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18/10/2012 | FRANCE | N°12PA02180

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 octobre 2012, 12PA02180


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour la société France Habitation, domiciliée au 1 square Chaptal à Levallois-Perret (92300), par Me Revel-Basuyaux ; la société France Habitation demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1110092/4 en date du 2 mai 2012 par laquelle le juge des référés désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté, d'une part, sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 9 024, 22 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 novembre 2010 sur la somme de 7 598,

21 euros, au titre du préjudice qu'elle subit en raison du refus du préfet du ...

Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour la société France Habitation, domiciliée au 1 square Chaptal à Levallois-Perret (92300), par Me Revel-Basuyaux ; la société France Habitation demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1110092/4 en date du 2 mai 2012 par laquelle le juge des référés désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté, d'une part, sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 9 024, 22 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 novembre 2010 sur la somme de 7 598, 21 euros, au titre du préjudice qu'elle subit en raison du refus du préfet du Val-de-Marne de lui apporter le concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice, d'autre part la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 177, 42 euros au titre du paiement de l'itérative réquisition et de sa dénonciation ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision de 9 024, 22 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 novembre 2010 sur la somme de 7 598, 21 euros, à compter de la date d'enregistrement de la présente requête pour le surplus et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 177, 42 euros au titre du paiement de l'itérative réquisition et de sa dénonciation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de M. Gouès, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie." ;

2. Considérant que, par ordonnance du 6 juillet 2000, le juge des référés du Tribunal d'instance de Villejuif a autorisé la société France Habitation à procéder à l'expulsion de Mme A du logement qu'elle occupait sis 33 rue Emile Zola à Fresnes (94260) dont la société requérante est propriétaire ; que cette ordonnance a été signifiée à l'intéressée le 25 juillet 2000 ; que le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a, par l'ordonnance attaquée, rejeté la demande de provision présentée devant lui par la société requérante au titre du préjudice résultant du refus du préfet du Val-de-Marne de lui apporter le concours de la force publique en raison du défaut de production de la preuve de la notification au préfet du commandement de quitter les lieux, deux mois avant que n'intervienne la délivrance à cette autorité, par voie d'huissier, d'une réquisition de la force publique, le 29 mai 2007 ;

3. Considérant que, devant la Cour, la société France Habitation produit la preuve de la notification au préfet du Val-de-Marne du commandement de quitter les lieux ; que, par suite, la société France Habitation est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du Tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce défaut de production pour rejeter sa demande ; qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens présentés par la société France Habitation devant le Tribunal administratif de Melun et la Cour ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi susvisée du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : " L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation " ; que l'article 50 du décret du 31 juillet 1992 pris pour l'application de cette loi, dispose que : " Si l'huissier de justice est dans l'obligation de requérir la force publique, il s'adresse au préfet ... Le défaut de réponse dans un délai de deux mois équivaut à un refus. " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le concours de la force publique a été demandé le 29 mai 2007 par la société France Habitation et qu'il est constant que l'occupation des locaux a pris fin le 5 août 2011 ; que le préfet du Val-de-Marne, en gardant le silence plus de deux mois sur cette demande, a opposé un refus implicite à la société France Habitation ; que, dès lors, en application des dispositions précitées, la responsabilité de l'Etat est engagée ; que la période de responsabilité de l'Etat doit être fixée du 29 juillet 2007 au 5 août 2011 ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les pertes de loyers et charges :

6. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures la société requérante demande, au titre du chef de préjudice pour pertes de loyers et charges, la condamnation de l'Etat au paiement d'une indemnité de 9 024, 22 euros ;

