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06/11/2012 | FRANCE | N°10PA03739

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 06 novembre 2012, 10PA03739


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2010, présentée pour M. Stéphane B, demeurant ...), par Me Scemama ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0719147-0805852/6-2 en date du 25 juin 2010, en tant que par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à l'annulation des décisions de retraits de points du capital affecté à son permis de conduire consécutives aux infractions commises les 15 août 2006 et 16 septembre 2007 ;

2°) d'annuler les décisions susme

ntionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros, en a...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2010, présentée pour M. Stéphane B, demeurant ...), par Me Scemama ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0719147-0805852/6-2 en date du 25 juin 2010, en tant que par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à l'annulation des décisions de retraits de points du capital affecté à son permis de conduire consécutives aux infractions commises les 15 août 2006 et 16 septembre 2007 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2012 :

- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B fait appel du jugement en date du 25 juin 2010, en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à l'annulation des décisions de retraits de respectivement de trois et trois points du capital affecté à son permis de conduire consécutives aux infractions commises les 15 août 2006 et 16 septembre 2007 ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre :

2. Considérant qu'à supposer qu'en faisant état d'une reconstitution totale à 12 points du capital du permis de conduire de M. B, le ministre ait entendu présenter des conclusions subsidiaires à fin de non-lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du relevé d'information intégral en date du 24 novembre 2010 produit par le ministre que cette réaffectation de 12 points résulte seulement de l'application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route à l'issue du délai prévu par ces dispositions et que les retraits de points contestés figurent encore au relevé d'information intégral de l'intéressé ; que, dès lors, à défaut pour le ministre d'établir qu'il a effectivement procédé au retrait des décisions contestées, lesdites conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité du jugement :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; que le respect de ces dispositions impose aux juridictions de communiquer de leur propre initiative à la partie adverse les pièces que produit l'une d'entre elles et qui sont de nature à influer sur le sens de leur décision ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pas pu préjudicier aux droits des parties ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, à la suite d'une mesure d'instruction, le ministre de l'intérieur a produit devant le tribunal administratif le relevé d'information intégral relatif à la situation du permis de conduire de M. B ; que le premier juge, pour écarter les moyens soulevés par le demandeur, s'est référé expressément à titre d'élément de preuve aux mentions de ce document faisant état du paiement de l'amende forfaitaire en ce qui concerne l'infraction commise le 15 août 2006 et de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée en date du 13 novembre 2007 en ce qui concerne l'infraction commise le 16 septembre 2007, alors que ce document n'avait pas été communiqué à l'intéressé ; qu'en se fondant ainsi, pour écarter ces moyens, sur un document dont le demandeur n'avait pas eu connaissance, le premier juge a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ; que, dès lors, le requérant est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué, en tant que, par ce jugement, le premier juge a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions de retraits de points susvisées ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions des demandes présentées par M. B devant le Tribunal administratif de Paris dirigées contre les décisions de retraits de points relatives aux infractions commises les 15 août 2006 et 16 septembre 2007 ;

Sur la légalité de la décision de retrait de trois points relative à l'infraction du 15 août 2006 :

Sur le moyen tiré du défaut de notification du retrait de points :

6. Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévues par les dispositions précitées, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité de ces retraits ; que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que le ministre de l'intérieur ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que les notifications des retraits successifs, effectuées par lettre simple, ont bien été reçues par leur destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis de conduire a perdu sa validité, dès lors, que, comme en l'espèce, dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur qui demeure recevable à exciper de l'illégalité de chacun de ces retraits ; que, dès lors, la circonstance, à la supposer établie, que le retrait de points opéré à la suite de l'infraction commise le 15 août 2006 n'aurait pas été notifié à M. B est sans incidence sur sa légalité ;

Sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de retrait de points :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; - infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 223-3 du code de la route : " (...) Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif " ; qu'aux termes de l'article R. 223-3 du même code : " (... ) III. Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction (...) " ;

8. Considérant que l'article L. 225-1 du code de la route fixe la liste des informations qui, sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, sont enregistrées au sein du système national des permis de conduire ; que sont notamment mentionnés au 5° de cet article les procès-verbaux des infractions entraînant retrait de points et ayant donné lieu au paiement d'une amende forfaitaire en vertu de l'article 529 du code de procédure pénale ou à l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée prévu à l'article 529-2 du code de procédure pénale ; qu'en vertu de l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°) du code de la route, les informations mentionnées au 6° de l'article L. 30, devenu le 5° de l'article L. 225-1 du code de la route sont communiquées par l'officier du ministère public par support ou liaison informatique ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il procède au retrait de points prévu par l'article R. 223-3 précité du code de la route, le ministre de l'intérieur se trouve en situation de compétence liée, sans que cela fasse obstacle à ce que l'intéressé puisse contester devant le juge administratif la légalité de la décision de retrait de points ; que, dès lors, en tout état de cause, M. B ne peut utilement soutenir que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur lui a retiré trois points à la suite de l'infraction commise le 15 août 2006 ne serait pas motivée ;

