Vu la requête, enregistrée le 2 février 2012, présentée pour Mme A... B...épouseE..., demeurant..., par Me C... ; Mme E... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1012250/6-3 du 8 décembre 2011 du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 60 000 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation du préjudice subi du fait du décès de sa fille,D... E..., survenu le 21 novembre 2003, après la pose d'un Holter le 20 novembre 2003 dans le service de rythmologie du groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière à Paris, et, d'autre part, à ce qu'il ordonne une nouvelle expertise sur la responsabilité de l'AP-HP ;
2°) de constater l'insuffisance des conclusions de l'expertise déposées au greffe du Tribunal administratif de Paris le 13 février 2007 et d'ordonner une nouvelle expertise ;
3°) de condamner l'AP-HP au versement de la somme de 60 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 2010 et capitalisation des intérêts ;
4°) de condamner l'AP-HP aux entiers dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,
- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., pour Mme E..., et de Me G..., pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
1. Considérant que MlleD... E..., née le 12 juillet 1987, qui était régulièrement suivie depuis 2001 à l'hôpital Robert Debré à Paris pour une dysfonction myocardique et un trouble du rythme cardiaque, a subi le 22 août 2003 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière une tentative d'ablation par radiofréquence ; que la tachycardie et les symptômes de palpitation persistant malgré cette intervention, une seconde séance d'ablation par radiofréquence a été réalisée le 29 septembre 2003 ; que, pour contrôler les suites de cette seconde intervention, deux rendez-vous ont été fixés le 20 novembre 2003, pour la pose d'un enregistreur d'électrocardiogramme Holter, et le 11 décembre 2003, pour une consultation médicale ; que, le 20 novembre 2003, après la pose du Holter à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, MlleE..., alors qu'elle attendait le métro à la sortie de l'hôpital, a fait un malaise cardiaque et a été transportée à ce même hôpital, où elle est décédée le lendemain des suites d'un arrêt cardio-respiratoire ; qu'après le dépôt du rapport de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 26 juin 2006, et le rejet, par ordonnance du 13 octobre 2009, de la demande de Mme E...tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée, la requérante a demandé à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) de l'indemniser du préjudice subi du fait du décès de sa fille ; que suite au rejet de cette demande, Mme E...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une requête tendant, d'une part, à ce qu'il ordonne une expertise complémentaire et, d'autre part, à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice ; que Mme E...relève appel du jugement du tribunal qui a rejeté ses demandes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si Mme E...soutient que les opérations d'expertise ont été irrégulières dès lors qu'elle ne maîtrise pas la langue française et qu'elle était dépourvue d'assistance juridique et médicale au cours de l'expertise, il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressée, qui pouvait se faire assister de la personne de son choix, a pu faire part de ses observations, notamment par la transmission à l'expert d'un dire rédigé par son avocat à la suite du dépôt du pré-rapport d'expertise ; qu'en outre, la circonstance que le médecin traitant deD... E... et le médecin qui la suivait à l'hôpital Robert Debré, le Docteur Magnier, n'aient pas été entendus par l'expert ne saurait entacher l'expertise d'irrégularité, l'expert ayant eu connaissance du dossier médical de la patiente qui comprenait, notamment, des courriers de ces deux médecins ; qu'enfin, si Mme E... soutient que le rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés le 26 juin 2006 est insuffisant pour se prononcer sur la responsabilité de l'AP-HP, il résulte du rapport de l'expert que ce dernier a pris soin d'examiner l'ensemble des pièces communiquées, de répondre aux observations des parties en présence, notamment au dire de Mme E..., et aux questions posées par le juge des référés s'agissant des fautes qui auraient pu être commises ; que le rapport d'expertise permet ainsi au juge, avec les autres pièces du dossier, en particulier les documents que les parties peuvent produire pour contester les conclusions de l'expert, de se prononcer sur la responsabilité de l'AP-HP ; que, dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal s'est prononcé au vu d'un rapport déposé à la suite d'une expertise irrégulière et aurait, à tort, refusé d'ordonner une expertise complémentaire ;
