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06/12/2012 | FRANCE | N°12PA00875

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 06 décembre 2012, 12PA00875


Vu la requête, enregistrée le 21 février 2012, présentée pour l'association Ensemble pour la planète (EPLP) ayant son siège 41 rue du 18 juin, Magenta, à Nouméa (98847), par Me Bouquet-Elkaïm ; l'association EPLP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100175 du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a implicitement rejeté sa demande en date du 8 février 2011 tendant à ce que soit interdite l'importation des frui

ts et légumes traités au diméthoate ;

2°) d'annuler cette décision implic...

Vu la requête, enregistrée le 21 février 2012, présentée pour l'association Ensemble pour la planète (EPLP) ayant son siège 41 rue du 18 juin, Magenta, à Nouméa (98847), par Me Bouquet-Elkaïm ; l'association EPLP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100175 du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a implicitement rejeté sa demande en date du 8 février 2011 tendant à ce que soit interdite l'importation des fruits et légumes traités au diméthoate ;

2°) d'annuler cette décision implicite ;

3°) d'enjoindre au gouvernement de Nouvelle-Calédonie de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, ensemble la Charte de l'environnement, en ses articles 1er et 5 ;

Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie, et la loi n° 99-210 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie n° 334 du 11 août 1992 portant protection des végétaux ;

Vu la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie n° 335 du 11 août 1992 relative aux produits phytosanitaires à usage agricole ;

Vu la délibération n° 216 du 8 novembre 2006 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie relative aux marchandises soumises à des prohibitions ou à des autorisations administratives d'importation ou d'exportation ;

Vu la délibération du congrès n° 112/CP du 18 octobre 1996 relative au contrôle sanitaire des végétaux ou produits végétaux à l'importation ou à l'exportation ;

Vu la délibération du congrès n° 113/CP du 18 octobre 1996 relative aux teneurs maximales en résidus de pesticides admissibles sur ou dans certains produits d'origine végétale ;

Vu l'arrêté du 24 août 2010 portant homologation de produits phytosanitaires à usage agricole ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de M. Bergeret, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- et les observations de Me Especel pour l'association Ensemble pour la planète ;

1. Considérant que par lettre datée du 8 février 2011, réceptionnée le 11 février 2011, l'association EPLP a demandé au gouvernement de Nouvelle-Calédonie de procéder à l'interdiction immédiate de l'importation des fruits et légumes ayant subi un traitement par des produits pesticides contenant du diméthoate ; qu'elle relève appel du jugement du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet prise par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la Nouvelle-Calédonie, ni sur la recevabilité de la demande de première instance ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la délibération n° 216 du 8 novembre 2006 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie relative aux marchandises soumises à des prohibitions ou à des autorisations administratives d'importation ou d'exportation : " L'importation et l'exportation de certaines catégories de marchandises peut être interdite pour des motifs relatifs à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, à la préservation des végétaux (...) ou à l'application de normes ou de réglementations techniques ne relevant pas de la compétence de l'Etat (...) " ; que l'article 2 de la même délibération dispose : " Le gouvernement est habilité à définir la liste des marchandises dont l'importation ou l'exportation est interdite ainsi que celles dont l'importation ou l'exportation est soumise à la délivrance d'une autorisation préalable " ;

