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06/12/2012 | FRANCE | N°10PA02001

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 06 décembre 2012, 10PA02001


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2010 et régularisée par un mémoire du 12 juillet 2010, présentée pour M. Tibère B, demeurant ..., par Me Moneyron ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603884/5 du 23 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté d'une part, sa demande tendant à l'annulation des décisions des 2 décembre 2005 et 10 février 2006 par lesquelles le président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne l'a suspendu de ses fonctions et l'a licencié pour faute et, d'autre part, ses conclusions en inj

onction aux fins de réintégration dans ses fonctions ainsi que, ses conc...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2010 et régularisée par un mémoire du 12 juillet 2010, présentée pour M. Tibère B, demeurant ..., par Me Moneyron ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603884/5 du 23 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté d'une part, sa demande tendant à l'annulation des décisions des 2 décembre 2005 et 10 février 2006 par lesquelles le président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne l'a suspendu de ses fonctions et l'a licencié pour faute et, d'autre part, ses conclusions en injonction aux fins de réintégration dans ses fonctions ainsi que, ses conclusions indemnitaires tendant à ce que l'Office lui paie son salaire depuis le 2 décembre 2005 jusqu'à la date du jugement à intervenir, soit 27 000 euros et lui verse la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts ou à défaut de réintégration de la somme de 150 000 euros à ce titre et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler les décisions contestées pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne à lui payer son salaire depuis le 2 décembre 2005 soit une somme de 27 000 euros arrêtés au 31 mai 2006 ;

4°) de condamner l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne à lui payer la somme de 25 euros à titre de dommages-intérêts ;

5°) d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions ;

6°) à défaut de réintégration, de condamner l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne à lui payer une somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, modifiée ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,

- et les observations de Me Bilici, avocat de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne ;

1. Considérant que M. B exerçait depuis le 20 septembre 1996 les fonctions de directeur du service technique de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne en qualité d'ingénieur subdivisionnaire, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée renouvelé sans interruption jusqu'au 30 septembre 2005, avant d'être transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre suivant ; que le 23 novembre 2005, il a été mis en examen sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une instruction pénale, aux motifs qu'il aurait procuré ou tenté de procurer un avantage injustifié à autrui en vue de lui faire obtenir l'attribution de marchés publics de l'Office et aurait monnayé son influence dans le cadre de l'attribution de ces marchés ; qu'à la demande du sous-préfet de Provins, le président de l'Office, par décision en date du 2 décembre 2005, a suspendu M. B de ses fonctions, avant de le licencier pour faute en application du 4) de l'article 36 du décret du 15 février 1988 par décision du 10 février 2006 ; que M. B relève appel du jugement du 23 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la décision du 2 décembre 2005 par laquelle le président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne a suspendu M. B de ses fonctions :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative :

" Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la décision du 2 décembre 2005 prononçant une mesure de suspension conservatoire à l'encontre de M. B lui a été notifiée le 7 décembre 2005, en indiquant qu'il disposait de deux mois à compter de la date de notification pour présenter un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif ; que le recours gracieux, en date du 3 avril 2006 présenté par M. B et reçu le 5 avril 2006 par l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne, a, en tout état de cause, été introduit postérieurement à l'expiration du délai de deux mois imparti par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que les dispositions précitées de l'article R. 421-5 sur la mention des voies et délais de recours n'impliquent pas que le tribunal administratif territorialement compétent soit indiqué dans la notification d'une décision administrative ; qu'ainsi, l'information contenue dans la décision attaquée était suffisante bien que le tribunal administratif territorialement compétent n'était pas précisé et a rendu opposable le délai de deux mois prévu par l'article R. 421-1 ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Melun a rejeté comme tardives les conclusions de la demande du requérant à l'encontre de cette décision qui n'ont été enregistrées au greffe du tribunal que le 9 juin 2006 ;

Sur la décision du 10 février 2006 par laquelle le président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne a licencié M. B pour faute :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 susvisé : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale d'un mois ; 4° Le licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement " ;

