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04/04/2013 | FRANCE | N°12PA02404

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 04 avril 2013, 12PA02404


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me C... ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105548/6-3 du 5 avril 2012 du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 155 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la non reconnaissance par le ministre de la santé de son diplôme de psychomotricien ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 165 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de me

ttre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 d...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me C... ; Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105548/6-3 du 5 avril 2012 du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 155 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la non reconnaissance par le ministre de la santé de son diplôme de psychomotricien ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 165 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier les articles 49 et 56 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2013 :

- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour MmeA... ;

1. Considérant que MmeA..., de nationalité italienne, a obtenu, en 2004, un diplôme universitaire de " Thérapeute en neuro et psychomotricité " délivré par l'université de la Sapienza de Rome ; qu'arrivée en France en 2005, elle a, au mois de mai 2005, demandé au ministre de la santé et des solidarités de l'autoriser à exercer la profession de psychomotricien en France ; que, par décision du 28 septembre 2005, le ministre de la santé et des solidarités a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée au motif que le diplôme détenu par Mme A... ne correspondait en rien à la profession de psychomotricien telle que définie en France ; que, par un arrêt du 28 septembre 2009, la Cour de céans a annulé la décision du ministre de la santé et des solidarités au motif de la méconnaissance de l'obligation de motivation prescrite à l'article L. 4332-12 du code de la santé publique ; que, par un courrier du 24 septembre 2009, Mme A... a adressé au ministre de la santé une demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 28 septembre 2005 ; qu'à la suite du rejet implicite de cette réclamation, Mme A...a, le 22 mars 2011, saisi le Tribunal administratif de Paris d'une requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 155 000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral ; que MmeA..., qui relève appel du jugement du 5 avril 2012 rejetant sa requête, demande à la Cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 165 000 euros en réparation de ses préjudices ;

Sur les conclusions à fin de condamnation :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4332-4, dans sa version applicable à la date de la décision du 28 septembre 2005 : " Peuvent être autorisés à exercer la profession de psychomotricien, sans posséder le diplôme mentionné à l'article L. 4332-3 [diplôme d'Etat français de psychomotricien], les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ont suivi avec succès un cycle d'études les préparant à l'exercice de la profession et répondant aux exigences fixées par voie réglementaire, et qui sont titulaires : 1° D'un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres permettant l'exercice de la profession dans un Etat membre ou un Etat partie qui réglemente l'accès ou l'exercice de la profession, délivrés : a) Soit par l'autorité compétente de cet Etat et sanctionnant une formation acquise de façon prépondérante dans un Etat membre ou un Etat partie, ou dans un pays tiers, dans des établissements d'enseignement qui dispensent une formation conforme aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet Etat membre ou partie ; b) Soit par un pays tiers, à condition que soit fournie une attestation émanant de l'autorité compétente de l'Etat membre ou de l'Etat partie qui a reconnu le ou les diplômes, certificats ou autres titres, certifiant que le titulaire de ce ou ces diplômes, certificats ou autres titres a une expérience professionnelle dans cet Etat de trois ans au moins ; 2° Ou d'un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres sanctionnant une formation réglementée, spécifiquement orientée sur l'exercice de la profession, dans un Etat membre ou un Etat partie qui ne réglemente pas l'accès ou l'exercice de cette profession ; 3° Ou d'un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres obtenus dans un Etat membre ou un Etat partie qui ne réglemente ni l'accès ou l'exercice de cette profession ni la formation conduisant à l'exercice de cette profession, à condition de justifier d'un exercice à temps plein de la profession pendant deux ans au moins au cours des dix années précédentes ou pendant une période équivalente à temps partiel dans cet Etat, à condition que cet exercice soit attesté par l'autorité compétente de cet Etat. / Lorsque la formation de l'intéressé porte sur des matières substantiellement différentes de celles qui figurent au programme du diplôme mentionné à l'article L. 4332-3, ou lorsqu'une ou plusieurs des activités professionnelles dont l'exercice est subordonné audit diplôme ne sont pas réglementées par l'Etat d'origine ou de provenance ou sont réglementées de manière substantiellement différente, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation peut exiger, après avoir apprécié la formation suivie et les acquis professionnels, que l'intéressé choisisse soit de se soumettre à une épreuve d'aptitude, soit d'accomplir un stage d'adaptation dont la durée ne peut excéder trois ans et qui fait l'objet d'une évaluation. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les mesures nécessaires à l'application du présent article. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de cet article L. 4332-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2001-199 du 1er mars 2001 relative à la transposition des directives 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 et 92/51/CEE du Conseil du 18 juin 1992 prévoyant un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur et des formations professionnelles, que lorsqu'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, qui a suivi avec succès un cycle d'études le préparant à l'exercice de la profession et répondant aux exigences fixées par voie réglementaire, et qui est titulaire d'un diplôme permettant l'exercice de la profession dans un Etat membre délivré par l'autorité compétente de cet Etat et sanctionnant une formation acquise de façon prépondérante dans un Etat membre ou un Etat partie, ou dans un pays tiers, dans des établissements d'enseignement qui dispensent une formation conforme aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet Etat membre ou partie, l'autorité compétente en France doit autoriser l'intéressé à exercer la profession de psychomotricien alors même qu'il ne possède pas le diplôme d'Etat français de psychomotricien mentionné à l'article L. 4332-3 du code de la santé publique ; que si la formation suivie par l'intéressé porte sur des matières substantiellement différentes de celles qui figurent au programme du diplôme d'Etat français de psychomotricien, l'administration ne saurait refuser l'autorisation sollicitée sans proposer au préalable à l'intéressé d'accomplir un stage d'adaptation ou de se soumettre à une épreuve d'aptitude ;