Sur la responsabilité de l'AP-HP :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
" - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ;
Sur le défaut d'information et la validité du consentement préalable :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. " ; que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ;
5. Considérant que si Mme E... soutient que le personnel médical ne s'est pas assuré qu'elle avait parfaitement compris les enjeux des deux interventions pour l'ablation par radiofréquence et qu'il s'est contenté d'un consentement formel de sa part, il ne résulte pas de l'instruction que le décès de la jeune D...serait imputable à l'une ou l'autre des deux interventions réalisées les 22 août et 29 septembre 2003 ni que ces interventions comportaient des risques dont Mme E... n'aurait pas eu connaissance et qui seraient la cause du décès de sa fille, survenu deux mois après la seconde intervention ; qu'ainsi, et à supposer même que Mme E..., dont il est constant qu'elle a donné son consentement préalablement à ces interventions, n'aurait pas compris la nature exacte des actes qui seraient pratiqués, cette incompréhension n'est pas à l'origine d'une perte de chance pour la jeune D...de se soustraire au risque de subir un arrêt cardio-respiratoire, dont elle a été victime le 20 novembre 2003 après la pose d'un Holter pour contrôler le rythme cardiaque ; que, dans ces conditions, le moyen tiré d'un défaut d'information doit être écarté ;
Sur les choix thérapeutiques :
6. Considérant que si Mme E... a entendu engager la responsabilité de l'AP-HP du fait d'une faute qui aurait été commise dans les choix thérapeutiques, il résulte de l'instruction que, suite à la consultation médicale qui s'est déroulée le 13 août 2003 à l'hôpital de la
Pitié-Salpêtrière vers lequel Mlle E... avait été dirigée par le Docteur Magnier de l'hôpital Robert Debré, trois options ont été examinées, d'une part, l'ablation par radiofréquence, d'autre part, la mise en place d'un stimulateur cardiaque avec poursuite du traitement médicamenteux ou enfin, la mise en place d'un stimulateur cardiaque avec l'ablation de la jonction nodo-hisienne secondairement ; que cette dernière option étant peu fréquente sur de jeunes patients et la poursuite du traitement médicamenteux, en particulier la prise de Cordarone, entraînant des effets secondaires importants pour la jeuneD..., le choix de l'ablation par radiofréquence a été privilégié ; qu'il résulte en outre des compte-rendus d'hospitalisation des 25 août et 2 octobre 2003 que, la tachycardie atriale repérée avant l'intervention étant réapparue immédiatement après la première tentative de radiofréquence réalisée le 22 août, il a été décidé d'arrêter le traitement par Digoxine et Cordarone et d'introduire un traitement par bêtabloquants ; que la tachycardie et les symptômes de palpitation persistant malgré l'intervention et le changement de traitement, une nouvelle séance de radiofréquence a été réalisée le 29 septembre 2003 ; qu'aucune récidive de la tachycardie atriale n'ayant été repérée dans les 48 heures suivant cette seconde séance, le traitement par bêtabloquants a été diminué ; qu'il ne résulte aucunement de l'instruction qu'une faute aurait été commise dans les choix thérapeutiques ainsi réalisés, l'expert ayant, notamment, conclu que le choix de l'ablation par radiofréquence était conforme aux données acquises de la science médicale ; que la circonstance que la pose d'un pacemaker ait été envisagée par le Docteur Magnier ne saurait démontrer, à elle seule, que les tentatives d'ablation par radiofréquence n'étaient pas adaptées à la pathologie de la patiente ; qu'il n'est pas davantage établi que le traitement médicamenteux ne pouvait être modifié compte tenu de l'état de la patiente après la première séance d'ablation,
