Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1107331/6-1 du 19 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 16 mars 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Houcine A, faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant ledit tribunal ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu le protocole du 28 avril 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2012 :
- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
1. Considérant que, par un arrêté du 16 mars 2011, le préfet de police a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A, de nationalité tunisienne, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1107331/6-1 du 19 décembre 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne à droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que M. A, qui était âgé de 40 ans à la date de l'arrêté du 16 mars 2011 en litige, est célibataire et sans charge de famille en France ; qu'il a fait l'objet en 2005 d'un refus de séjour et en 2008 d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi, et alors même que son père, sa mère et quatre de ses sept frères et soeurs auraient la nationalité française ou résideraient régulièrement sur le territoire français et que l'intéressé disposerait d'une promesse d'embauche, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est par suite à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler cet arrêté ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant elle et devant le Tribunal administratif de Paris ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 16 mars 2011 mentionne les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde ; qu'il statue sur la demande de titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" présentée par M. A, fait précisément référence à la situation familiale de l'intéressé ainsi qu'à la durée de son séjour sur le territoire français et précise les motifs pour lesquels il ne peut être fait application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé, alors même qu'il n'aurait pas fait état de la présence en France de frères et soeurs de l'intéressé ; que M. A, en l'absence de demande présentée dans ce cadre, ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir des exigences relatives à la motivation des refus de titres de séjour en qualité de salarié demandés sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A ait présenté une demande de titre de séjour en qualité de salarié ; qu'il ne peut, par suite, valablement soutenir que le préfet de police aurait dû se prononcer sur sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et de l'article 2 du Protocole du 28 avril 2008 régissant la délivrance de titre de séjour portant la mention "salarié" aux ressortissants tunisiens ;
6. Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs qu'indiqués précédemment, l'arrêté du 16 mars 2011 ne saurait être regardé comme méconnaissant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 7 quater d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatives à la délivrance de titres de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans " ; qu'il résulte de ces stipulations que les ressortissants tunisiens ne justifiant pas d'une présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, ne sont pas admissibles au bénéfice de l'article 7 ter d) de l'accord franco tunisien ; que M. A, entré en France le 26 août 1999, ne justifiait en tout état de cause pas au 1er juillet 2009 d'une résidence de plus de dix ans sur le territoire français ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord susvisé ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ; que M. A, qui se borne à produire, en ce qui concerne les années antérieures à l'année 2002, quelques factures, bons de commande et documents médicaux, ainsi que la preuve de sa présence en France les 26 août 1999 et 24 mars 2001, ainsi qu'il résulte des mentions portées sur son passeport, n'établit pas que la durée de sa résidence habituelle en France dépassait dix ans à la date de l'arrêté en litige ; que, dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de la durée, supérieure à dix années, de sa présence sur le territoire français, l'administration aurait dû saisir la commission du titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 / [...] " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet de police n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour demandé, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; que, par suite, M. A n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet de police n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-1 précité, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté pris à son encontre le 16 mars 2011 est entaché d'un vice de procédure à défaut de la saisine de ladite commission ;
10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 16 mars 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A, faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1107331/6-1 du 19 décembre 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
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N° 08PA04258
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N° 12PA00461