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09/11/2012 | FRANCE | N°11PA04616

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 09 novembre 2012, 11PA04616


Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2011, présentée pour M. Khemais B, demeurant au ..., par Me Barkat ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1100319/5 du 17 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 27 septembre 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfe

t de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée...

Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2011, présentée pour M. Khemais B, demeurant au ..., par Me Barkat ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1100319/5 du 17 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 27 septembre 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2012 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur,

- et les observations de Me Barkat, avocat de M. B ;

1. Considérant que M. B, de nationalité tunisienne, a sollicité le 5 mars 2010 un titre de séjour sur le fondement des stipulations des articles 7 ter et 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ; que, par arrêté en date du 27 septembre 2010, le préfet de Seine-et-Marne a opposé un refus à cette demande et a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration du délai d'un mois ; que M. B relève appel du jugement du

17 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si M. B soutient que le tribunal a commis un " manquement à son devoir d'appréciation des preuves " ainsi qu'une " erreur manifeste d'appréciation " et s'il soutient également que " en validant une interprétation qui ajoute manifestement au texte une condition qui n'y est exprimée ni expressément ni tacitement, le premier juge a privé sa décision de base légale ", ces critiques du bien-fondé du jugement attaqué sont en tout état de cause sans incidence sur sa régularité ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans " ; qu'il résulte de ces stipulations que les ressortissants tunisiens ne justifiant pas d'une présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, ne sont pas admissibles au bénéfice de l'article 7 ter d) de l'accord franco tunisien ;

4. Considérant que M. B déclare n'être entré en France qu'au cours de l'année 2000 ; qu'il ne justifie donc pas d'une résidence habituelle de plus de dix ans sur le territoire français à compter du 1er juillet 1999 ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner si le requérant justifie qu'il résidait habituellement en France au cours des années 2000 à 2002, le moyen tiré par celui-ci de la méconnaissance des stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien modifié doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé: " (...) les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" "; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ";

6. Considérant, tout d'abord, qu'en examinant la situation de M. B au regard des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et en relevant que l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations eu égard à la circonstance que sa concubine, mère de ses deux enfants nés en 2006 et 2007, se maintenait également en situation irrégulière en France et que rien ne s'opposait à ce que M. B reconstitue sa cellule familiale dans son pays d'origine, le préfet de Seine-et-Marne a nécessairement examiné la situation du requérant au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet pouvait, sans commettre d'erreur de droit, prendre en compte la situation administrative de la concubine de M. B au regard des dispositions en matière de séjour des étrangers pour apprécier l'atteinte portée aux liens familiaux de l'intéressé en France ;

7. Considérant, ensuite, que le requérant soutient que, en retenant que sa famille pouvait se reconstituer sur le territoire tunisien " le préfet a incontestablement commis une erreur de fait fondée sur l'absence de prise en compte de la différence de nationalité " ; que, toutefois, si le requérant fait valoir à l'appui de ce moyen que sa cellule familiale ne peut se reconstituer ni en Tunisie, ni en Algérie, pays où le concubinage n'est pas reconnu, et s'il indique que sa compagne ne pourra donc se prévaloir d'aucune vie familiale pour justifier sa demande de titre de séjour en Tunisie, il n'établit pas que Mme C ne serait pas admissible en Tunisie alors qu'elle est la mère des enfants d'un ressortissant tunisien ;

8. Considérant, enfin, que M. B fait valoir qu'il réside en France depuis 2000, qu'il vit en concubinage depuis 2005 avec Mme C, ressortissante algérienne avec laquelle il a deux enfants, nés en France en 2006 et 2007 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la résidence habituelle et continue en France de l'intéressé n'est pas établie depuis l'année 2000 ainsi qu'il l'allègue ; qu'en effet, il ne présente aucune pièce au titre de l'année 2002 et ne produit qu'un certificat prénuptial pour l'année 2000 ainsi qu'une ordonnance médicale au titre de l'année 2001 ; qu'il est par ailleurs constant que la compagne de l'intéressé est également en situation irrégulière sur le territoire français ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce et en l'absence d'obstacle avéré qui mettrait les intéressés dans l'impossibilité de poursuivre leur vie familiale hors de France avec leurs enfants, l'arrêté du 27 septembre 2010 attaqué n'a pas porté au droit de M. B au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant que, comme il a été dit précédemment, M. B n'établit pas que sa vie familiale ne pourrait pas être poursuivie dans son pays d'origine ou dans celui de sa compagne ; qu'ainsi, et eu égard à la circonstance que les enfants du couple étaient âgés de 3 et 4 ans à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été pris en compte par cet arrêté ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relatives aux droits de l'enfant susvisée doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

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N° 11PA04616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04616
Date de la décision : 09/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : BARKAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-09;11pa04616 ?
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