le Docteur Magnier ayant d'ailleurs déjà évoqué la possibilité de remplacer le Cordarone, qui entraînait d'importants effets secondaires sur la jeuneD..., par des bêtabloquants ; que, s'agissant du suivi de l'état de la patiente après la seconde intervention, si Mme E... soutient que le rendez-vous fixé au 20 novembre 2003 pour la pose d'un Holter aurait dû être avancé dès lors, d'une part, qu'elle avait signalé les douleurs ressenties par sa fille après cette seconde intervention et, d'autre part, que l'expert a relevé qu'un délai de contrôle dans le mois suivant l'intervention aurait été préférable, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les douleurs ressenties n'auraient pas été liées à des phénomènes inflammatoires dus à l'intervention et devant s'estomper, ainsi que cela avait été interprété par le personnel médical assurant le suivi de Mlle E... ; que les documents produits par Mme E..., en particulier le courrier du 8 novembre 2007 du Docteur Haïm Elbaz, qui se borne à s'interroger sur l'existence d'une bibliographie sur la nécessité de procéder à un contrôle dans le délai d'un mois après la deuxième tentative d'ablation, ne sont en outre pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert, qui a estimé, dans sa réponse à un dire de la requérante, qu'aucun délai n'était spécifiquement admis en la matière, ni à démontrer qu'une faute aurait été commise dans le suivi de Mlle E... ; qu'enfin, il ne résulte nullement de l'instruction que le décès de Mlle E... suite à un arrêt cardiaque serait imputable aux interventions réalisées en août et septembre 2003 ou au traitement médicamenteux prescrit ou encore au suivi de la patiente ; que, dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à engager la responsabilité de l'AP-HP du fait de fautes qui auraient été commises dans les choix thérapeutiques ;
Sur la prise en charge lors de la pose du Holter :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la jeuneD... E... s'est rendue, le 20 novembre 2003, à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière plus tôt que l'horaire initialement prévu à 11h45, pour la pose d'un Holter devant enregistrer son rythme cardiaque de façon continue ; que si elle a été contrainte de patienter pendant près de deux heures trente en raison de l'absence d'Holter disponible et s'est, du fait de cette attente, énervée et agitée, la circonstance que l'appareil ne pouvait être rapidement posé n'est pas constitutive, en l'absence d'urgence, d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service et ce, alors même que D...avait, comme sa mère le soutient, contacté l'hôpital pour demander si l'heure de son rendez-vous pouvait être avancée compte tenu de ses obligations scolaires ; qu'il ne résulte en outre pas de l'instruction que la jeune D...n'ait pas obtenu d'information sur les causes de cette attente, la patiente, alors âgée de 16 ans, ayant d'ailleurs contacté sa mère par téléphone pour se plaindre de ce que le matériel n'était pas disponible ; qu'il résulte en outre de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que la pose du Holter s'est déroulée selon la procédure habituelle et que, si après le décès, les données enregistrées par cet appareil ont permis de constater que le rythme cardiaque de la patiente était, deux minutes après sa pose, de 170 pulsations par minute, le Holter ne permettait pas à l'infirmière l'ayant posé de connaître, en temps réel, la fréquence cardiaque deD... ; que, dans ces conditions, et dès lors que la patiente, qui a quitté l'hôpital en courant pour ne pas être en retard à son rendez-vous au forum des métiers et de l'orientation organisé à la Porte de Versailles, ne s'est pas plainte de douleurs ou symptômes particuliers au moment de la pose de l'appareil, le personnel hospitalier n'a pas commis de faute en ne faisant pas examiner D...par un médecin, la consultation médicale pour l'examen des données enregistrées par le Holter devant avoir lieu le 11 décembre 2003 ; que, par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'AP-HP serait engagée du fait de fautes commises dans la prise en charge de sa fille lors de la pose du Holter ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce qu'une expertise complémentaire soit ordonnée et, d'autre part, à ce que l'AP-HP soit condamnée à l'indemniser du préjudice subi du fait du décès de sa fille ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
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N° 10PA03855
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N° 12PA00612