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31/12/2012 | FRANCE | N°10PA02131

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 31 décembre 2012, 10PA02131


Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2010, présentée pour Mme Isabel B, demeurant ..., par la SCP Gros, Deharbe, Hicter ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0717006/5-1 du 4 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a limité à 10 001 euros le montant de l'indemnité chiffrée à la somme de 1 866 975, 54 euros demandée, en réparation de l'ensemble des préjudices subis en raison du refus du ministre chargé de la santé de l'intégrer dans le corps des directeurs d'hôpitaux publics de la fonction publique hospitalière française et du ret

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Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2010, présentée pour Mme Isabel B, demeurant ..., par la SCP Gros, Deharbe, Hicter ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0717006/5-1 du 4 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a limité à 10 001 euros le montant de l'indemnité chiffrée à la somme de 1 866 975, 54 euros demandée, en réparation de l'ensemble des préjudices subis en raison du refus du ministre chargé de la santé de l'intégrer dans le corps des directeurs d'hôpitaux publics de la fonction publique hospitalière française et du retard pris par le ministre de la santé pour réexaminer sa demande d'intégration dans ce corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique hospitalière française et de son refus de l'accueillir dans celui-ci par la voie du détachement ;

2°) à titre principal, de désigner un expert judiciaire pour évaluer le préjudice de carrière et de pension de retraite subi depuis sa demande d'intégration dans le corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique hospitalière française jusqu'à aujourd'hui ou, à titre subsidiaire, jusqu'à la date de validation de son stage soit le 29 janvier 2010 et de lui accorder une indemnisation correspondant, d'une part, à la différence entre ses revenus et ceux qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été intégrée dans le corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique hospitalière française conformément à sa demande et, d'autre part, à son préjudice de retraite ou à un taux de perte de chance estimé par la Cour ; à titre subsidiaire, de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser la somme de 654 975, 54 euros à titre de préjudice de carrière calculée jusqu'au mois de juin 2007 et actualisée jusqu'à ce jour ou jusqu'à la date de validation de son stage, le 29 janvier 2010, ou la somme correspondant au taux de perte de chance estimée par la Cour et, d'autre part, à lui verser la somme de 912 000 euros à titre de préjudice de pension calculée jusqu'au mois de juin 2007 et actualisée jusqu'à ce jour ou jusqu'à la date de validation de son stage, le 29 janvier 2010, ou la somme correspondant au taux de perte de chance estimée par la Cour ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de préjudice moral ;

4°) de condamner l'Etat, au titre des troubles dans les conditions d'existence, à lui verser la somme correspondant aux indemnités et primes dont elle a été privée et dont le montant sera déterminé par l'expert désigné ou, à titre subsidiaire, la somme de 270 000 euros ;

5°) de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 2 250 euros au titre des frais d'inscription à l'Ecole des élèves avocats ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne et notamment son article 48 (devenu, après modification, article 39 CE) ;

Vu la directive n° 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;

Vu le décret n° 88-163 du 19 février 1988 portant statut particulier des grades et emplois des personnels de direction des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 93-101 du 19 janvier 1993 relatif à l'accès des ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne autres que la France à certains corps de la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,

- les observations de Me Gros, avocat de Mme B,

- et les observations de Me Maury, avocat du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ;

