La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2012 | FRANCE | N°11PA04328

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 12 novembre 2012, 11PA04328


Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 2011, présentée pour M. Essaid B, demeurant chez M. Nabil ... à Paris (75011), par Me Namigohar ; M. C demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1114719 du 30 août 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 25 août 2011 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire, d'autre p

art, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de...

Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 2011, présentée pour M. Essaid B, demeurant chez M. Nabil ... à Paris (75011), par Me Namigohar ; M. C demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1114719 du 30 août 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 25 août 2011 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative dans un délai de quinze jours, enfin, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de prescrire au préfet de police de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en dernier lieu par l'avenant du 11 juillet 2001 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2012 :

- le rapport de M. Sorin, rapporteur ;

1. Considérant que M. B, de nationalité algérienne, né en 1974, arrivé en France le 7 septembre 2001, puis reparti en Algérie en 2008 en exécution d'un arrêté de reconduite à la frontière, est revenu en France en juillet 2011 ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté du 25 août 2011 du préfet de police portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination de sa reconduite, sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1-I-1° et L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. B relève régulièrement appel du jugement du 30 août 2011 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. (...) L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise " ;

3. Considérant que si M. B soutient que les dispositions précitées ont été méconnues par les juges de première instance qui ont cru pouvoir statuer sur sa demande alors que le préfet de police n'avait pas communiqué à l'instance les pièces qui lui ont permis de prendre l'ensemble des décisions contestées, ce qui l'a privé de la possibilité de préparer utilement sa défense, ce en méconnaissance de son droit à un procès équitable, il n'apporte aucun élément sur l'existence, la nature ni le nombre des pièces dont le préfet aurait refusé la communication dans le cadre de la procédure de première instance ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable, qui n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2011-00412 du 8 juin 2011, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 14 juin 2011, le préfet de police a donné à M. D délégation pour signer toutes mesures d'éloignement en cas d'empêchement du chef de bureau ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en droit ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision vise l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle indique que M. B ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il est actuellement dépourvu de titre de séjour en cours de validité ; qu'ainsi, la décision litigieuse comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ; 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. B, a séjourné en France de 2001 à 2008, il a été reconduit en Algérie d'où il est revenu en 2011 ; qu'il est célibataire et sans charge de famille et ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans ; que, par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, quand bien même il serait hébergé par son cousin et soutenu par son frère et sa belle-soeur, il n'établit pas que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; que pour le même motif, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation en France du requérant ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2011-00412 du 8 juin 2011, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 14 juin 2011, le préfet de police a donné à M. D délégation pour signer toutes mesures d'éloignement en cas d'empêchement du chef de bureau ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en droit ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la décision mentionne que M. B entre dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, d'une part, qu'elle indique qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour, et, d'autre part, qu'elle précise qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut justifier être en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus d'un délai de départ volontaire doit être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de l'exception

d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions de M. B dirigées contre la décision portant refus d'un délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté par voie de conséquence ;

11. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 511-1 II dispose : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 7) "risque de fuite": le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) " ;

12. Considérant que le législateur a déterminé six cas, dont les deux énoncés ci-dessus au 3° du II de l'article L. 511-1 précité, dans lesquels le risque de fuite doit être regardé comme établi, sauf circonstance particulière ; que si M. B soutient que ces critères sont manifestement contraires à l'objectif de proportionnalité, en ce qu'ils permettent de systématiser les refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, les six cas énoncés reposent cependant sur des critères objectifs permettant de penser qu'un étranger faisant l'objet d'une procédure de retour serait susceptible de prendre la fuite ; que l'application de ces critères n'exclut pas que soit portée par l'autorité administrative compétente une appréciation particulière sur chaque situation individuelle ; que les dispositions précitées de la directive ne s'opposent pas à ce que les Etats membres prévoient que le risque de fuite soit regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas où l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et où celui-ci ne présente pas des garanties de représentation suffisantes ;

13. Considérant qu'en l'espèce, si M. B fait valoir qu'il a une adresse stable et certaine et qu'il est hébergé par sa famille présente régulièrement sur le territoire français, il n'établit pas être entré régulièrement en France, avoir sollicité un titre de séjour, ni présenter des garanties suffisantes de représentation dans la mesure où il n'est pas en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; que, par suite, le préfet de police a pu, sans erreur de droit ou d'appréciation, refuser à l'intéressé le bénéfice d'un délai de départ volontaire ;

14. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que précédemment, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

15. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2011-00412 du 8 juin 2011, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 14 juin 2011, le préfet de police a donné à M. D délégation pour signer toutes mesures d'éloignement en cas d'empêchement du chef de bureau ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en droit ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions de M. B dirigées contre la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté par voie de conséquence ;

17. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé ; qu'il doit, par suite, être écarté ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées par voie de conséquence ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

N° 11PA04328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04328
Date de la décision : 12/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-12;11pa04328 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award