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13/12/2012 | FRANCE | N°12PA00890

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 13 décembre 2012, 12PA00890


Vu le recours, enregistré le 22 février 2012 sous le n° 12PA00890, présenté par le ministre de la culture et de la communication ; le ministre de la culture et de la communication demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1002450 du 15 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 12 octobre 2009 rejetant la demande présentée par M. A pour avoir accès à divers documents d'archives versés par le service de coopération technique internationale de police du ministère de l'intérieur, relatifs à plusieurs Etats et ressorti

ssants africains ;

- de rejeter la demande de M. A tendant à l'annulat...

Vu le recours, enregistré le 22 février 2012 sous le n° 12PA00890, présenté par le ministre de la culture et de la communication ; le ministre de la culture et de la communication demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1002450 du 15 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 12 octobre 2009 rejetant la demande présentée par M. A pour avoir accès à divers documents d'archives versés par le service de coopération technique internationale de police du ministère de l'intérieur, relatifs à plusieurs Etats et ressortissants africains ;

- de rejeter la demande de M. A tendant à l'annulation de sa décision du 12 octobre 2009 ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :

- le rapport de M. Lercher,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Farge, pour M. A ;

1. Considérant que M. Bernard A, professeur honoraire à l'université de Montréal, effectuant des recherches sur la Guinée Conakry en vue de la publication d'un ouvrage d'ensemble sur " la Guinée de Sékou Touré ", a présenté deux demandes de consultation de divers documents d'archives publiques versés par le service de coopération technique internationale de police de la direction générale de la police nationale, relatifs à plusieurs Etats et ressortissants africains ; qu'après que le ministre de l'intérieur, autorité ayant versé aux archives publiques les documents sollicités, eut refusé de donner son accord à leur consultation, le ministre de la culture et de la communication a, par deux décisions du 16 octobre 2008 et du 6 novembre 2008, rejeté les demandes de M. A ; que saisi par M. A d'une demande en date du 9 décembre 2008, la commission d'accès aux documents administratifs a émis le 19 mars 2009 un avis partiellement favorable à la consultation des documents en litige ; qu'à la suite d'un nouveau refus de consultation opposé par le ministre de l'intérieur, le ministre de la culture et de la communication a, par une décision du 12 octobre 2009, confirmé le rejet de la demande M. A ; que, par jugement du 15 décembre 2011, le Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de M. A, a annulé la décision du 12 octobre 2009 par laquelle le ministre de la culture et de la communication a rejeté sa demande d'accès à divers documents d'archives versés par le service de coopération technique internationale de police du ministère de l'intérieur, relatifs à plusieurs Etats et ressortissants africains ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-1 du code du patrimoine : " Les archives publiques sont, sous réserve des dispositions de l'article L. 213-2, communicables de plein droit. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 213-2 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 213-1 : / I.-Les archives publiques sont communicables de plein droit à l'expiration d'un délai de : / 1° Vingt-cinq ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier : / a) Pour les documents dont la communication porte atteinte (...) à la conduite des relations extérieures (...) / 3° Cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l'Etat dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée, à l'exception des documents mentionnés aux 4° et 5°. Le même délai s'applique aux documents qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou qui font apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice " et qu'aux termes de l'article L. 213-3 du même code : " I.-L'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Sous réserve, en ce qui concerne les minutes et répertoires des notaires, des dispositions de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, l'autorisation est accordée par l'administration des archives aux personnes qui en font la demande après accord de l'autorité dont émanent les documents " ;

3. Considérant que l'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés à l'article L. 213-2, peut être accordée, par dérogation, dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger ; qu'il appartient, à ce titre, à l'autorité versante, puis à l'administration des archives, non seulement de prendre en compte les intérêts légalement protégés susceptibles d'être mis en cause, eu égard au contenu des documents sollicités, mais aussi d'apprécier la légitimité et le sérieux de la demande, l'utilité des documents pour le demandeur ainsi que, le cas échéant, le temps restant avant l'expiration des délais au-delà desquels les documents sont de plein droit communicables ; que si le refus de l'accord de l'autorité qui a effectué le versement ou qui assure la conservation des archives, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens relatifs à sa régularité et son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision ;

4. Considérant que le ministre de la culture et de la communication soutient que le jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 12 octobre 2009 repose sur une dénaturation des pièces du dossier, dès lors que le ministre de l'intérieur, autorité versante et dont la décision s'impose à lui, a tenu compte de l'intérêt légitime de M. A, mais a relevé que " de nombreux documents archivés ne répondent pas à l'objet des recherches effectuées par le demandeur " et que la transmission des documents demandés était susceptible de porter atteinte à la sûreté des Etats et des ressortissants étrangers ainsi qu'à la sûreté extérieure de la France ;

5. Considérant qu'il ressort, d'une part, des pièces du dossier que, alors que M. A avait désigné précisément, avec la mention de leurs cotes aux Archives, les documents qu'il souhaitait consulter, le ministre de l'intérieur lui a opposé que " de nombreux documents " ne répondraient pas à l'objet de sa recherche, sans les désigner, ni apporter aucune précision à l'appui de ce motif ; qu'il résulte, d'autre part, du jugement attaqué que les premiers juges relèvent que le ministre de l'intérieur puis le ministre de la culture et de la communication se sont bornés à invoquer l'atteinte aux intérêts protégés par la loi sans rechercher si cette atteinte présentait un caractère excessif par rapport à l'intérêt des recherches de M. A ;

6. Considérant que si le caractère contradictoire de la procédure fait obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle puisse être rendue sur la base de pièces dont une des parties n'aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairement autrement, afin d'assurer l'effectivité du droit au recours, lorsque, comme en l'espèce, le refus de communication de documents constitue l'objet même du litige ; que si les dispositions du code du patrimoine rappelées ci-dessus, qui permettent au ministre de la culture et de la communication de refuser la consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2, interdit la communication des documents en litige aux parties autres que celle qui les détient, dès lors qu'une telle communication priverait d'effet le refus de communication attaqué, elles ne peuvent, en revanche, empêcher sa communication au juge lorsque celle-ci est la seule voie lui permettant d'apprécier le bien-fondé d'un moyen ;

7. Considérant que la question de savoir si les documents demandés par M. A ou une partie d'entre eux seraient sans utilité pour sa recherche et s'ils seraient de nature à porter ou non une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi ou au secret de la vie privée, ne peut être appréciée qu'au vu des documents dont la consultation a été refusée à l'intéressé ; qu'il y a lieu, dès lors, avant dire droit, tous droits et moyens des parties demeurant réservés, d'ordonner un supplément d'instruction tendant à la production à la Cour par le ministre de la culture et de la communication de l'ensemble des documents demandés par M. A, sans que la communication des pièces produites par le ministre en réponse à cette demande soit faite aux autres parties ;

D E C I D E :

Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions du recours du ministre de la culture et de la communication tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2011, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production, par le ministre de la culture et de la communication, des documents mentionnés dans les motifs de la présente décision.

Article 2 : Ces documents devront parvenir au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris (9° chambre) dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

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N° 12PA00890


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00890
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

26-06-03 Droits civils et individuels. Accès aux documents administratifs. Droit d'accès et de vérification sur un fondement autre que celui des lois du 17 juillet 1978 et du 6 janvier 1978.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Alain LERCHER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-13;12pa00890 ?
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