1. Considérant que Mme B a sollicité le 2 juillet 1993, auprès du ministre délégué à la santé, alors qu'elle était de nationalité portugaise, son intégration dans le corps des directeurs d'hôpitaux ; qu'à l'appui de cette demande, elle faisait état de l'obtention du diplôme d'administrateur hospitalier délivré par l'Ecole nationale de la santé publique de Lisbonne et de son expérience professionnelle d'administration d'hôpital au Portugal du 1er septembre 1983 au 20 novembre 1989 ; que, par décision du 20 août 1993, le ministre délégué à la santé a rejeté sa demande au motif qu'en l'état de la réglementation nationale, si le décret du 19 janvier 1993 avait ouvert l'accès des ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne à certains corps de la fonction publique hospitalière, le corps des personnels de direction des hôpitaux régi par le décret du 19 février 1988 n'était, pour sa part, pas accessible aux ressortissants communautaires et qu'en tout état de cause, l'intégration sollicitée était subordonnée à la réussite aux épreuves d'admission à l'Ecole nationale de la santé publique de Rennes et au suivi de la formation dispensée par cette école ; que par une décision n° 268718-273281 du 16 mars 2005, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté le recours du ministre de la santé et de la protection sociale et celui du ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant à l'annulation de l'arrêt du 15 avril 2004 par lequel la Cour administrative d'appel de Douai a annulé la décision du 20 août 1993 et a enjoint au ministre délégué à la santé de réexaminer la demande de Mme B ; que par un arrêt du 11 décembre 2008, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement en date du 3 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de Mme B tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre refusant de se prononcer sur son statut, sur les modalités du stage qui lui était proposé et sur sa demande tendant à être rémunérée ; que compte tenu du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des différentes fautes commises par l'Etat résultant du refus du ministre de l'intégrer dans la fonction publique hospitalière française en méconnaissance de la directive européenne, Mme B a introduit un mémoire préalable en indemnité auprès du ministre de la santé ; que cette demande d'indemnisation a été rejetée par décision du 10 août 2007 ; que Mme B relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 4 mars 2010 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices invoqués ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive du 21 décembre 1988 susvisée : " Aux fins de la présente directive, on entend : / a) par diplôme, tout diplôme, certificat ou titre ou tout ensemble de tels diplômes, certificats ou autres titres : / - qui a été délivré par une autorité compétente dans un Etat membre (...) / - dont il résulte que le titulaire a suivi avec succès un cycle d'études postsecondaires d'une durée minimale de trois ans, ou d'une durée équivalente à temps partiel, dans une université ou un établissement d'enseignement supérieur ou dans un autre établissement d'un même niveau de formation et, le cas échéant, qu'il a suivi avec succès la formation professionnelle requise en plus du cycle d'études postsecondaires, et / - dont il résulte que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à une profession réglementée dans cet Etat membre ou l'exercer, / dès lors que la formation sanctionnée par ce diplôme, certificat ou autre titre a été acquise de façon prépondérante dans la Communauté, ou dès lors que son titulaire a une expérience professionnelle de trois ans certifiée par l'Etat membre qui a reconnu un diplôme, certificat ou titre délivré par un pays tiers. / Est assimilé à un diplôme au sens du premier alinéa tout diplôme, certificat ou titre ou tout ensemble de tels diplômes, certificats et autres titres, qui a été délivré par une autorité compétente dans un Etat membre dès lors qu'il sanctionne une formation acquise dans la Communauté et reconnue par une autorité compétente dans cet Etat membre comme étant de niveau équivalent, et qu'il confère les mêmes droits d'accès à une profession réglementée ou d'exercice de celle-ci " (...) / c) par profession réglementée, l'activité ou l'ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un Etat membre ; d) par activité professionnelle réglementée, une activité professionnelle dont l'accès ou l'exercice, ou une des modalités d'exercice dans un Etat membre est subordonné, directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d'un diplôme (...) " ; que l'article 2 de la même directive dispose que " la présente directive s'applique à tout ressortissant d'un Etat membre voulant exercer à titre indépendant ou salarié une profession réglementée dans un Etat membre d'accueil " ; qu'aux termes de l'article 3 de la directive : " Lorsque dans un Etat membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d'un diplôme, l'autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d'un Etat membre, pour défaut de qualification, d'accéder à cette même profession sur son territoire ou de l'exercer dans les mêmes conditions que les nationaux : a) si le demandeur possède le diplôme qui est prescrit par un autre Etat membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer et qui a été obtenu dans un autre Etat membre (...) " ; qu'enfin, l'article 4 de la directive prévoit que " L'article 3 ne fait pas obstacle à ce que l'Etat membre d'accueil exige également du demandeur : / a) qu'il prouve qu'il possède une expérience professionnelle, lorsque la durée de la formation dont il fait état (...) est inférieure d'au moins un an à celle requise dans l'Etat membre d'accueil (...) / b) qu'il accomplisse un stage d'adaptation pendant trois ans au maximum ou se soumette à une épreuve d'aptitude : / lorsque la formation qu'il a reçue porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le diplôme requis dans l'Etat membre d'accueil (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que par la décision en date du 16 mars 2005 susmentionnée, le Conseil d'Etat a confirmé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai annulant la décision du ministre du 20 août 1993 au motif que cette décision était dépourvue de base légale, les règles nationales, en particulier les décrets des 19 février 1988 et 19 janvier 1993, qui ne prévoyaient aucune procédure permettant aux ressortissants des autres Etats membres possédant un diplôme équivalent à celui de l'Ecole nationale de la santé publique de Rennes de faire valoir leur vocation à accéder au corps des personnels de direction des hôpitaux, n'étant ni conformes aux exigences du paragraphe 4 de l'article 48 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ni compatibles avec les objectifs de la directive n°89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, laquelle aurait dû être transposée au plus tard le 4 janvier 1991 ;

