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12/11/2012 | FRANCE | N°09PA05047

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 12 novembre 2012, 09PA05047


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2009, présentée pour la société Beuralia, dont le siège est 13 bis rue de l'Aubrac à Paris (75012), par Me Plottin ; la société Beuralia demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0619042/7-1 du 25 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des dix décisions des

14 et 15 juin 2004, par lesquelles le directeur de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT), a demandé à la société Sodiaal Industrie, aux droits de laquelle vien

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Vu la requête, enregistrée le 10 août 2009, présentée pour la société Beuralia, dont le siège est 13 bis rue de l'Aubrac à Paris (75012), par Me Plottin ; la société Beuralia demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0619042/7-1 du 25 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des dix décisions des

14 et 15 juin 2004, par lesquelles le directeur de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT), a demandé à la société Sodiaal Industrie, aux droits de laquelle vient la société Beuralia, de lui verser la somme totale de 18 253, 38 euros, correspondant au montant des garanties de transformation constituées par cette société ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP), venant aux droits de l'ONILAIT une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 2220/85 de la Commission du 22 juillet 1985 ;

Vu le règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

Vu le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000- 321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Bailly, rapporteur,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de Me Corazza, pour FranceAgriMer ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Sodiaal Industrie, aux droits de laquelle intervient la société Beuralia, a participé au cours des années 1998 à 2000 à diverses procédures d'adjudications particulières organisées par l'ONILAIT en vue de l'octroi de l'aide communautaire, dite au " beurre pâtissier ", pour la fabrication de beurre tracé destiné à être incorporé dans des produits de pâtisserie, glaces et autres produits alimentaires dans les conditions fixées par le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 ; que pour garantir son engagement d'incorporer le beurre tracé ou de le faire incorporer dans les produits finaux énumérés par ce règlement, la société a constitué des garanties de transformation, en contrepartie desquelles elle a bénéficié du versement par avance de l'aide communautaire ; que par dix décisions des 14 et 15 juin 2004, l'ONILAIT, a cependant émis à l'encontre de

la société Sodiaal Industrie des ordres de reversement totalisant la somme de 18 253, 38 euros, correspondant au montant desdites garanties, au motif qu'un contrôle de l'activité de

la société Raynal et Roquelaure, cliente de la société Sodiaal Industrie, avait permis d'établir qu'une partie du beurre concentré tracé aidé avait été incorporée dans des produits finaux non éligibles au regard du règlement n° 2571/97 ; que la société Beuralia, venant aux droits de

la société Sodiaal Industrie, relève régulièrement appel du jugement du 25 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation desdites décisions ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 3 juillet 1985 De Jong Verenigde (C-20/84) et dans son arrêt du 5 décembre 1985 Corman (C-124/83), il résulte des dispositions du règlement n° 232/75 de

la Commission du 30 janvier 1975 relatif à la vente à prix réduit de beurre destiné à la fabrication de produits de pâtisserie et de glaces alimentaires, qui ont été reprises par les dispositions du règlement n° 2571/97 applicables à la présente espèce, que la garantie de transformation que l'adjudicataire doit constituer pour chaque quantité de beurre pour laquelle il bénéficie de l'aide communautaire a pour objet d'assurer que le beurre, écoulé dans des conditions particulièrement favorables, sera effectivement incorporé dans des produits finaux éligibles et ne sera pas détourné de cette destination ; que cette garantie de transformation, qui n'est susceptible d'être libérée, sauf cas de force majeure, que lorsque la preuve de l'incorporation du beurre dans les produits finaux éligibles a été apportée dans le délai prescrit, n'est que la garantie d'exécution d'un engagement volontairement assumé par l'adjudicataire et ne saurait être regardée comme une sanction ; que l'adjudicataire, qui ne peut transmettre les droits et obligations découlant de l'adjudication, répond du comportement des acheteurs auxquels il cède le beurre ; qu'il est ainsi tenu de prévoir, dans chaque contrat de vente, l'obligation d'incorporation du beurre aidé dans les produits finaux ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du règlement 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des

Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans. / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. (...). / 3. Les États membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2. " ; qu'en vertu de l'article 4 de ce règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, / - par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance. (...) " ; qu'enfin aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) " ;

En ce qui concerne la procédure contradictoire et la motivation :

4. Considérant, en premier lieu, que l'absence d'incorporation par la société Raynal et Roquelaure d'une partie du beurre concentré tracé, acquis auprès de la société Sodiaal Industrie devenue Beuralia, dans des produits éligibles au regard du règlement 2571/97, pour lesquels ce beurre avait été fabriqué et vendu, après perception d'une aide en vue de cette incorporation, s'analyse comme une violation des articles 11, 12 et 18 du règlement CE 2571/97 de

la Commission du 15 décembre 1997 ; que cette violation a eu pour effet de provoquer une " dépense indue ", au sens du 2. de l'article 1er du règlement 2988/95, dans le budget de

la Communauté dans la mesure où elle a permis la libération de la garantie de transformation alors que les exigences principales concernant l'incorporation des produits finaux n'étaient pas respectées ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que lorsque l'autorité administrative exige le versement d'une somme correspondant au montant des garanties de transformation constituées par l'adjudicataire de l'aide prévue par le règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du