Sur le moyen contestant la réalité de l'infraction :

10. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-1 et L. 225-1 du code de la route, combinées avec celles des articles 529 et suivants du code de procédure pénale et du premier alinéa de l'article 530 du même code, que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à estimer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 de ce code dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, sauf si l'intéressé justifie avoir présenté une requête en exonération dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention ou avoir formé, dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale, une réclamation ayant entraîné l'annulation du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ;

11. Considérant qu'il ressort du relevé d'information intégral susmentionné, dont les informations sont issues du système national des permis de conduire, que M. B a fait l'objet pour l'infraction relevée à son encontre le 15 août 2006 d'une amende forfaitaire devenue définitive ce même jour ; que, d'une part, le requérant n'avance aucun élément de nature à mettre en doute l'exactitude de ces mentions ; que, d'autre part, il ne justifie pas avoir présenté, dans les conditions ci-dessus rappelées, aucune requête tendant à son exonération ; que, dans ces conditions, la réalité de cette infraction doit être regardée comme établie ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande dirigées contre la décision de retrait de trois points du capital affecté au permis de conduire de M. B à la suite de l'infraction commise le 15 août 2006 ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la légalité de la décision de retrait de trois points relative à l'infraction du 16 septembre 2007 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) / Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. / La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive " ; qu'il résulte des articles 529, 529-1, 529-2 et du premier alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale que, pour les infractions des quatre premières classes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, le contrevenant peut, dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention, soit acquitter une amende forfaitaire et éteindre ainsi l'action publique, soit présenter une requête en exonération ; que s'il s'abstient tant de payer l'amende forfaitaire que de présenter une requête, l'amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée au profit du Trésor public en vertu d'un titre rendu exécutoire par le ministère public, lequel est exécuté suivant les règles prévues pour l'exécution des jugements de police ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 530 du même code : " Dans les trente jours de l'envoi de l'avis invitant le contrevenant à payer l'amende forfaitaire majorée, l'intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée. Cette réclamation reste recevable tant que la peine n'est pas prescrite, s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution ou de tout autre moyen de preuve que l'intéressé a eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée. S'il s'agit d'une contravention au code de la route, la réclamation n'est toutefois plus recevable à l'issue d'un délai de trois mois lorsque l'avis d'amende forfaitaire majorée est envoyé par lettre recommandée à l'adresse figurant sur le certificat d'immatriculation du véhicule, sauf si le contrevenant justifie qu'il a, avant l'expiration de ce délai, déclaré son changement d'adresse au service d'immatriculation des véhicules (...) " ; qu'il résulte tant des dispositions des articles précités du code de procédure pénale que de celles de l'article L. 223-1 du code de la route, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 10 juillet 1989 dont elles sont issues, qu'en l'absence d'une réclamation formée dans le délai légal, l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée doit, pour l'application de ce dernier article, être assimilée à une condamnation définitive établissant la réalité de l'infraction et entraînant de plein droit le retrait de points du permis de conduire ;

14. Considérant que, si le ministre a fait valoir devant les premiers juges que la réalité de l'infraction en cause devait être regardée comme établie en raison de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, il ressort, toutefois, des pièces du dossier et il n'est pas contesté que, par lettre en date du 17 septembre 2007, M. B a contesté cette infraction ; que, par lettre en date du 21 décembre 2007, l'intéressé a également contesté auprès du ministère public l'avis du 6 décembre 2007 l'invitant à payer l'amende forfaitaire majorée ; qu'à la suite de cette réclamation, par lettre en date du 20 octobre 2008, le comptable du Trésor de la trésorerie de Chartres a signifié à l'intéressé que l'officier du ministère public de Dreux a procédé à l'annulation du titre exécutoire de l'amende en cause ; que, dès lors, la réalité de l'infraction reprochée à l'intéressé ne pouvait être tenue pour établie et le ministre, sur ce fondement, ne pouvait maintenir le retrait de trois points du capital du permis de conduire de l'intéressé ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B est seulement fondé à demander l'annulation de la décision portant retrait de trois points sur son capital du permis de conduire à la suite de l'infraction commise le 16 septembre 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par M. B et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé en date du 14 octobre 2009, en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions des demandes de M. B tendant à l'annulation des décisions de retrait de points du capital affecté à son permis conduire à la suite des infractions commises les 15 août 2006 et 16 septembre 2007, est annulé.

Article 2 : La décision portant retrait de trois points du capital du permis de conduire de M. B à la suite de l'infraction commise le 16 septembre 2007 est annulée.

Article 3 : L'État versera à M. B la somme de 1 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision de retrait de trois points à la suite de l'infraction commise le 15 août 2006 sont rejetés.

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N° 10PA03739


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03739
Date de la décision : 06/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SCEMAMA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-06;10pa03739 ?
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