Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2011, présentée pour la SA Betem ingénierie, dont le siège est ZAC de Montblanc 6 impasse Bremond à Toulouse cedex 2 (31201), représentée par son représentant légal en exercice, par Me Salesse ; la SA Betem ingénierie demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0917156/7-2 en date du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Paris habitat OPH à lui verser une indemnité de 226 856 euros ;
2°) de condamner Paris habitat OPH à lui verser une indemnité de 226 856 euros ;
3°) de mettre à la charge de Paris habitat OPH le versement d'une somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2013 :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me Gautier, pour Paris Habitat OPH ;
1. Considérant que, par un marché signé le 19 février 2008, l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Paris, désormais dénommé Paris habitat OPH, a confié à un groupement composé de la société Atea et du cabinet Maast, par ailleurs mandataire du groupement, la maîtrise d'oeuvre de travaux relatifs à la construction de logements sociaux dans le 19ème arrondissement de Paris ; que, par un jugement du 1er septembre 2008, le Tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la liquidation judiciaire de la société Atea en l'autorisant à poursuivre son activité jusqu'au 15 octobre 2008 ; que, par une ordonnance du 15 septembre 2008, le Tribunal de commerce de Pontoise a autorisé le mandataire liquidateur de la société Atea à céder à la SA Betem ingénierie un certain nombre d'éléments d'actifs, au nombre desquels figurait le marché signé le 19 février 2008 ; que, par la présente requête, la SA Betem ingénierie fait appel du jugement en date du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Paris habitat OPH à lui verser une indemnité de 226 856 euros en réparation des différents préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la résiliation selon elle, fautive du marché du 19 février 2008 qui a été prononcée à son égard ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de condamnation :
En ce qui concerne la qualification de la fin des relations entre Paris habitat OPH et la SA Betem ingénierie :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 642-7 du code de commerce : " Le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité au vu des observations des cocontractants du débiteur transmises au liquidateur ou à l'administrateur lorsqu'il en a été désigné. / Le jugement qui arrête le plan emporte cession de ces contrats, même lorsque la cession est précédée de la location-gérance prévue à l'article L. 642-13 / Ces contrats doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des propres écritures en défense de Paris habitat OPH et de la télécopie du 19 mars 2009 transmise par la SA Betem ingénierie à l'OPAC de Paris qu'en dépit de l'absence de conclusion expresse d'un avenant de transfert, Paris habitat OPH est réputé avoir donné son accord à la poursuite des prestations initialement confiées à la société Atea en vertu du contrat signé le 19 février 2008 et dont la cession est intervenue de plein droit, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 642-7 du code de commerce, au profit de la SA Betem ingénierie ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'annexe n° 2 à l'acte d'engagement signé le 19 février 2008 que les honoraires entre les cotraitants au titre des éléments de mission contractuels étaient répartis entre la société Atea et la société Maast respectivement à hauteur de 10% et 90% pour l'élément de mission ESQ, de 20% et 80% pour l'APS, de 40% et 60% pour l'APD, de 50% et 50% pour l'élément PRO, de 70% et 30% pour l'ACT, de 50% et 50% pour le VISA, de 30% et 70% pour l'élément DET et de 40% et 60% pour l'élément AOR ; qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des courriers des 21 octobre 2008 et 11 juin 2009 de la société Maast, des courriers des 16 octobre 2008, 24 novembre 2008 et 12 janvier 2009 de la SA Betem ingénierie et du projet d'avenant n° 1 transmis le 2 septembre 2009, d'une part, que la société Maast, dès le mois d'octobre 2008, a refusé de poursuivre sa collaboration avec la SA Betem ingénierie et a décidé de reprendre seule à son compte les prestations initialement dévolues à la société Atea et, d'autre part, que Paris habitat OPH s'est abstenu de toute opposition ou critique envers la position de la société Maast ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que