Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2010, présentée pour la société Jaspe BV, dont le siège est De Boelelaan 7, 1083 HJ, à Amsterdam aux Pays-Bas, par Me Gassiat ; la société Jaspe BV demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502616 du 26 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de remboursement d'un complément d'avoir fiscal de 5 888,80 euros attaché à des dividendes versés en 2002 ;
2°) de lui accorder le remboursement d'un complément d'avoir fiscal, soit 5 888,80 euros, attaché à des dividendes versés en 2002 ainsi qu'un complément d'avoir fiscal attaché aux dividendes qu'elle a perçus de 2002 à 2008, soit 202 679 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et les Pays-Bas le 16 mars 1973 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 portant loi de finances pour 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Samson,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;
1. Considérant que la société de droit néerlandais Jaspe BV qui possède un portefeuille d'actions françaises cotées a sollicité en application des stipulations de l'article 10-3 a) de la convention fiscale conclue entre la France et les Pays Bas le transfert de l'avoir fiscal attaché à des dividendes de source française perçus en mai et juin 2002 ; que le service a partiellement fait droit à cette demande en appliquant le taux de 10 % prévu par les dispositions de l'article 158 bis II du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 19 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 portant loi de finances pour 2003 ; que la société relève appel du jugement du 26 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à obtenir le remboursement d'un complément d'avoir fiscal de 5 888,80 euros attaché à des dividendes versés en 2002 ; qu'elle demande, en outre, la restitution d'une somme de 202 679 euros correspondant au remboursement de l'avoir fiscal attaché aux dividendes perçus de 2002 à 2008 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat :
2. Considérant que la société Jaspe BV n'a pas saisi l'administration fiscale d'une réclamation préalable tendant à la restitution de la somme de 202 679 euros correspondant au remboursement de l'avoir fiscal dont elle soutient avoir été privée sur les dividendes qu'elle a perçus de 2002 à 2008, dans les conditions prévues aux articles R. 190-1 et R. 196-2 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, ses conclusions tendant à la restitution de ladite somme sont, ainsi que le soutient le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, irrecevables ; que la société requérante n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de l'instruction administrative 13 0-1-06 du 10 août 2006 commentant la rédaction des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales issues de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, dès lors que c'est par une exacte application de la loi que l'administration fiscale a opposé une fin de non-recevoir aux conclusions de la société tirée du défaut d'une réclamation préalable, sans opposer à la requérante les énonciations de sa doctrine ;
Sur le surplus de la requête :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 19 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 : " I. Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Il est reçu en paiement de cet impôt. Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables. II. - Par exception aux dispositions prévues au I, ce crédit d'impôt est égal à 40 % des sommes effectivement versées par la société lorsque la personne susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique ou une fondation reconnue d'utilité publique. Cette disposition ne s'applique pas lorsque le crédit d'impôt est susceptible d'être utilisé dans les conditions prévues au 2 de l'article 146./ Le crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au premier alinéa est majoré d'un montant égal à 20 % du précompte versé par la société distributrice. Pour le calcul de cette majoration, il n'est pas tenu compte du précompte dû à raison d'un prélèvement sur la réserve des plus-values à long terme./ Le taux du crédit d'impôt prévu au premier alinéa est fixé à 25 % pour les crédits d'impôt utilisés en 2001, à 15 % pour les crédits d'impôt utilisés en 2002 et à 10 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2003. La majoration mentionnée au deuxième alinéa est portée à 50 % pour les crédits d'impôt utilisés en 2001, à 70 % pour les crédits d'impôt utilisés en 2002 et à 80 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2003 " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susmentionnée du 30 décembre 2002 portant loi de finances pour 2003 : " ... II. Sous réserve des dispositions contraires, la loi de finances s'applique : 1° A l'impôt sur le revenu dû au titre de 2002 et des années suivantes ; 2° A l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2002 ; 3° A compter du 1er janvier 2003 pour les autres dispositions fiscales " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 242 quater du code