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27/11/2012 | FRANCE | N°11PA03294

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 27 novembre 2012, 11PA03294


Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2011, présentée pour M. Lucien C, demeurant ... à Nangis Cedex (77370), M. Jean-Marie C et ses filles Melles Erika Aurélie C et Cindy Vanessa C, demeurant ... à Clos Fontaine (77370), par la SCP Cloix et Mendes-Gil ; les consorts C demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0806253/1 du 13 mai 2011 du Tribunal administratif de Melun en tant que, premièrement, après avoir reconnu l'origine transfusionnelle de la contamination par le virus de l'hépatite C subie par Mme Jeannine C, leur épouse, mère et grand-mère défunte

, il a estimé que cette contamination n'avait entraîné qu'une perte de ...

Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2011, présentée pour M. Lucien C, demeurant ... à Nangis Cedex (77370), M. Jean-Marie C et ses filles Melles Erika Aurélie C et Cindy Vanessa C, demeurant ... à Clos Fontaine (77370), par la SCP Cloix et Mendes-Gil ; les consorts C demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0806253/1 du 13 mai 2011 du Tribunal administratif de Melun en tant que, premièrement, après avoir reconnu l'origine transfusionnelle de la contamination par le virus de l'hépatite C subie par Mme Jeannine C, leur épouse, mère et grand-mère défunte, il a estimé que cette contamination n'avait entraîné qu'une perte de chance d'éviter le décès et a, en conséquence, limité la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au versement, en leur faveur et en leur qualité d'ayants droit, de la somme de 70 000 euros, au versement, en faveur de M. Lucien C, de la somme de 27 968,84 euros, au versement, en faveur de M. Jean-Marie C de la somme de 5 000 euros, au versement, en faveur de Melles Erika et Cindy C de la somme de 3 000 euros chacune, lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2008, en tant que, deuxièmement, il a mis à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 400 euros et en tant que, troisièmement, il a mis à la charge de l'ONIAM le versement en leur faveur à tous de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner l'ONIAM à leur verser, en leur qualité d'ayants droit, la somme totale de 360 275 euros comprenant 10 275 euros au titre de l'atteinte à l'intégrité physique de la défunte, 50 000 euros au titre des souffrances qu'elle a endurées, 150 000 euros au titre de la perte de chance de survie, 150 000 euros au titre de son préjudice spécifique de contamination, à verser à M. Lucien C, son époux, la somme de 180 000 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne, à M. Jean Marie C, son fils, la somme de 30 000 euros et à Melles Erika et Cindy C, ses petites-filles, la somme de 15 000 euros chacune ;

3) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 et notamment son article 67 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Amat, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant qu'au mois d'avril 1997 a été diagnostiquée la contamination de

Mme Jeannine C, née en 1927, par le virus de l'hépatite C ; qu'en avril 1999, cette hépatite C chronique avait évolué en cirrhose asymptomatique ; qu'un examen fibroscopique du 21 avril 1999 a révélé la présence de varices oesophagiennes de stade II justifiant la mise en place d'un traitement par médicaments bétabloquants ; qu'après la mise en évidence, au cours du mois d'octobre 2001, par une échographie abdominale, d'une masse nodulaire limitée, une IRM réalisée le 24 mars 2002 à l'hôpital Saint Antoine a permis de conclure à la présence d'un hépato-carcinome ; qu'à la suite de quatre séances de chimio-embolisation n'ayant pas permis de réduire la tumeur, Mme C a été traitée par Novaldex à partir du mois de février 2003 ; que le 19 février 2004, elle a été hospitalisée en urgence, pour une altération de l'état général, et pour des signes respiratoires liés à sa broncho-pneumopathie obstructive et des oedèmes des membres inférieurs, à l'hôpital de Provins où elle est décédée en service de cardiologie le 7 mars 2004 ; que M. Lucien C, son époux, M. Jean-Marie C, son fils et Mlles Cindy et Erika C, ses petites filles relèvent régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 mai 2011 en tant que les premiers juges n'ont pas fait droit à la totalité de leurs demandes indemnitaires ; que, par la voie d'un recours incident, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne sollicite la réformation du jugement en tant qu'il a limité la condamnation de l'ONIAM au versement de la somme de 21 146,04 euros au titre de ses débours ;

Sur la substitution de l'ONIAM à l'EFS :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du II de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, entré en vigueur à la même date que le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour son application, soit le 1er juin 2010, l'ONIAM est chargé " de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang en application de l'article

L. 1221-14 " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1221-14 issu du I du même article 67 de la loi du 17 décembre 2008 que la responsabilité de l'ONIAM est engagée dans les conditions prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'aux termes du IV du même article 67 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le contentieux qui opposait à la date du 1er juin 2010, d'une part, M. Lucien C, M. Jean-Marie C, Melle Cindy C, Melle Erika C et la caisse d'assurance maladie de Seine-et-Marne et, d'autre part, l'EFS, l'ONIAM, qui a produit postérieurement à cette date un mémoire par lequel il s'approprie les conclusions de l'EFS, est désormais substitué à ce dernier ;

Sur les conclusions de l'appel principal :

