Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2011, présentée pour la SCI la Garenne de Sèvres, domiciliée au 41-49 rue de la Garenne, BP 9305 à Sèvres Cedex (92313), par Me Leriche-Milliet ; la SCI la Garenne de Sèvres demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900239 en date du 13 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2008 par laquelle le maire de Paris a exercé le droit de préemption sur l'immeuble sis 51 bis rue des Epinettes, 88 rue Pouchet et 15, 18 et 20 impasse Deligny à Paris (75017) ;
2°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :
- le rapport de M. Gouès, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
- et les observations de Me Leriche-Milliet, pour la SCI la Garenne de Sèvres et celles de Me Loctin, pour la ville de Paris ;
1. Considérant que, par une décision du 10 novembre 2008, le maire de Paris a exercé le droit de préemption sur l'immeuble situé au 51 bis rue des Epinettes, 88 rue Pouchet et 15, 18 et 20 impasse Deligny, à Paris, dans le XVIIème arrondissement, appartenant à la société requérante qui avait conclu une promesse de vente avec la société Kaufman et Broad Développement ; que la SCI la Garenne de Sèvres ayant informé la ville qu'elle refusait son offre l'estimant insuffisante, la ville de Paris a, par décision du 6 janvier 2009, décidé de " retirer " la décision précitée du 10 novembre 2008 ; que, saisi par la SCI la Garenne de Sèvres, d'une demande dirigée contre la décision de préemption du 10 novembre 2008, le vice président de la 7° section du Tribunal administratif de Paris a, par ordonnance du 8 juin 2009, conclut au non-lieu à statuer ; que par arrêt du 3 mars 2011, la Cour de céans a annulé la dite ordonnance et renvoyé l'affaire devant le tribunal ; que la SCI la Garenne de Sèvres relève appel du jugement en date du 13 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté au fond sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la SCI la Garenne de Sèvres soutient, en premier lieu, que le jugement attaqué n'analyserait pas dans les visas les moyens soulevés devant les premiers juges et que le mémoire récapitulatif du 16 mai 2011 n'aurait pas été visé ; que, toutefois, il résulte de l'examen de la minute du jugement que ce mémoire est visé et que le jugement comporte l'analyse des moyens soulevés ;
3. Considérant, en second lieu, que la SCI la Garenne de Sèvres soutient que le tribunal administratif, en se prononçant sur deux moyens qu'elle avait expressément abandonnés, aurait jugé " ultra petita ", entachant ainsi d'irrégularité le jugement attaqué ; que, toutefois, s'il est exact que les premiers juges ont répondu à ces deux moyens alors, d'une part, qu'ils avaient été expressément abandonnés dans le mémoire en réplique produit en cours d'instance devant la Cour le 4 février 2011 ce qui, en raison du renvoi du dossier devant le tribunal administratif, impliquait qu'il fasse partie de l'instance, et, d'autre part, que ces deux mêmes moyens n'avaient pas été repris dans le mémoire récapitulatif produit ultérieurement devant le tribunal, les premiers juges n'ont, pas statué au-delà des conclusions dont ils avaient été saisis ; que, par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la consultation du service des domaines :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre des finances prévu à l'article 3 du décret du 5 juin 1940 modifié. (...) L'avis du service des domaines doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition. ", et qu'aux termes de l'article R. 213-6 du même code : " Dès réception de la déclaration, le maire en transmet copie au directeur des services fiscaux en lui précisant si cette transmission vaut demande d'avis. (...) Les transmissions visées aux deux alinéas précédents indiquent la date de l'avis de réception ou de la décharge de la déclaration " ;
5. Considérant que la SCI la Garenne de Sèvres soutient qu'il n'est pas établi que l'avis du service des domaines ait été émis le 7 novembre 2008, dans la mesure où la demande d'avis de la ville n'avait été reçue par ce service que deux jours avant, soit le 5 novembre 2008 ; qu'il ressort toutefois des dispositions précitées que si un délai maximal d'un mois est donné au service des domaines pour rendre son avis, il n'existe par ailleurs aucun délai minimal ; qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que cet avis n'aurait pas été émis le 7 novembre 2008 ; qu'enfin, si la société fait valoir que la décision de préemption ne vise pas l'avis des domaines, cette circonstance n'est toutefois pas de nature à entacher d'irrégularité la dite décision ; que, par suite, et en tout état de cause, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce que la Cour ordonne un supplément d'instruction ;