7. Considérant, en premier lieu, que la société requérante est fondée à demander le paiement d'une indemnité pour les seuls dommages survenus pendant la période de responsabilité de l'Etat, soit du 29 juillet 2007 au 5 août 2011 ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le montant dont l'Etat est redevable au titre de l'indemnité pour pertes de loyers et charges équivaut à la dette locative qui, pendant la période de responsabilité, a été contractée par l'occupant vis-à-vis du bailleur ; que, pour calculer cette dette, il convient de prendre en considération les versements effectués par le locataire durant la période en cause, lesquels s'imputent toutefois en priorité sur le solde de sa dette à la date du début de la période de responsabilité ; qu'il n'est pas contesté que la locataire expulsée a versé la somme de 1 073 euros en trois fois, les 6 mars, 9 avril et 6 mai 2008 pour acquitter l'indemnité d'occupation et les charges de son logement pour les mois de février, mars et avril 2008, comme l'expose le récapitulatif produit par la société qui montre qu'elle a, elle-même, souhaité imputer ces versements sur la période de responsabilité de l'Etat ; que, par conséquent, et contrairement à ce que soutient la société requérante, cette somme ne peut être imputée sur la dette la plus ancienne de la locataire mais doit l'être sur la période de responsabilité de l'Etat ; qu'il y a donc lieu de la déduire du montant de la provision demandée ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si les versements des débiteurs s'imputent, en application des dispositions de l'article 1256 du code civil, sauf décision contraire de leur part, sur la dette la plus ancienne, les versements aux bailleurs de l'APL sont, en application de l'article L. 351-9 du code de la construction et de l'habitation, portés en déduction des loyers et dépenses accessoires de logement ; qu'ainsi, les versements d'APL à la société requérante ne doivent pas être imputés sur la dette antérieure au 29 juillet 2007, mais diminuent, lorsqu'ils sont postérieurs, le montant de la réparation due par l'Etat ; qu'il résulte des états récapitulatifs produits par la société requérante que le montant de l'APL versé durant la période de responsabilité de l'Etat s'élève à la somme de 5 615, 95 euros ; qu'en conséquence il y a donc lieu de déduire cette somme du montant de la provision demandée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société requérante une provision de 2 335, 25 euros au titre des pertes de loyers et des charges ;

En ce qui concerne les frais de contentieux :

11. Considérant que les frais d'huissier et autres dépens ne peuvent être remboursés que s'ils ont été exposés pendant la période de responsabilité de l'Etat et rendus nécessaires par le refus d'accorder le concours de la force publique ; que seuls les frais d'itérative réquisition et de prise à partie répondent à cette condition ; qu'il résulte des pièces du dossier que la requérante a engagé des frais d'huissier au titre de la rédaction d'un itératif procès-verbal de réquisition de la force publique en date du 20 mars 2009 et une dénonciation au commissaire de police le 29 mars 2009, soit pendant la période de responsabilité de l'Etat qui débute le 29 juillet 2007 ; que, par suite, la société France Habitation est fondée à demander le versement d'une provision de 177, 42 euros au titre de ce chef de préjudice ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société requérante une provision de 2 512, 67 euros ;

Sur les intérêts :

13. Considérant que la société requérante a droit aux intérêts au taux légal, d'une part, à compter du 23 novembre 2010, date de réception par l'administration de sa demande d'indemnité, pour les sommes dues au titre du préjudice subi avant le 31 octobre 2010, date de la demande préalable, et, d'autre part, pour les sommes dues au titre du préjudice subi du 1er novembre 2010 au 5 août 2011, à la date d'enregistrement de la présente requête, soit le 16 mai 2012 ; que, toutefois, la provision due ne concernant que la première période précitée, les intérêts seront calculés en conséquence ;

14. Considérant, en second lieu, que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par la société requérante le 16 mai 2012, date d'enregistrement de la présente requête ; qu'à cette date les intérêts étant dus pour plus d'une année entière, il y a lieu d'ordonner leur capitalisation ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur la subrogation :

15. Considérant que le paiement de la provision accordée par le présent arrêt au titre des loyers et charges est subordonné à la subrogation de l'Etat dans les droits du propriétaire à l'encontre de Mme B, occupant sans titre, pendant la période de responsabilité de l'Etat ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la société requérante la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1110092/4 du juge des référés du Tribunal administratif de Melun en date du 2 mai 2012 est annulée.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société France Habitation une provision de 2 512, 67 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2010. Les intérêts échus à la date du 16 mai 2012 puis à l'échéance annuelle suivante à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La provision accordée par le présent arrêt au titre de l'indemnité d'occupation est subordonnée à la subrogation de l'Etat dans les droits et actions du propriétaire à l'encontre de Mme B, occupante sans titre pendant la période de responsabilité de l'Etat.

Article 4 : L'Etat versera à la société France Habitation la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 12PA02180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02180
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Serge GOUES
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : REVEL-BASUYAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-10-18;12pa02180 ?
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