Paris habitat OPH a payé à la société Maast l'intégralité des prestations contractuelles que celle-ci a effectuées après le 15 septembre 2008 au titre du contrat signé le 19 février 2008 ; que, dans ces conditions, Paris habitat OPH doit être regardé comme ayant nécessairement consenti à la proposition faite par la société Maast de modifier le contrat initial consistant à attribuer à la société Maast l'intégralité des prestations contractuelles prévues par ce marché ; que, dès lors, Paris habitat OPH est réputé avoir également résilié la partie de ce contrat concernant les prestations confiées à la société Atéa et qui avaient été reprises par la SA Betem ingénierie ;
5. Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu des stipulations combinées des articles 35.1 et 2.4. du des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI), la personne publique peut, à tout moment, mettre fin à l'exécution des prestations avant l'achèvement de celles-ci, par une décision de résiliation du marché, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception ; qu'aux termes de l'article 36.1 du même CCAG-PI : " Lorsque la personne publique résilie le marché, en tout ou partie, sans qu'il y ait faute du titulaire et en dehors des cas prévus à l'article 39, elle n'est pas tenue de justifier sa décision. (...) / Le titulaire est indemnisé dans les conditions prévues au 2 du présent article " ;
6. Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, Paris Habitat OPH, en décidant de résilier le marché en cause sans formaliser sa décision ni la notifier à la SA Betem ingénierie, a entaché la procédure de résiliation d'une irrégularité ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction qu'après une réunion préparatoire, les travaux d'études complémentaires réalisés par la SA Betem ingénierie n'ont pas donné satisfaction à la société Maast et que celle-ci, dès le mois d'octobre 2008, a expressément informé Paris Habitat OPH qu'elle refusait de poursuivre sa collaboration avec la SA Betem ingénierie compte tenu, selon elle, de la faiblesse des moyens et du manque de professionnalisme de cette société par rapport aux enjeux architecturaux, urbains et environnementaux du projet ; qu'eu égard aux dissensions manifestes existant entre la société Maast et son nouveau cotraitant qui lui avait été imposé et au risque important que cette mésentente faisait peser sur l'efficacité des prestations accomplies par la maîtrise d'oeuvre dans le cadre de l'opération de construction de logements sociaux, compte tenu également de l'intérêt général attaché à ce que cette opération soit poursuivie sans retard et de ce que la société Maast, mandataire du groupement, avait déjà réalisé les éléments de mission ESQ et APS et que sa rémunération initiale représentait près de 60% de la rémunération totale du groupement, Paris Habitat OPH a pu à bon droit, dans les circonstances particulières de l'espèce, décider de résilier le marché du 19 février 2008 à l'égard de la seule SA Betem ingénierie, bien qu'aucune faute ne soit établie vis-à-vis de cette dernière ; que, dans ces conditions, la résiliation litigieuse ne peut pas être regardée comme injustifiée ;
En ce qui concerne les réclamations de la SA Betem ingénierie :
S'agissant des " prestations fournies et non réglées " :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 40.1 du CCAG-PI, auquel le CCAP du marché en litige ne déroge pas : " Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché. / La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation " ;
8. Considérant que, le 2 septembre 2009, un projet d'avenant n° 1 a été transmis à la SA Betem ingénierie dans lequel figurait, à l'article 3, l'indication selon laquelle " Betem ingénierie n'ayant effectué aucune prestation acceptable, la somme qui lui est due est égale à zéro " ; que, par un courrier du 8 septembre 2009, la SA Betem ingéniérie a fait valoir auprès de la société Maast et Paris Habitat OPH que cette proposition était " totalement mensongère " et relevait de la malhonnêteté " et les a informés qu'elle avait " engagé une démarche auprès du tribunal administratif " ; que, dès lors, le différend sur les sommes dues à la SA Betem ingénierie au titre du marché est réputé être né le 8 septembre 2009 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SA Betem ingénierie ait transmis à Paris habitat OPH le mémoire de réclamation exigé par les stipulations précitées de l'article 40.1. du CCAG-PI ; que, dès lors, Paris habitat OPH, comme il le fait seulement valoir, est fondé à soutenir que la SA Betem ingénierie n'est pas contractuellement recevable à saisir le juge du contrat pour le règlement du litige qui les oppose concernant le règlement des " prestations fournies et non réglées ", d'un montant de 3 295 euros ;