5. Considérant que le président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne a fondé sa décision de licenciement de M. B, d'une part, sur la circonstance que ce dernier avait fait l'objet d'une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, assorti d'une mise en examen, pour avoir procuré ou tenté de procurer un avantage injustifié à autrui en vue de lui faire obtenir l'attribution de marchés publics de l'Office et pour avoir monnayé son influence en vue de faire obtenir des marchés et, d'autre part, que l'intéressé n'avait pas souhaité s'expliquer sur cette procédure ; que, par un arrêt du 10 avril 2012, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Fontainebleau du 22 février 2010, en tant qu'il avait reconnu le requérant non coupable des faits de corruption passive et de trafic d'influence et infirmé ce jugement en relaxant l'intéressé du délit de favoritisme ; que, par un jugement du 17 mai 2010 frappé d'appel, le Tribunal de grande instance de Fontainebleau a relaxé M. B des poursuites engagées contre lui relatives à la remise d'une grille des prix des marchés à différents prestataires en l'absence de démonstration de sa culpabilité ;

6. Considérant que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement passé en force de chose jugée s'imposent au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les éléments de procédure ne permettent pas en l'état d'établir que le requérant aurait eu l'intention de favoriser une société par rapport à ses concurrents et de faire échec à la liberté d'accès à la commande publique ; qu'il en est de même pour la fourniture de la grille des prix des marchés à différents prestataires ; que, par suite, il appartient à la juridiction administrative d'apprécier si les faits qui lui sont reprochés sont suffisamment établis, et dans l'affirmative, s'ils constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, la décision attaquée ne détaille pas les faits précis reprochés à M. B ni ne fait état des indices graves et concordants établissant que les agissements de l'intéressé au regard des fonctions de responsabilité qu'il exerçait justifiaient son licenciement ; qu'aucun élément du dossier n'est non plus de nature à établir que, comme le soutient l'Office, le requérant aurait transmis une grille des prix des marchés à différents prestataires ; qu'ainsi, la matérialité des faits que le requérant conteste même s'il n'avait pas formulé d'observations pour sa défense devant l'Office n'est pas établie ; que, par suite, ces faits ne sont pas de nature à justifier le licenciement de M. B ; que ce dernier est fondé à soutenir que la décision du président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne du 10 février 2006 est illégale ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par M. B, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2006 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Considérant, en premier lieu, que s'il ne résulte pas de l'instruction que M. B aurait présenté une demande d'indemnisation préalable auprès de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne, il est constant que ce dernier a lié le contentieux par le mémoire présenté le 14 octobre 2006 devant le Tribunal administratif de Melun en estimant que les conclusions à fin d'indemnisation de M. B devaient être rejetées en raison du bien-fondé des décisions de suspension et de licenciement prises à son encontre ;

9. Considérant, en second lieu, que l'illégalité dont est affectée la décision du 10 février 2006 licenciant M. B lui ouvre droit à la réparation du préjudice qu'il a subi ; que, d'une part, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral résultant du licenciement illégal de M. B en faisant droit à ses conclusions tendant au versement à ce titre d'une somme limitée en appel à 25 euros ; que, d'autre part, si en l'absence de service fait, l'intéressé ne peut prétendre au versement des rémunérations qu'il aurait perçues s'il était resté en fonctions, il a néanmoins droit à une indemnité égale au montant des rémunérations dont il a été illégalement privé, déduction faite des rémunérations éventuellement perçues par lui au titre d'une activité professionnelle exercée pendant la même période et qui ne l'auraient pas été s'il avait conservé son emploi à l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne ; que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité ainsi due ; qu'il y a lieu dès lors de renvoyer M. B devant le président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne pour être procédé à la liquidation de cette indemnité dans la limite de 27 000 euros, somme à laquelle M. B a limité ses conclusions ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que la réintégration de M. B dans ses fonctions de directeur du service technique de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne en qualité d'ingénieur subdivisionnaire découle nécessairement de l'annulation de son licenciement ; qu'il y a lieu pour la Cour, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Office de réintégrer l'intéressé dans l'emploi qu'il occupait avant son licenciement, ou dans un emploi équivalent, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que M. B n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions présentées par l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 10 février 2006 du président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne prononçant le licenciement pour faute de M. B est annulée.

Article 2 : L'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne est condamné à verser à M. B la somme de 25 euros.

Article 3 : M. B est renvoyé devant le président de l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle il a droit sur les bases et dans les limites précisées par le présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint à l'Office public de l'habitat de Montereau-Fault-Yonne de réintégrer M. B dans l'emploi qu'il occupait avant son licenciement ou dans un emploi équivalent dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 23 février 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par l'Office public d'habitation à loyers modérés de Montereau-Fault-Yonne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA02001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA02001
Date de la décision : 06/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme DHIVER
Avocat(s) : SCP RABIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-06;10pa02001 ?
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