4. Considérant que Mme A...s'est vu délivrer, le 14 mars 2004, par l'université de la Sapienza de Rome le diplôme universitaire de " Thérapeute en neuro et psychomotricité de l'Age évolutif " ; que Mme A...produit des attestations de stages qu'elle a réalisés dans le cadre de sa formation ainsi qu'une attestation du 22 avril 2005 du ministère de la santé italien indiquant que le diplôme universitaire qui lui a été délivré l'habilite à l'exercice de la profession pour laquelle il a été délivré " et répond aux requis pour la reconnaissance du titre exigé par l'article 1., alinéa premier, lettre a), c), d), de la directive 89/48/CE " ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et ainsi que le reconnaît d'ailleurs MmeA..., que ce diplôme, qui peut être regardé comme un diplôme permettant l'exercice de la profession de psychomotricien en Italie, ne permettait toutefois pas, à lui seul, de l'autoriser à exercer cette profession en France compte tenu des différences substantielles existant entre les matières figurant au programme pour l'obtention du diplôme en Italie et en France ; qu'il appartenait, en revanche, à l'administration, ainsi que le ministre de la santé l'a admis dans un courrier du 31 mars 2011 adressé à Mme A..., de proposer à cette dernière, avant de lui refuser l'autorisation d'exercer cette profession en France, soit d'effectuer un stage soit de se soumettre à des épreuves d'aptitude ; que Mme A...est dès lors fondée à soutenir que le ministre de la santé a commis une illégalité en refusant, dans sa décision du 28 septembre 2005, de l'autoriser à exercer, en France, la profession de psychomotricien sans lui proposer de mesures compensatoires ;

En ce qui concerne les préjudices :

5. Considérant, en premier lieu, que Mme A...demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses pertes de revenus du fait de l'illégalité de la décision du 28 septembre 2005 ainsi que du retard mis par l'administration à lui proposer d'effectuer un stage ou de se soumettre à des épreuves d'aptitude ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, en particulier de la décision du 14 février 2013 du directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de la région Ile-de-France, que la commission régionale, chargée d'émettre un avis sur l'équivalence entre les niveaux de formation, a relevé, lors de sa séance du 4 décembre 2012, que le diplôme universitaire italien de Mme A...de " thérapeute en neuro et psychomotricité de l'âge évolutif " avait été obtenu à la suite d'une procédure d'équivalence qui prenait en compte la formation suivie par l'intéressée au centre d'études et de formation permanente Antoniano, et dont l'attestation, délivrée le 23 juillet 1996, ne fait référence à aucune reconnaissance du titre ou de la formation par les autorités italiennes ; que la commission a également indiqué que l'enseignement théorique et pratique du cursus présenté renvoyait à un référentiel de formation totalement différent de celui dispensé en France ; qu'enfin, la commission a souligné que l'expérience professionnelle de Mme A... n'était pas davantage pertinente, dès lors que les attestations produites ne précisaient pas l'activité effectivement réalisée ou portaient sur une activité limitée au secteur de l'enfance ; que la commission a donc considéré que la profession de thérapeute en neuro et psychomotricité de l'âge évolutif en Italie et celle de psychomotricien en France n'étaient pas comparables et qu'aucune mesure compensatoire ne pouvait être envisagée ; que si le directeur régional a toutefois, nonobstant cet avis défavorable à l'autorisation émis par la commission, proposé à Mme A...soit de valider des stages d'adaptation d'un total de 2 100 heures, à raison de 420 heures chacun, dans les secteurs de la pédopsychiatrie, de la psychiatrie adulte, des adultes polyhandicapés, de la gériatrie générale et dans le secteur accueillant des patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou maladies apparentées, soit de satisfaire à des épreuves d'aptitude, consistant en un contrôle des savoirs et des compétences dans les mêmes domaines, il n'est pas établi, compte tenu de l'écart ainsi constaté entre la formation suivie par Mme A... et les compétences requises pour exercer la profession de psychomotricien en France, que la requérante avait une chance sérieuse de satisfaire aux mesures compensatoires exigées dans tous les secteurs précités ; qu'en tout état de cause, l'intéressée, qui, en Italie, a principalement effectué des stages sans exercer effectivement la profession de psychomotricien, ne démontre pas, en se bornant à produire un seul courrier du 6 juillet 2009 d'une crèche de Courbevoie faisant état d'un entretien le 14 juin 2006 pour un poste à temps partiel, qu'elle avait des chances sérieuses de trouver un emploi de psychomotricien en France si l'administration lui avait proposé, dès sa décision du 28 septembre 2005, d'effectuer un stage d'adaptation ; que, dans ces conditions, le préjudice résultant de la perte de revenus qu'aurait subie Mme A...du fait de l'illégalité de la décision du 28 septembre 2005 et du retard mis par l'administration à lui proposer un stage d'adaptation n'est pas établi ; que la demande de Mme A...à ce titre doit, dès lors, être rejetée ;

6. Considérant, en second lieu, que MmeA..., qui a sollicité dès son arrivée en France, en 2005, l'autorisation d'y exercer la profession de psychomotricien, ne s'est vue proposer un stage d'adaptation que le 14 février 2013 et justifie, du fait notamment de l'incertitude sur sa situation professionnelle, d'un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme A... la somme de 8 000 euros en réparation de ses préjudices ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 avril 2012 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A...une somme de 8 000 euros.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

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N° 10PA03855

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N° 12PA02404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02404
Date de la décision : 04/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FOLSCHEID
Rapporteur ?: Mme Audrey MACAUD
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : DE ARCANGELIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-04;12pa02404 ?
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