général des impôts applicable à l'année d'imposition en litige : " Le bénéfice de l'avoir fiscal peut être accordé aux personnes domiciliées sur le territoire des Etats ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions. Les modalités et les conditions d'application sont fixées pour chaque pays par un accord diplomatique " ; qu'aux termes de l'article 10 de la convention conclue le 16 mars 1973 entre la France et les Pays-Bas : " 3 a) les dividendes payés par une société résidente de France, qui donneraient droit à un avoir fiscal s'ils étaient reçus par une personne qui est un résident de France, ouvrent droit, lorsqu'ils sont payés à des bénéficiaires qui sont des résidents des Pays-Bas, à un paiement brut du Trésor français d'un montant égal à cet avoir fiscal. b) La disposition de l'alinéa a) s'appliquera aux bénéficiaires ci-après, qui sont des résidents des Pays-Bas : (...) ii) les sociétés assujetties à l'impôt néerlandais à raison du montant total des dividendes distribués par la société qui est un résident de France et du paiement brut visé à l'alinéa a) afférent à ces dividendes " ;
5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions dont l'objet est d'éliminer la double imposition économique des dividendes versés par des sociétés françaises soumises à l'impôt sur les sociétés, que le bénéfice de l'avoir fiscal est, pour une société résidente des Pays-Bas, subordonné à la condition que les dividendes auxquels cet avoir est attaché soient effectivement compris dans la base de l'impôt dû aux Pays-Bas ; que le taux de l'avoir fiscal est déterminé en fonction de la législation applicable à la date de l'imposition effective des dividendes distribués entre les mains de la société bénéficiaire ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société de droit néerlandais Jaspe BV a perçu en mai et juin 2002 des dividendes de source française dont il n'est pas contesté qu'ils ont été imposés entre ses mains en 2003 ; que ces dividendes ont, par conséquent, ouvert droit au bénéfice de la société Jaspe BV à un paiement brut du Trésor français d'un montant égal à un avoir fiscal dont le taux est celui prévu par la législation française pour l'année 2003 ; qu'ainsi, en appliquant le taux de 10 % à l'avoir fiscal attaché aux dividendes perçus par la société Jaspe BV au cours de l'année 2002, qui a donné lieu à un versement brut du Trésor en 2003, l'administration a fait une exacte application de la loi qui, contrairement à ce que soutient la société requérante, ne présente pas sur ce point un caractère rétroactif ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;
8. Considérant que les contribuables n'ont aucun droit au maintien, d'une année sur l'autre, des dispositions fiscales issues des lois de finances ; qu'en décidant que le taux du crédit d'impôt résultant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués par des sociétés françaises est fixé à 10 % pour les crédits d'impôts utilisés à compter du 1er janvier 2003, le législateur n'a pas procédé à une réduction rétroactive dudit taux mais s'est contenté de le réduire pour les crédits d'impôts utilisés à compter du 1er janvier 2003 ; qu'il suit de là, dès lors que les stipulations invoquées ne " portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts (...) ", que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté ;
9. Considérant que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions législatives qu'elle critique violent les principes généraux du droit communautaire de confiance légitime et de sécurité juridique dès lors que l'article 19 de la loi de finances pour 2003 n'a pas été pris pour la mise en oeuvre du droit communautaire ;
10. Considérant que les dispositions précitées de l'article 158 bis II du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2003, en tant qu'elles portent le taux du crédit d'impôt de 15 % à 10 % pour les crédits d'impôts utilisés à compter du 1er janvier 2003 ne constituent ni une restriction à la liberté de circulation des capitaux au sens des article 56 et 58 du traité instituant la communauté européenne ni une restriction à la liberté d'établissement au sens de l'article 43 du même traité, ni une discrimination en fonction de la nationalité consacré à l'article 12, devenu l'article 18 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
11. Considérant, enfin, que si la société conteste l'indépendance des juges administratifs et l'absence de tout délai prévu au code de justice administrative pour statuer sur une requête au regard du droit de toute personne de voir son recours examiné dans un délai raisonnable, de telles considérations générales ne peuvent être regardées comme critiquant ainsi la régularité du jugement du Tribunal administratif de Paris, objet du présent appel ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, que la société JASPE BV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune omission à statuer et est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Jaspe BV est rejetée.
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N° 10PA00477