En ce qui concerne la fraction du préjudice indemnisable :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté par l'ONIAM, que l'hépatite C dont était atteinte Mme C est imputable aux transfusions sanguines qu'elle a subies, en novembre et décembre 1956, au centre hospitalier Marie Lannelongue, à l'occasion de nombreux pneumo-thorax rendus nécessaires par la tuberculose dont la patiente était atteinte depuis 1950 ; que, toutefois, il résulte également de l'instruction que le décès à 77 ans de l'intéressée, hospitalisée en urgence le 19 février 2004 pour une altération de l'état général, des signes respiratoires liés à sa broncho-pneumopathie obstructive et des oedèmes des membres inférieurs, présentait un caractère multi-causal, l'expert indiquant que la patiente est décédée " des suites d'un syndrome septique associé à une nécrose myocardique et à un hépato-carcinome compliquant une hépatite chronique C " et que " l'hépato-carcinome, qui est devenu très douloureux à partir de 2001 et qui n'a pas régressé malgré quatre séances douloureuses de chimio-embolisation, a contribué, au moins de façon indirecte avec la cirrhose du foie post hépatite C, au décès de Mme C dans un tableau septique compliqué d'une nécrose myocardique en diminuant les défenses immunitaires de l'organisme et en contribuant à son importante altération de l'état général " ; que par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Melun a déterminé la part des dommages indemnisables directement imputables aux conséquences de la contamination transfusionnelle et de ses suites directes, et dans les circonstances ci-dessus rappelées, estimé que cette part devait être fixée à un quart ;

En ce qui concerne le préjudice de Mme C :

5. Considérant, en premier lieu, que si les consorts C soutiennent que Mme C a subi un préjudice spécifique de contamination et demandent une indemnité à ce titre, la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, en elle-même, un préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par l'indemnisation accordée au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme C, âgée de 70 ans à la date de la découverte de son hépatite C chronique a développé une cirrhose du foie asymptomatique puis un hépato-carcinome devenu douloureux en 2001 pour lequel elle a subi sans succès quatre séances de chimio-embolisation ; qu'elle a également présenté des varices oesophagiennes ; qu'elle a subi une incapacité temporaire totale de 30 jours ; que l'expert a fixé son incapacité temporaire partielle à 25% entre avril 1999 et février 2002 et 30 à 35% de février 2002 à février 2003 ; qu'il a par ailleurs évalué les souffrances endurées par Mme D à un degré de 5-6 sur une échelle de 7 ; que Mme C souffrait en outre d'une angoisse liée à l'évolution de sa maladie ; que compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, ses ayants droit ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges n'ont pas fait une juste appréciation de ses préjudices personnels en évaluant les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, les souffrances endurées et son préjudice d'agrément à la somme de 70 000 euros ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si les consorts C demandent une somme de 150 000 euros au titre de la perte de chance de survie de leur épouse, mère et grand-mère, un tel préjudice n'est pas distinct de celui résultant du décès, lequel ne saurait ouvrir droit à réparation dans le chef de la défunte et étant seulement susceptible de générer un préjudice moral indemnisable au profit des survivants ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que si M. C soutient que, de janvier 2003 à mars 2004, son épouse a présenté une grande asthénie et que la gravité de son état de santé nécessitait l'assistance d'une tierce personne, cette nécessité n'est pas attestée par le rapport d'expertise ; qu'en outre M. C ne donne aucune indication précise et circonstanciée sur les soins et le temps que lui-même ou une autre personne aurait consacré à la prise en charge quotidienne de son épouse ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande tendant à l'indemnisation du préjudice lié au recours à l'assistance d'une tierce personne ;

En ce qui concerne le préjudice moral de M. Lucien C, de M. Jean-Marie C et de Melles Cindy et Erika C :

9. Considérant que l'époux et le fils de Mme C soutiennent qu'ils ont subi un préjudice moral lié à l'affection de Mme C par le virus de l'hépatite C et à son décès ; que, toutefois le décès de Mme C n'a pas pour cause exclusive sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'en conséquence, il résulte de ce qui précède que seule une fraction, égale à un quart de leur préjudice moral, présente un caractère indemnisable ; que M. Lucien C et M. Jean Marie C ne sont donc pas fondés à se plaindre de ce que les premiers juges leur aient alloué à ce titre les sommes respectives de 25.000 euros et 5.000 euros qui ne sont d'ailleurs pas contestées en défense ; qu'il en est de même s'agissant de Melles Cindy et Erika C qui ont bénéficié au même titre de la somme de 3.000 euros chacune ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts C ne sont pas fondés à demander à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a partiellement fait droit à leurs demandes indemnitaires ;

Sur les conclusions de l'appel incident :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'état des dépenses produit par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, que celle-ci a exposé pour la prise en charge de l'affection hépatique de Mme C la somme de 2 378,33 euros au titre de frais médicaux et pharmaceutiques et la somme de 16 250,14 au titre des hospitalisations de Mme C du 21 mars au 22 mars 2002, du 25 mars 2002 au 29 mars 2002, du 4 avril 2002 au 8 avril 2002, du 6 juin au 10 juin 2002, du 4 septembre au 10 septembre 2002 et du 23 janvier au 28 janvier 2003 ; que si la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne établit par ailleurs des frais d'hospitalisation au centre hospitalier de Provins du 19 février 2004 au 7 mars 2004 d'un montant de 10 070,28 euros, il résulte toutefois de l'instruction, et ainsi qu'il a été dit précédemment, que ni l'hospitalisation en urgence Mme C ni son décès n'ont pour cause exclusive son affection liée à l'hépatite C ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Melun a déterminé la part des dommages indemnisables directement imputables aux conséquences de la contamination transfusionnelle et de ses suites directes, et dans les circonstances ci-dessus rappelées, limité la réparation à un quart des frais d'hospitalisation exposés du 19 février 2004 au 7 mars 2004 ;

Sur les conclusions tendant au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion visée à l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que l'ONIAM n'ayant pas la qualité de partie perdante en la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à sa charge les sommes que les consorts C et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne demandent au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ; qu'il en est de même de l'indemnité forfaitaire de gestion de 997 euros visée à l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale et réclamée par ladite CPAM ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts C et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne sont rejetées ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11PA03294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03294
Date de la décision : 27/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : SCP CLOIX et MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-27;11pa03294 ?
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