En ce qui concerne la motivation de la décision litigieuse :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. " et qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) " ;
7. Considérant que, lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat (PLH) ou à un programme de construction de logements locatifs sociaux, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre de ces programmes et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut, soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat ou du programme de construction de logements locatifs sociaux à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe ;
8. Considérant, d'une part, qu'en indiquant que l'acquisition du bien préempté permettrait de réaliser, conformément à la délibération du conseil de Paris du 2 octobre 2007 définissant un cadre d'action pour la mise en oeuvre d'un programme de réalisation de logements sociaux entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010, une trentaine de logements sociaux pour une surface hors oeuvre nette de 2 800 m², la décision attaquée mentionne de manière suffisamment précise l'objet en vue duquel est exercé le droit de préemption et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;
En ce qui concerne la réalité du projet :
9. Considérant que la collectivité détentrice du droit de préemption ne peut légalement exercer ce droit que si elle justifie, à la date de la préemption, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date ;
10. Considérant que l'existence d'un projet d'aménagement est valablement établie par la référence à la délibération du 2 octobre 2007 par laquelle le conseil de Paris a défini le programme de réalisation de logements locatifs sociaux entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010 et le cadre des actions à mettre en oeuvre par la ville de Paris pour mener à bien ce programme ; que le PLH, dans sa version applicable à la date de la décision contestée, indique que " compte tenu du parc social existant dans l'arrondissement, le 17ème devra contribuer à la production de logements sociaux à Paris " et que " pour atteindre cet objectif, la ville entend mobiliser (...) l'utilisation du droit de préemption urbain " ; que le fait que l'immeuble en cause ne soit pas inclus dans une zone de déficit de logement social au sens du plan local de l'urbanisme de Paris qui impose l'affectation à des logements sociaux d'au moins 25 % de la surface hors oeuvre nette des projets de construction à usage d'habitation situés dans une telle zone, n'est pas de nature à établir que la ville de Paris aurait été dépourvue d'un projet d'aménagement participant au programme de réalisation de logements locatifs sociaux dans ce secteur ; qu'au demeurant il ressort des pièces du dossier que l'immeuble en cause est situé dans le 17ème arrondissement, caractérisé par un taux de logements sociaux de 10,23 % ; qu'enfin la circonstance que la ville ait ultérieurement renoncé à son projet n'est pas de nature à démontrer qu'il n'avait pas de consistance au moment de la décision de préempter ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de projet d'aménagement en vue duquel le droit de préemption a été exercé doit être écarté ;
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation et le détournement de pouvoir allégué :
11. Considérant que si la SCI la Garenne de Sèvres soutient que la décision de préemption l'a privée de la vente de l'immeuble en cause à l'acquéreur pressenti, à un prix supérieur à celui proposé par la ville de Paris, et que, de ce fait, elle a dû attendre deux ans pour parvenir à ses fins afin de financer la construction d'un nouveau centre de formation d'apprentis, alors qu'elle exerce une mission d'intérêt général, cette circonstance n'est pas de nature à établir, en tout état de cause, que le maire de Paris aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de préempter ce bien en vue de la réalisation d'un programme d'une trentaine de logements sociaux ;
12. Considérant enfin que le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI la Garenne de Sèvres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI la Garenne de Sèvres une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI la Garenne de Sèvres est rejetée.
Article 2 : La SCI la Garenne de Sèvres versera à la ville de Paris une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11PA04198