S'agissant du préjudice relatif au manque à gagner :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 36.2 de ce CCAG : " Sauf stipulation particulière du marché, le décompte de liquidation comprend : (...) b) Au crédit du titulaire : / 1° La valeur des prestations fournies à la personne publique (...) / 2° Les dépenses engagées par le titulaire en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies à la personne publique, dans la mesure où ces dépenses n'ont pas été amorties antérieurement ou ne peuvent pas l'être ultérieurement (...) ; 3° Les dépenses de personnel dont le titulaire apporte la preuve qu'elles résultent directement et nécessairement de la résiliation du marché / 4° Une somme forfaitaire calculée en appliquant au montant hors T.V.A., non révisé, de la partie résiliée du marché, un pourcentage fixé par le marché ou, à défaut, égal à 4% " ; qu'en vertu de l'article 10.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en cause, le pourcentage prévu au 4° de l'article 36-2 du CCAG-PI a été fixé à 4% ;
10. Considérant qu'il ressort de l'annexe 0 à l'acte d'engagement, établie lors de la mise au point du marché, que la rémunération qui devait être servie à la société Atea, dans la répartition des honoraires du groupement, était de 231 900 euros HT ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que Paris habitat OPH a réglé à la société Atea la somme de 11 220 euros HT au titre des éléments de mission ESQ et APS ; que, dès lors, le montant de la partie résiliée du marché s'élève à 220 680 euros HT ; que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4. et 6., Paris habitat OPH est ainsi réputé avoir prononcé, sur le fondement de l'article 36.1 du CCAG-PI, la résiliation du marché signé le 19 février 2008 à l'encontre de la SA Betem ingénierie après l'achèvement de l'élément de mission APS ; que, dès lors, la SA Betem ingénierie a droit, au titre de la réparation forfaitaire contractuelle de son manque à gagner, à une indemnité de 8 827,20 euros (220 680 X 4%) ; que la SA Betem ingénierie n'établit en revanche pas que la faute commise par Paris Habitat OPH dans la procédure de résiliation lui avait causé un préjudice concernant son manque à gagner qui serait supérieur à la somme allouée par application du 4° de l'article 36-2 du CCAG-PI ;
S'agissant des autres chefs de préjudice :
11. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu notamment des termes impératifs utilisés par la société Maast dans son courrier du 21 octobre 2008 et de l'absence de justificatifs probants produits sur ce point, la SA Betem ingénierie aurait subi un préjudice particulier résultant d'une immobilisation de son personnel entre les mois d'octobre 2008 et avril 2009 ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la résiliation prononcée ou le comportement de Paris habitat OPH et de la société Maast auraient en l'espèce porté atteinte à la réputation de la société requérante ; que celle-ci n'est dès lors pas fondée à demander la réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi à ce titre ; que la circonstance que Paris habitat OPH a commis une faute en résiliant ce marché dans des conditions irrégulières reste à cet égard sans incidence ;
12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SA Betem ingénierie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et la condamnation de Paris habitat OPH à lui verser la somme de 8 827,20 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Paris habitat OPH la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la SA Betem ingénierie et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la SA Betem ingénierie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que Paris habitat OPH demande au titre de ces mêmes frais ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0917156/7-2 en date du 31 mars 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Paris habitat OPH est condamné à verser à la SA Betem ingénierie une somme de 8 827,20 euros.
Article 3 : Paris habitat OPH versera à la SA Betem ingénierie une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
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N° 11PA02430