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07/03/2013 | FRANCE | N°12PA02757

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 mars 2013, 12PA02757


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2012, présentée pour Mme B...E...épouseD..., demeurant chez..., par MeA... ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205588/1-3 du 8 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2012 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de p

olice de lui délivrer, soit un certificat de résidence de 10 ans conformément aux dispositi...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2012, présentée pour Mme B...E...épouseD..., demeurant chez..., par MeA... ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205588/1-3 du 8 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2012 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, soit un certificat de résidence de 10 ans conformément aux dispositions de l'article 7 bis h de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, soit un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou, à défaut, au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de M. Gouès, rapporteur ;

1. Considérant que MmeD..., de nationalité algérienne, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles 6-7 et 7 bis h) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que par l'arrêté du 28 février 2012 le préfet de police a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire ; que Mme C...interjette appel devant la Cour de céans du jugement du 8 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si Mme C...soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'absence de motivation du préfet sur la condition des 5 ans de présence en France prévue à l'article 7 bis h) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, il ressort toutefois des termes du jugement attaqué qu'en écrivant " que l'arrêté comporte suffisamment de précisions au regard de la durée de résidence en France de manière ininterrompue de MmeD... ", les premiers juges ont répondu à ce moyen, contrairement à ce qui est soutenu ; que, par suite, c'est à tort que la requérante soutient que le jugement serait irrégulier de ce fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme E...épouse C...soutient que les premiers juges n'ont pas visé son dernier mémoire en date du 18 mai 2012 dans lequel elle rappelait qu'elle ne savait pas si elle pouvait voyager vers son pays d'origine, il ressort toutefois du dossier, d'une part, que ce mémoire a bien été visé contrairement à ce qui est soutenu, d'autre part, que ce moyen, qui n'était pas nouveau, avait déjà été visé en relation avec le mémoire introductif devant le tribunal administratif ; qu'en conséquence ce moyen manque en fait et doit être écarté ;

4. Considérant en troisième et dernier lieu que Mme E...épouse C...soutient que les premiers juges ont commis une erreur en indiquant que le dernier certificat médical produit datait du 15 juin 2010, alors qu'elle en a produit un du 18 octobre 2011, complété par un certificat du 9 mai 2012 et deux autres du 15 mai 2012 ; que cette inexactitude matérielle est, sans influence sur le sens du jugement attaqué ; que, par suite, ce moyen sera écarté ;

Au fond :

5. Considérant, en premier lieu, que Mme C...soutient que le signataire de l'arrêté attaqué n'avait pas compétence pour ce faire ; que, toutefois, M. René Burgues, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 9ème bureau, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police par arrêté n° 2011-00824 en date du 24 octobre 2011 accordant délégation de la signature préfectorale au sein de la Direction de la Police Générale de la préfecture de police de Paris, régulièrement publié au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 28 octobre 2011, à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de délégation régulière du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que si Mme C...soutient que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé, il ressort toutefois du dossier qu'il comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qu'il est donc suffisamment motivé au regard de la loi précitée ; qu'enfin, la mention selon laquelle Mme C...est entrée en France le 10 janvier 2003 " selon ses déclarations " ne suffit pas à elle seule et au motif que la date de cette entrée est établie par les pièces du dossier, à révéler que le préfet de police n'aurait pas examiné attentivement la demande de renouvellement de titre de séjour de la requérante ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays... " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de la santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d 'origine de l'intéressé... " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. " ;

8. Considérant que Mme C...soutient que le médecin-chef ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des éléments édictés par l'arrêté du 9 novembre 2011 - seul en vigueur à la date de l'avis du médecin-chef, contrairement à ce qu'on écrit les premiers juges en se référant à l'arrêté du 8 juillet 1999, abrogé - notamment sur la durée prévisible du traitement et sur la possibilité pour elle de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que l'erreur commise par les premiers juges, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dans la mesure où, en l'absence de pièces au dossier établissant que la pathologie de Mme C...l'empêcherait de voyager, le médecin-chef n'était pas dans l'obligation de motiver son arrêt sur ce point ; que, par ailleurs, en l'espèce, il n'était pas tenu d'indiquer la durée prévisible de traitement ayant considéré que la requérante pouvait bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à sa pathologie ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que Mme C...soutient qu'elle ne peut être prise en charge en Algérie, notamment en raison d'une pénurie de médicaments, dont l'un de ceux qui lui est prescrit ; que s'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté qu'elle souffre d'une valvulopathie aortique et de problèmes gastriques chroniques, toutefois, par les pièces produites, notamment les certificats médicaux les plus récents, elle n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ; qu'en ce qui concerne la pénurie de médicaments que connaît l'Algérie aujourd'hui, si elle produit des pièces montrant qu'en matière de maladies cardiaques la pénurie est sérieuse, elle ne démontre toutefois pas que, précisément, les médicaments qui lui sont prescrits viendraient à manquer dans son pays d'origine ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

10. Considérant en cinquième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " ...Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus... " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...est entrée en France en 2003, qu'elle a obtenu plusieurs titres de séjour pour motif médical, que sa mère, de nationalité française et âgée de 76 ans, est présente en France ainsi qu'une de ses filles, âgée de dix-huit ans ; que si Mme C...fait valoir qu'elle s'occupe de sa mère malade en étant son aide à domicile régulièrement déclarée, toutefois, elle n'établit pas qu'une autre personne qu'elle ne pourrait en faire de même ; que, de plus, il n'est pas contesté que son mari et ses trois autres enfants résident en Algérie ; qu'en conséquence et eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet de police, en prenant l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale de Mme E...épouseD... ; qu'il n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

12. Considérant toutefois, qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " ...Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a, au b, au c, et au g : (...) h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. " ;

13. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., entrée en France en dernier lieu le 10 janvier 2003, a bénéficié depuis cette date d'autorisations de séjour successives dont en dernier lieu un certificat de résidence " vie privée et familiale " d'un an pour la période du 23 septembre 2010 au 22 septembre 2011, prolongé jusqu'au 24 avril 2012 par des récépissés de demandes de cartes de séjour ; qu'elle soutient qu'elle justifie de sa présence en France entre les mois d'octobre 2007 et avril 2008, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, par la production de nombreuses pièces ; qu'il ressort en effet des pièces du dossier, et notamment de celles produites devant la Cour, principalement d'origine médicale, que la requérante établit sa présence ininterrompue au cours de la période en litige, sa présence sur le territoire pour les autres périodes n'étant plus en litige ; qu'elle justifie ainsi, au sens des stipulations précitées de l'article 7 bis h) de l'accord franco-algérien, d'une durée de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu l'article 7 bis h) précité de l'accord franco-algérien ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement de prescrire au préfet de police de délivrer à Mme E...épouseC..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un certificat de résidence algérien de dix ans en application des dispositions de l'article 7bis h) de l'accord franco-algérien susvisé, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1205588/1-3 du 8 juin 2012 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 28 février 2012 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B...E...épouse C...une carte de résident algérien de dix ans dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B...E...épouse C...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12PA02757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02757
Date de la décision : 07/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Serge GOUES
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : RAGNO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-03-07;12pa02757 ?
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