15 décembre 1997, en fondant sa demande sur la circonstance qu'un contrôle réalisé auprès de l'utilisateur final a permis d'établir que du beurre concentré tracé aidé n'a pas été incorporé dans des produits finaux éligibles au dispositif communautaire d'aide, contrairement à l'engagement souscrit par l'adjudicataire et aux déclarations adressées à l'ONILAIT par l'utilisateur final, cette décision, qui conduit à remettre en cause les éléments déclarés par celui-ci, ne peut être prise sans mise en oeuvre d'une procédure contradictoire à son égard ; que tel a bien été le cas en l'espèce, ce que ne conteste d'ailleurs pas la société requérante ;

6. Considérant, en revanche, qu'alors même que l'adjudicataire est seul responsable de la destination finale du beurre vis-à-vis de l'organisme d'intervention, il ne peut utilement invoquer à son égard la méconnaissance du principe général des droits de la défense dès lors que son client, chargé contractuellement d'incorporer le beurre aidé dans les produits finaux et d'en justifier auprès de l'autorité compétente, est seul en mesure de disposer des éléments permettant aux agents de contrôle de procéder aux vérifications nécessaires ; que la société Beuralia n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, le Tribunal administratif de Paris a écarté le moyen tiré de l'absence, à son égard, de procédure contradictoire ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'ordre de reversement correspondant au montant des garanties de transformation constituées par la société adjudicataire ne constitue pas une sanction mais une simple mesure d'application de la réglementation communautaire ; qu'il n'est, dès lors, pas au nombre des décisions devant être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'ainsi que l'a jugé, à bon droit, le Tribunal administratif de Paris, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette ; qu'en l'espèce, l'ONILAIT a satisfait à cette obligation dès lors que les titres exécutoires contestés mentionnent le règlement applicable, les numéros des offres et des déclarations de fabrication, le nom de l'opérateur concerné, les numéros des factures, la quantité concernée, le taux de la garantie ainsi que son montant et le motif du recouvrement ; que la société Beuralia n'est par suite pas fondée à soutenir que les décisions contestées seraient irrégulières du fait de leur insuffisante motivation ;

En ce qui concerne la prescription des poursuites :

8. Considérant, en premier lieu, que, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de

l'Union européenne dans son arrêt du 5 mai 2011 Ze Fu Fleischhandel GmbH et Vion Trading GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas (affaires jointes C-201/10 et C-202/10) en matière de restitutions à l'exportation, si les Etats membres ont la possibilité, en application de

l'article 3, paragraphe 3, du règlement 2988/95 précité, de fixer un délai de prescription plus long que le délai communautaire de quatre ans, le principe de proportionnalité s'oppose à une prescription d'une durée de trente ans s'agissant des procédures relatives aux remboursements de fonds indûment perçus ; que, dans le même arrêt, la Cour a dit pour droit que le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'un délai de prescription " plus long " au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement 2988/95 puisse résulter d'un délai de prescription de droit commun trentenaire réduit par la voie jurisprudentielle pour que ce dernier satisfasse dans son application au principe de proportionnalité ; que dans ces conditions, à défaut d'une réglementation nationale spécifique légalement applicable aux faits de la cause et prévoyant un délai de prescription plus long, l'article 3, paragraphe 1, du règlement 2988/95, qui prévoit un délai de prescription de quatre ans et demeure directement applicable dans les Etats membres, a vocation à s'appliquer aux actions des organismes d'intervention agricole lorsqu'ils appréhendent une garantie en cas de non-respect de ses obligations par un opérateur économique ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de

l'Union européenne dans son arrêt du 11 janvier 2007 Vonk Dairy Products BV / Productschap Zuivel (Affaire C-279/05), une irrégularité est continue ou répétée lorsqu'elle est commise par un opérateur communautaire qui tire des avantages économiques d'un ensemble d'opérations similaires qui enfreignent la même disposition du droit communautaire ; que le fait que l'irrégularité porte sur une part relativement faible de l'ensemble des opérations réalisées dans une période déterminée et que les opérations pour lesquelles l'irrégularité est constatée concernent toujours des lots différents est sans incidence à cet égard ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ses déclarations,

la société Raynal et Roquelaure n'a pas incorporé dans des produits finaux éligibles une partie du beurre subventionné, relevant de vingt offres et vingt déclarations de fabrication différentes ; que ces irrégularités, qui se sont poursuivies entre le 1er juin 1998 et au moins le 27 juin 2000, doivent ainsi être regardées comme répétées au sens des dispositions communautaires précitées ; que le contrôle diligenté le 25 octobre 2000 a permis d'établir que le beurre qui devait être incorporé au plus tard le 27 juin 2000 n'a pas non plus été incorporé dans un produit final éligible ; que, par suite, la prescription de quatre ans n'était pas acquise lorsque l'Office a notifié à la société les décisions litigieuses des 14 et 15 juin 2004 au plus tard les 16 et 17 juin suivants, dates de ses recours gracieux ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Beuralia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 14 et 15 juin 2004 lui réclamant le versement de la somme totale de 18 253, 38 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Beuralia et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de

la société Beuralia une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Beuralia est rejetée.

Article 2 : La société Beuralia versera à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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N° 09PA05047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA05047
Date de la décision : 12/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: Mme Pascale BAILLY
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-12;09pa05047 ?
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