3. Considérant, en premier lieu, que dans le dernier état de ses conclusions à fin d'annulation présentées devant la Cour, l'association EPLP fait valoir qu'en rejetant implicitement sa demande, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a méconnu les dispositions précitées ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'utilisation du pesticide diméthoate, destiné à la lutte contre la mouche des fruits, a été autorisée en Nouvelle-Calédonie par un arrêté du 24 août 2010 pris en application de la procédure d'homologation définie par la délibération susvisées n° 334 du 11 août 1992 portant protection des végétaux, et celle n° 335 également du 11 août 1992 relative aux produits phytosanitaires à usage agricole ; que l'association EPLP fait valoir que le diméthoate étant reconnu comme neurotoxique, reprotoxique, cancérigène et perturbateur endocrinien, les produits importés en Nouvelle-Calédonie, traités par cette substance, pourraient être à l'origine de risques sérieux pour la santé humaine ; qu'elle relève à cet égard que la limite maximale de résidus pour cette molécule est fixée à un seuil trop élevé en Nouvelle-Calédonie, 50 fois supérieur à celui de 0,02 mg/kg en vigueur dans l'Union européenne, et que le délai réglementaire de traitement avant récolte des fruits et légumes ainsi traités, fixé à 15 jours, pourrait être contourné du fait des courts délais de transport et de commercialisation de ces produits, qui feraient l'objet d'un traitement après récolte en vue de leur importation en Nouvelle-Calédonie ; qu'il en résulterait ainsi que la dose journalière admissible fixée pour cette substance pourrait ainsi être dépassée, pour certains consommateurs, dans certains cas et sur certaines périodes ; qu'elle ne conteste toutefois pas les affirmations de la Nouvelle-Calédonie selon laquelle les contrôles opérés par la direction des affaires vétérinaires au cours des années 2008, 2009 et 2010 n'ont pas constaté de dépassement de la limite maximale de résidus autorisée en Nouvelle-Calédonie, et que la limite maximale de résidus fixée dans l'Union européenne n'a été dépassée qu'une seule fois ; qu'elle ne remet pas davantage en cause la pertinence, l'efficacité, ni le rythme de ces contrôles ; qu'ainsi, et en l'état du dossier, l'association EPLP ne peut être regardée comme établissant que les fruits et légumes traités par le diméthoate et importés en Nouvelle-Calédonie pourraient être à l'origine, pour les consommateurs de ces produits, d'un risque réel pour leur santé ; que, par suite, la décision implicite par laquelle le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande d'interdiction d'importation de ces marchandises ne peut être regardée comme entachée d'illégalité au regard des dispositions précitées de la délibération n° 216 du 8 novembre 2006 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et au regard des principes conditionnant la légalité des décisions prises en matière de police administrative sanitaire, qui nécessitent la constatation d'un péril grave justifiant l'édiction des seules mesures de nature à le faire cesser ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement instituée par la loi consitutionnelle du 1er mars 2005 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorisation d'importation et l'usage du diméthoate en Nouvelle-Calédonie, alors même que la limite maximale de résidus en vigueur dans ce territoire pour ce produit est très supérieure à celle applicable notamment en France, serait à l'origine d'un risque grave et irréversible pour l'environnement qui aurait imposé à l'autorité compétente d'en interdire l'importation sans délai ; qu'ainsi, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, en s'abstenant de prendre une telle mesure n'a pas commis l'erreur manifeste d'appréciation invoquée au regard de l'application des dispositions précitées de l'article 5 de la Charte de l'environnement ; que pour le même motif, l'association Ensemble pour la planète n'est en tout état de cause pas fondée à invoquer, à l'appui de ses conclusions d'annulation, la méconnaissance des dispositions de l'article 1er de la Charte de l'environnement, aux termes desquelles " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé " ;

6. Considérant, en dernier lieu, que si l'association Ensemble pour la planète soutient que le refus de faire droit à sa demande d'interdiction d'importation du diméthoate est discriminatoire et méconnaît le principe d'égalité, tel que posé par l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du fait que l'usage de ce produit fait l'objet, notamment en Union européenne, d'une réglementation plus restrictive qu'en Nouvelle-Calédonie, un tel moyen ne peut en toute hypothèse qu'être écarté dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, une réglementation plus restrictive que celle en vigueur en Nouvelle-Calédonie devrait nécessairement être adoptée sans délai ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Ensemble pour la planète n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la Nouvelle-Calédonie ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association EPLP est rejetée.

Article 2 : Les conclusions par lesquelles la Nouvelle-Calédonie demande l'application à son bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12PA00875


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00875
Date de la décision : 06/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : BOUQUET-ELKAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-06;12pa00875 ?
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