4. Considérant que l'absence de mesure de transposition d'une directive communautaire pour atteindre le résultat prescrit par celle-ci dans le délai imparti à cet effet constitue en elle-même une violation du droit communautaire susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, dont la juridiction administrative est compétente pour connaître, que cette violation soit imputable tant au pouvoir réglementaire qu'au pouvoir législatif ; qu'ainsi, l'Etat en ne transposant qu'avec retard la directive du 21 décembre 1988 a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

5. Considérant, d'autre part, que si Mme B n'avait aucun droit à être recrutée dès 1993 dans le corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique hospitalière française, le Conseil d'Etat, dans sa décision du 16 mars 2005, avait confirmé les mesures contenues dans l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai enjoignant au ministre chargé de la santé de prendre les dispositions nécessaires à l'intégration éventuelle de l'intéressée dans la fonction publique hospitalière française ;

6. Considérant qu'en exécution de l'injonction ainsi prononcée, le ministre chargé de la santé a proposé à Mme B, par courrier du 10 octobre 2005, d'opter entre une épreuve d'aptitude et un stage d'adaptation non rémunéré d'une durée de cinq mois ; que, le 24 octobre 2005, l'intéressée a indiqué qu'elle choisissait d'accomplir le stage tout en persistant à demander que celui-ci soit rémunéré ; que par deux lettres en date du 19 décembre 2005 et du 20 janvier 2006, le ministre a précisé que le stage s'effectuerait au Centre hospitalier de La Rochelle pour une durée de cinq mois sans rémunération ; que, par lettres des 5 mai et 15 juin 2006, Mme B a demandé au ministre de lui indiquer les modalités du stage d'adaptation et de son évaluation, son statut lors du stage et les conditions de sa rémunération ; que, contrairement à ce que soutient le défendeur, le fait que l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai du 26 janvier 2006, après avoir prononcé la liquidation de l'astreinte résultant de l'absence de justification des mesures prises pour exécuter son arrêt, a constaté que l'administration avait mis en oeuvre les mesures pour réexaminer la demande de l'intéressée est sans incidence sur l'éventuelle faute commise par l'Etat résultant du refus de l'administration de se prononcer sur la situation administrative de l'intéressée au cours du stage, ainsi que sur ses modalités d'accomplissement ; que, par un arrêt du 11 décembre 2008, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur ces demandes tendant à ce que soit défini son statut pendant le stage proposé au Centre hospitalier de La Rochelle, dès lors que les règles nationales applicables à la date de la décision qui ne prévoyaient ni les modalités du stage d'adaptation et de son évaluation ni le statut du stagiaire migrant n'étaient pas compatibles avec les objectifs de l'article 1er précité de la directive du 21 décembre 1988 ; qu'ainsi, Mme B, à qui l'administration ne saurait reprocher de l'avoir interrogée sur les conditions et modalités du stage, est fondée à invoquer l'existence d'une faute de l'Etat du fait de l'absence de transposition sur ce point de la directive n° 89/48 CEE susceptible d'engager sa responsabilité ;

Sur le préjudice résultant de la perte de rémunération :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B est titulaire d'une " licenciature " en droit délivrée par la faculté de droit de Lisbonne, d'un diplôme d'administrateur hospitalier délivré en 1983 après deux années d'études par l'école nationale de santé publique de Lisbonne et d'un diplôme d'études approfondies en droit de la santé délivré en 1990 par l'université de Bordeaux ; qu'elle a occupé des fonctions d'administrateur-adjoint dans des centres hospitaliers au Portugal de septembre 1983 à novembre 1989 ; que, compte tenu de ses diplômes ainsi que de son expérience professionnelle, et eu égard à la nature des fonctions de directeur d'hôpital, Mme B doit être regardée comme ayant été privée d'une chance sérieuse d'être intégrée dans le corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique hospitalière française après la mise en oeuvre par l'administration des modalités d'accès, notamment par l'organisation d'un stage, qu'elle n'a finalement validé qu'en 2010 ; que, dans ces conditions, Mme B a droit à l'indemnisation du préjudice résultant de cette perte de chance sérieuse résultant du refus par le ministre d'examiner la demande qu'elle avait présentée en 1993 ;

