Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1113627/3-2 du 1er février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé sa décision du 11 juillet 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à Mlle Jalila A, faisant obligation à celle-ci de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle A devant ledit tribunal ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2012 :
- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
1. Considérant que, par un arrêté du 11 juillet 2011, le préfet de police a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mlle A, de nationalité tunisienne ; que le préfet de police a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1113627/3-2 du 1er février 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions du préfet de police :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne à droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que Mlle A est âgée de 29 ans, qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France ; qu'elle n'établit pas, en se bornant à produire, au titre des années 2001 à 2005, des courriers qui lui auraient été adressés en France, quelques documents médicaux, des attestations dépourvues de valeur probante et des photocopies de son passeport ne faisant pas apparaître de mouvements transfrontières, résider continûment sur le territoire français depuis l'année 2001, ses parents ayant d'ailleurs fait état de sa résidence en Tunisie au cours des années 2005 et 2006 ; que les pièces du dossier ne permettent pas à la Cour d'apprécier l'intensité de ses efforts d'intégration ; qu'ainsi, et alors même que son père, sa mère et ses frères et soeurs résideraient régulièrement sur le territoire français et que l'intéressée disposerait d'un contrat de travail en qualité de garde d'enfants, l'arrêté du 11 juillet 2011 n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mlle A une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est par suite à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler ledit arrêté ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle A devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux mentionne les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde ; que, notamment, et contrairement à ce qui est soutenu, ledit arrêté fait précisément référence à la situation familiale de l'intéressée ; qu'il écarte la demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que cet article est inapplicable aux ressortissants tunisiens ; qu'il est par suite suffisamment motivé, alors même qu'il n'aurait pas repris en détail l'ensemble des éléments propres à la situation personnelle de Mlle A ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, les mentions de l'arrêté en litige permettent de vérifier que le préfet de police a procédé à un examen de la situation administrative de Mlle A au regard de l'ensemble des éléments produits par celle-ci au soutien de sa demande et s'est prononcé sur l'ensemble des fondements de ladite demande ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation de l'intéressée ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'arrêté du 11 juillet 2011 est suffisamment motivé ; que les moyens, d'ailleurs non assortis des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé, tirés de ce qu'en raison de l'insuffisance de sa motivation, ledit arrêté serait entaché d'une erreur de droit ou d'un détournement de procédure, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que, pour les mêmes motifs qu'indiqués précédemment, l'arrêté en litige ne saurait être regardé comme méconnaissant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou comme entaché d'une erreur manifeste dans son appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mlle A ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des stipulations du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien susvisé : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : les ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans " ; qu'ainsi qu'il a été déjà dit ci-dessus, en se bornant à produire, en ce qui concerne les années 2001 à 2005, des courriers qui lui auraient été adressés en France, quelques documents médicaux, des attestations dépourvues de valeur probante et des photocopies de son passeport ne faisant pas apparaître de mouvements transfrontières, Mlle A n'établit pas le caractère habituel de sa résidence en France au cours de cette période ; que, dans ces conditions, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a, en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", méconnu les stipulations précitées du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
10. Considérant, en sixième lieu, que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord ; que les moyens tirés par Mlle A de ce qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet de police aurait méconnu les dispositions dudit article L. 313-14 et commis à cet égard une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés ;
11. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 / [...] " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet de police n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour demandé, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; que, par suite, Mlle A n'étant pas, contrairement à ce qu'elle soutient, au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet de police n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-1 précité, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, Mlle A n'établissant pas sa résidence habituelle de plus de dix ans sur le territoire français, le préfet de police n'était en tout état de cause pas non plus tenu de saisir ladite commission en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté pris à son encontre le 11 juillet 2011 est entaché d'un vice de procédure à défaut de la saisine de ladite commission ;
12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 juillet 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à Mlle A, faisant obligation à celle-ci de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions de Mlle A tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mlle A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1113627/3-2 du 1er février 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle A devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
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N° 08PA04258
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N° 12PA01126