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22/10/2012 | FRANCE | N°11PA00729

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 octobre 2012, 11PA00729


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février 2011 et 23 mai 2011, présentés pour M. B, demeurant ..., par la Selarl d'avocats Louzier Fauche Cauchois ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600022 du 25 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à ce que le Centre hospitalier territorial de Nouméa soit condamné à lui verser la somme de 100 millions de francs CFP en réparation des préjudices résultant pour lui du retard affectant la prise en charge de la grave

maladie à évolution rapide dont il était atteint à son arrivée dans cet ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février 2011 et 23 mai 2011, présentés pour M. B, demeurant ..., par la Selarl d'avocats Louzier Fauche Cauchois ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600022 du 25 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à ce que le Centre hospitalier territorial de Nouméa soit condamné à lui verser la somme de 100 millions de francs CFP en réparation des préjudices résultant pour lui du retard affectant la prise en charge de la grave maladie à évolution rapide dont il était atteint à son arrivée dans cet hôpital le 31 décembre 1999 et à ce que soit mise à la charge du Centre hospitalier territorial de Nouméa la somme de 250 000 FCFP ;

2°) de condamner le Centre hospitalier territorial de Nouméa à lui verser la somme de 90 776 252 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2006, les intérêts étant eux mêmes capitalisés à compter du 19 janvier 2007 ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier territorial de Nouméa une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Amat, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B, né en 1948, qui présentait un syndrome grippal d'ordre gastro-entérologique associant des myalgies, une altération de l'état général, un ictère et des signes d'infection urinaire, a été hospitalisé en fin d'après-midi, en urgence, le 29 décembre 1999, au centre hospitalier territorial de Nouméa où des analyses biologiques ont mis en évidence un germe Klebsiella ; que dans la nuit du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000, sont apparus vers 2h00 du matin des fourmillements des membres inférieurs et une gêne urinaire ; que, toutefois, l'examen neurologique effectué par l'interne de garde à 3 heures 30 s'est révélé normal ; qu'à 5h30, a été constatée une rétention vésicale accompagnée d'un dérobement des membres inférieurs entraînant une chute ; qu'à 8h45 une échographie abdominale a évoqué un abcès du foie ; qu'à 9h30 a été posée une sonde urinaire et a été constaté un déficit total des membres inférieurs, entraînant l'indication d'une opération de décompression de la moelle épinière (laminectomie), après passage en scanner ; qu'à 12h00, les résultats du scanner rachidien et thoracique ont montré la présence d'une barre osseuse compressive de la moëlle au niveau T7-T8 ; qu'à 17 heures, un myélo-scanner a confirmé cette compression médullaire ; que la laminectomie envisagée a donc été pratiquée à 19h50, révélant la présence d'un tissu adipeux inflammatoire pré-abcédé, contenant le germe Klebsiella constaté le 29 décembre 1999 ; que si le traitement antibiotique nécessité par son état septicémique a permis d'éradiquer ce germe, M. B, en dépit du geste opératoire décompressif, est demeuré paraplégique ; qu'imputant cet état à un retard affectant le diagnostic de paraplégie et l'intervention décompressive à effectuer, le requérant a saisi le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie aux fins de se voir indemnisé de ses préjudices et sollicité la désignation d'un expert ; que, par ordonnance du 6 mars 2006, le juge des référés a désigné un expert neuro-psychiatre, le docteur C, qui a déposé son rapport le 23 décembre 2006 ; qu'eu égard aux critiques adressées aux conclusions de cet expert par le professeur D, expert de la SHAM, assureur de l'hôpital, le tribunal a ordonné un complément d'expertise et désigné un expert neuro-chirurgien, le professeur E, qui a remis son rapport le 28 juillet 2010 ; que M. B relève régulièrement appel du jugement du 25 novembre 2010 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier territorial de Nouméa à lui verser la somme de 100 millions de francs CFP en réparation de ses préjudices ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise du docteur C et du professeur E que M. B, qui était atteint d'un germe de Klebsellia depuis deux jours, a manifesté dès 5h30 le 1er janvier 2000 une faiblesse dans les jambes, entraînant sa chute, ainsi qu'une rétention vésicale ; qu'à 8h45 une échographie abdominale était évocatrice d'un abcès du foie et qu'à 9h30 un déficit total des membres inférieurs était constaté ; que M. B, qui était, depuis la veille en soirée, pré-médiqué sous Polaramine, produit anti-allergique au liquide de contraste utilisé pour le scanner, n'a toutefois fait l'objet d'un scanner qu'à 12 heures alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation de celui-ci était impossible en début de matinée ; qu'en outre, M. B a attendu près de trois heures entre l'injection anti allergique de Solumedrol à 13 heures et le myélo-scanner, indispensable avant toute laminectomie, qui n'a été réalisé qu'à 17 heures ; que le professeur E précise à la page 10 de son rapport que " le diagnostic certain de paraplégie par compression a été porté tardivement non pas à 9 heures du matin mais à 17 heures seulement " ; qu'ainsi, M. B est fondé à soutenir que ce retard de diagnostic, qui ne peut être justifié par le fait, invoqué par l'hôpital, que le patient était " difficilement mobilisable " et que le personnel n'était pas " habitué ni même qualifié pour ce type de procédure neuro-radiologique " constitue une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier ayant entraîné, par voie de conséquence, un retard d'intervention chirurgicale, laquelle a été pratiquée dès que le diagnostic a été connu par le chirurgien spécialisé compétent qui n'était pas d'astreinte mais s'est rendu dans les meilleurs délais au centre hospitalier territorial de Nouméa ;

3. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une compression médullaire est une urgence chirurgicale et, qu'en ce cas, le geste opératoire de décompression doit intervenir dans un délai de six heures, sans certitude sur les possibilités de récupération du patient ; que le docteur C, retranscrivant le compte rendu opératoire du chirurgien, relève que " la paraplégie s'est installée brutalement dans la matinée " (p. 7 du rapport), que le professeur E précise également que celle-ci s'est installée " brutalement en moins de six heures " ; qu'il résulte tant des conclusions du professeur D que de celles du professeur E que si l'opération décompressive a contribué à sauver la vie de M. B, elle n'avait aucune chance de laisser espérer une récupération des fonctions motrices compte tenu de l'origine à la fois infectieuse et vasculaire de la paraplégie en cause, de la rapidité avec laquelle elle s'est développée au cours de la matinée, du caractère flasque et total de celle-ci dès 9 heures du matin le 1er janvier, ces caractéristiques cliniques correspondant à des lésions irréversibles de la moelle épinière ; qu'ainsi, quand la décision de pratiquer l'intervention chirurgicale aurait dû être prise, les lésions de la moelle étaient déjà irréversiblement acquises dans leur totalité ; que dans ces conditions, le retard fautif de diagnostic, et par voie de conséquence d'intervention, n'a pas compromis les chances de M. B d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à la paraplégie dont il reste atteint ; que la responsabilité du Centre hospitalier territorial de Nouméa ne peut donc être engagée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées par voie de conséquence les conclusions de la CAFAT et de l'Etat ; qu'enfin, le Centre Hospitalier territorial de Nouméa n'étant pas la partie perdante en la présente instance, les conclusions de la CAFAT et de M. B tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat et de la CAFAT sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA00729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00729
Date de la décision : 22/10/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS LOUZIER FAUCHE CAUCHOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-10-22;11pa00729 ?
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