La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2012 | FRANCE | N°11PA02000

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 12 novembre 2012, 11PA02000


Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2011, présentée pour Mme Florence , épouse demeurant ... à Paris (75017), par Me Mikowski ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105237/8 du 22 mars 2011 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

16 mars 2011 par lequel le préfet du Val-de-Marne a, d'une part, décidé sa reconduite à la frontière, d'autre part, a fixé le pays de destination de sa reconduite et enfin, l'a placée en rétention administrative ;

2°)

d'annuler l'arrêté préfectoral précité du 16 mars 2011 ;

3°) d'enjoindre audit préfet de ...

Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2011, présentée pour Mme Florence , épouse demeurant ... à Paris (75017), par Me Mikowski ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105237/8 du 22 mars 2011 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

16 mars 2011 par lequel le préfet du Val-de-Marne a, d'une part, décidé sa reconduite à la frontière, d'autre part, a fixé le pays de destination de sa reconduite et enfin, l'a placée en rétention administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral précité du 16 mars 2011 ;

3°) d'enjoindre audit préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de la décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du

16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2012 :

- le rapport de M. Sorin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme , née en 1965, de nationalité camerounaise, est entrée en France le 8 avril 2004 sous couvert d'un visa Schengen ; qu'elle a obtenu une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade valable du 3 mars 2005 au 31 décembre 2005 régulièrement renouvelée jusqu'au 30 juin 2008 ; que, par une décision en date du 12 février 2009, le préfet de police a refusé le renouvellement de cette carte de séjour et a obligé l'intéressée à quitter le territoire national dans un délai d'un mois ; que, si par un jugement du 2 juin 2009, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement le 12 février 2010 et rejeté la demande de Mme ; que, s'étant maintenue sur le territoire national malgré l'obligation qui lui avait été faite de le quitter, la requérante a été convoquée au commissariat de l'Hay-les-Roses à la suite d'une plainte pour abus de confiance déposée par le fils de l'une des personnes chez qui elle travaille en tant qu'auxiliaire de vie ; que, n'étant pas en mesure de justifier de la régularité de son séjour sur le territoire national, elle a fait l'objet, le 16 mars 2011, d'un arrêté du préfet du Val-de-Marne décidant sa reconduite à la frontière, fixant le pays de destination de celle-ci et la plaçant en rétention administrative ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement du 22 mars 2011 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 16 mars 2011 de reconduite à la frontière :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant que la décision litigieuse énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée, nonobstant la circonstance que la date précise d'entrée sur le territoire national de l'intéressée ne soit pas mentionnée malgré le visa apposé sur son passeport établissant son caractère certain ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas pris en compte l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de Mme préalablement à l'édiction de l'arrêté litigieux ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier des circonstances de l'espèce doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indique l'arrêté litigieux, Mme a été titulaire d'une carte de séjour délivrée sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 3 mars 2005 et régulièrement renouvelée jusqu'au 30 juin 2008 ; qu'elle ne s'est, dès lors, pas maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans qu'un premier titre de séjour ne lui soit délivré ; que, par suite, la décision de reconduite de l'intéressée à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

7. Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de Mme , trouve son fondement légal dans les dispositions du 3° du II du même article L. 511-1 qui peuvent être substituées à celles du 2° du même II dès lors, en premier lieu, qu'ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise depuis au moins un an et exécutoire à compter de la notification de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 février 2010, le 26 février 2010, date de la signature de l'accusé de réception de cette notification, Mme se trouvait dans la situation où, en application du 3° du II de l'article L. 511-1, le préfet pouvait décider qu'elle serait reconduite à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée, relatif au " départ volontaire " : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive, intitulé

" éloignement " : " 1. Les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un Etat membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les Etats membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 12 de la même directive : " 1. Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. (...) " ; que le délai imparti aux Etats membres pour transposer cette directive expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010 ;

10. Considérant qu'il résulte clairement de l'article 7 de la directive du

16 décembre 2008 qu'une décision de retour doit indiquer le délai, approprié à chaque situation, dont dispose le ressortissant d'un pays tiers pour quitter volontairement le territoire national, sans que ce délai puisse être inférieur à sept jours, sauf dans les cas prévus au paragraphe 4 du même article, ni être supérieur à trente jours, à moins que des circonstances propres à la situation de l'étranger ne rendent nécessaire une prolongation de ce délai, comme le prévoit

le paragraphe 2 du même article ; que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise, dans le cas prévu au 3° du II, à la condition que l'obligation initiale de quitter le territoire ait été prise conformément aux exigences de forme et de fond prévues par les dispositions

des articles 7 et 12 de la directive ;

11. Considérant, en l'espèce, que l'arrêté du 12 février 2009 obligeant Mme à quitter le territoire, lui impartissait pour ce faire un délai d'un mois, à compter de sa notification, dans le respect des dispositions de l'article 7 de la directive n° 2008/115 précitées ; qu'ainsi qu'il a été dit, cet arrêté est devenu exécutoire le 12 février 2010, à la suite de la notification à Mme de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris annulant le jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 juin 2009 et rejetant sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté du 12 février 2009 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la directive n° 2008/115 précitées ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ; 2° Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

13. Considérant, d'une part, que Mme a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire confirmée par la Cour administrative d'appel de Paris à laquelle elle n'a pas déféré ; que, d'autre part, elle est célibataire et sans charge de famille en France ; que ses enfants mineurs et ses frères et soeurs résident au Cameroun ; que, dès lors, nonobstant sa présence sur le territoire français depuis l'année 2004 et l'exercice, au demeurant irrégulier, d'une activité professionnelle, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 16 mars 2011 ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'est donc pas contraire aux dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 22 mars 2011, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2011 par lequel le préfet du Val-de-Marne a décidé de la reconduire à la frontière ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de la requérante présentées au titre des articles L. 911-1 à L. 911-3 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme est rejetée.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

N° 11PA02000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02000
Date de la décision : 12/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : MIKOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-12;11pa02000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award