisés effectués auprès de ce fournisseur, dès lors que la quasi-totalité des factures émises par ledit fournisseur comportait l'astérisque permettant d'identifier les factures émises dans le cadre du système de sous-facturation ; qu'une fois les achats occultes de viandes déterminés, le service, qui a détaillé avec précision aux pages 12 à 15 de la proposition de rectification du 21 décembre 2007 chacune des étapes de la méthode de reconstitution appliquée, a mis en oeuvre la méthode dite "des viandes" pour évaluer les recettes dissimulées correspondant à ces achats en recherchant, à partir notamment des explications apportées par la société et des constatations de fait effectuées sur place, pour chaque type de viande, les plats et menus dans lesquels la viande pouvait être incorporée et en procédant à une évaluation de la quantité de viande par assiette, avant d'appliquer un abattement pour tenir compte des pertes, consommation du personnel et offerts ; que cette méthode lui a permis de déterminer le nombre théorique de plats et menus non comptabilisés et, après leur avoir appliqué les prix de vente constatés, d'obtenir le montant des recettes dissimulées ; que ces recettes ont été évaluées aux montants respectifs hors taxes de 19 848 euros pour 2004, 103 460 euros pour 2005 et 99 532 euros pour 2006, montants desquels ont été déduits les montants des achats non comptabilisés ;
6. Considérant, en ce qui concerne la reconstitution des achats occultes de viandes, que l'existence même du système de sous-facturation mis en place avec son principal fournisseur de viandes n'est pas contestée par la société requérante, qui conteste seulement y avoir recouru de façon systématique et sur toute la période en litige, ainsi que le taux de 50 % de sous-facturation retenu ; que l'administration, sur laquelle repose la charge de la preuve en raison de la procédure suivie, fait notamment valoir qu'il ressort des déclarations initiales enregistrées par procès-verbal d'audition du gérant de la société, M. Marcillac, par l'officier de police judiciaire le
5 décembre 2006, annexé à la réponse aux observations du contribuable, que la société Espace Pompadour était le fournisseur principal en viandes de la société requérante et que le système de sous-facturation était en place entre celle-ci et ledit fournisseur depuis au moins quatre années ; que l'administration fait également valoir sans être contredite que le taux de 50 % de la sous-facturation et l'existence d'un signe distinctif constitué d'un astérisque à côté du prix mentionné sur les factures permettant d'identifier les factures relevant de ce système de sous-facturation ont été reconnus, lors de leurs auditions dans le cadre de la procédure pénale, tant par des salariés et dirigeants de la société Espace Pompadour, que par le gérant de la société L'Entracte des Gobelins ; que, si la société requérante soutient qu'il est constant que certaines des factures comptabilisées d'achats de viandes auprès de la société Espace Pompadour ne portaient pas le signe distinctif des factures minorées, elle ne précise pas la proportion de factures concernées, alors que le ministre fait valoir sans être utilement contredit, dans le même sens que la réponse aux observations du contribuable du 28 septembre 2008 en page 6, que la presque totalité des factures provenant de la société Espace Pompadour portait cet astérisque distinctif apposé à proximité du prix à payer et que, lors du contrôle routier inopiné du 5 décembre 2006 portant sur les véhicules de livraison de la société Espace Pompadour, il a été constaté que les marchandises en cours de livraison à la société L'Entracte des Gobelins représentaient le double de celles facturées ; que la société requérante n'assortit d'aucun justificatif de nature à permettre d'en retenir le bien-fondé ses allégations selon lesquelles son recours à la sous-facturation de ses achats de viandes auprès de la société Espace Pompadour n'aurait eu qu'un caractère ponctuel et ne contredit pas utilement les éléments susmentionnés ainsi produits par le service en se prévalant des déclarations de son propre gérant devant le juge d'instruction reprises par le procès-verbal de première comparution du 23 octobre 2007 ; qu'il résulte par ailleurs de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la méthode de reconstitution de recettes appliquée par l'administration ne repose pas sur l'extrapolation, sur toute la période vérifiée, des constatations de fait opérées en décembre 2006, mais s'appuie sur des éléments de nature à établir le recours à cette pratique sur toute la période en litige ; qu'enfin, si la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir des éléments de fait concernant un autre contribuable, conteste la pertinence du dosage de viande par plat retenu par le service en se prévalant des usages de sa profession, elle n'assortit ses allégations d'aucune précision ou justificatif probant de nature à permettre au juge d'apprécier le bien-fondé de son moyen ; qu'il s'ensuit que la méthode de reconstitution appliquée par l'administration ne peut être regardée comme trop sommaire ou radicalement viciée dans son principe, alors même que certaines des factures comptabilisées d'achats de viandes auprès de la société Espace Pompadour ne portaient pas le signe distinctif des factures minorées ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve à sa charge du bien-fondé des compléments d'imposition résultant de la reconstitution des recettes de la société requérante ;
7. Considérant, par ailleurs que la société L'Entracte des Gobelins ne peut se prévaloir d'aucune constatation de fait contenue dans le jugement du Tribunal de grande instance de Créteil en date du 12 septembre 2008, à le supposer même devenu définitif, qui s'imposerait au juge de l'impôt et dont il ressortirait que sa participation au système de sous-facturation de viandes aurait été limitée aux seuls mois de novembre et décembre 2006 pour lesquels son gérant a été reconnu coupable de faits qualifiés "d'achats ou vente sans facture de produits ou prestations de service pour une activité professionnelle" ;
8. Considérant, enfin, que la société L'Entracte des Gobelins ne présente aucun moyen relatif à des redressements autres que ceux résultant de la reconstitution de ses recettes ;
9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société L'Entracte des Gobelins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête, ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement à la société L'Entracte des Gobelins de la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société L'Entracte des Gobelins est rejetée.
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N° 08PA04258
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N° 11PA03804