8. Considérant que, indépendamment de la faute résultant du retard de transposition de la directive du 21 décembre 1988 susvisée, pour tenir compte du respect d'un délai raisonnable pour organiser et réaliser les modalités d'intégration éventuelle de l'intéressée, notamment par un stage que Mme B aurait dû suivre pour se mettre au niveau des exigences attendues à la sortie de l'Ecole nationale de la santé publique de Rennes, il y a lieu d'admettre que la période pendant laquelle doit se calculer son droit à réparation court du 1er mai 1994 jusqu'au 1er octobre 2012, date à laquelle elle a effectivement été intégrée dans le corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique hospitalière française ; que, pour justifier du montant de son préjudice à ce titre, Mme B produit un tableau chiffré évaluant le préjudice résultant de la perte de chance sérieuse d'être intégrée à la somme de 654 975, 54 euros, calculée jusqu'au mois de juin 2007 dont elle demande l'actualisation ; que ce tableau prend en compte une évolution moyenne de carrière, fondée sur les différents textes réglementaires statutaires applicables aux personnels de direction des établissements publics d'hospitalisation, déduction faite des rémunérations qu'elle a touchées par ailleurs, notamment lorsqu'elle était fonctionnaire au Portugal jusqu'en 1996 et avocate en France à compter de 2001 ; qu'il y a lieu, dès lors que ni la méthode d'élaboration de ce document ni son chiffrage ne sont contestés par le défendeur, de prendre en compte les éléments précis y figurant et de compléter l'évaluation jusqu'à la date de l'intégration de l'intéressée dans le corps des directeurs d'hôpitaux ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme B en l'évaluant à la somme de 920 000 euros ;

Sur le préjudice résultant de la minoration du montant de la pension de retraite :

9. Considérant que, pour être indemnisable, le préjudice résultant d'un montant de pension de retraite future minorée du fait de l'intégration tardive d'un agent dans un corps de la fonction publique ne peut être pris en compte qu'à la condition, en principe, que cet agent ait présenté, dans le respect de la réglementation et des délais qu'elle impose, une demande tendant à être admis à faire valoir ses droits à la retraite et précisant la date d'effet de celle-ci ; qu'il peut toutefois en aller autrement dans le cas où, même s'il n'a pas encore présenté sa demande, l'agent fait état de circonstances particulières permettant de regarder le préjudice dont il se prévaut comme suffisamment certain ; qu'en l'espèce, du fait du retard pris dans sa carrière, Mme B subit un préjudice lié à la minoration du montant de sa pension de retraite ; que, toutefois, elle n'a pas formulé de demande tendant à faire valoir ses droits à la retraite ; que, Mme B ne faisant état d'aucune circonstance particulière, le préjudice allégué ne reste ainsi, à la date du présent arrêt qu'éventuel ; que, dans ces conditions, Mme B ne saurait soutenir qu'elle a droit à la réparation d'un préjudice du fait de la perte de droits futurs à pension ;

Sur les autres préjudices :

10. Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence de lien de causalité direct entre les fautes susmentionnées de l'Etat et la formation d'avocate entreprise par Mme B, celle-ci ne saurait demander une indemnisation correspondant au montant des frais engagés à raison de cette formation ;

11. Considérant, en second lieu, que Mme B fait valoir qu'elle a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence du fait du refus d'intégration dans le corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique hospitalière française ; qu'elle ne saurait, à ce titre, et en tout état de cause demander que lui soit versée une somme correspondant aux indemnités et primes dont elle a été privée ; que toutefois, dans les circonstances de l'espèce, ce refus a causé à Mme B un préjudice moral et lui a occasionné des troubles dans ses conditions d'existence pendant de longues années dus notamment aux différentes procédures qu'elle a dû engager, et alors même que celle-ci a exercé la profession d'avocat et perçu à ce titre des honoraires ; qu'en fixant à 10 001 euros le montant de l'indemnité due en réparation de ces préjudices, le Tribunal administratif de Paris en a fait, dans les circonstances de l'espèce, une évaluation insuffisante ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en allouant à Mme B une somme de 20 000 euros ;

12. Considérant que Mme B est ainsi fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser, une somme totale de 940 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2007, date de réception de sa demande préalable par l'administration ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 15 janvier 2009 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que Mme B est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui payer une somme inférieure à celle résultant du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière une somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 10 001 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme B par le jugement n° 0717006/5-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 4 mars 2010 est portée à 940 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2007. Les intérêts échus le 15 janvier 2009 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts tant à cette date qu'à chaque échéance ultérieure pour ladite somme.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 4 mars 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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10PA02131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA02131
Date de la décision : 31/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme DHIVER
Avocat(s) : SCP GROS, DEHARBE, HICTER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-31;10pa02131 ?
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