Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2011, présentée pour M. Laurent A, demeurant au ..., par Me Le Briero ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0912308/3-1 du 18 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 mai 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la ville annulant la décision de l'inspectrice du travail en date du
22 décembre 2008 qui a autorisé son licenciement et refusé d'autoriser la société Seven Sept à le licencier ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par la société Seven Sept ;
3°) de mettre à la charge de la société Seven Sept une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2012 :
- le rapport de Mme Amat, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public ;
Considérant que M. A, recruté le 19 novembre 2002 par la société Seven Sept, spécialisée dans la distribution de films vidéo, a exercé à compter du 8 juin 2004 les fonctions d'assistant chef de fabrication ; que dans le cadre de la procédure de licenciement économique qu'elle a engagée à compter du mois d'octobre 2008, ladite société a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. A qui était délégué du personnel ; que, par décision du 22 décembre 2008, l'inspectrice du travail a autorisé ce licenciement ; que sur recours hiérarchique de M. A, le ministre du travail a cependant annulé cette décision le 28 mai 2009 et opposé un refus à la demande de la société Seven Sept ; que M. A relève régulièrement appel du jugement du 18 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette dernière décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du même code : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord expresse du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2411-5 du code du travail relatives aux conditions de licenciement des délégués du personnel, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail : " Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1233-45 du code du travail que la procédure de priorité de réembauche n'intervient qu'une fois le salarié licencié et dépend en partie de la volonté de ce dernier qui doit demander à en bénéficier, alors qu'en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail, il incombe à l'employeur de faire, au plus tôt à compter du moment où le licenciement est envisagé et, en tout état de cause, avant que l'administration ne statue, des propositions de reclassement au salarié dont le licenciement est envisagé pour des motifs économiques ;
Considérant que pour annuler la décision ministérielle du 28 mai 2009, le Tribunal administratif de Paris a jugé que, à la date à laquelle le ministre s'est prononcé, deux postes, qui s'étaient libérés après le licenciement de l'intéressé, lui avaient été proposés au titre de la priorité de réembauche dont il avait souhaité bénéficier et qu'ainsi, la société Seven Sept devait être regardée comme ayant satisfait à son obligation de recherche de reclassement ; que toutefois, alors même que le ministre, dans l'exercice de son pouvoir hiérarchique, était, après avoir annulé la décision de l'inspectrice du travail, à nouveau saisi de la demande d'autorisation présentée par la société et devait statuer en fonction des considérations de droit et de fait existant à la date où il statuait, les deux postes qui avaient été proposés à M. A le 12 mars 2009, donc avant la décision ministérielle, ne pouvaient être regardés par les premiers juges comme des propositions de reclassement dès lors que M. A avait été licencié le 7 janvier précédent ; qu'ainsi, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que la société Seven Sept devait être regardée comme ayant satisfait à la recherche de reclassement qui lui incombait ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Seven Sept devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) " ;
Considérant qu'en se bornant à indiquer que " l'entreprise rencontre des difficultés économiques dues à la détérioration du marché vidéo entraînant une baisse significative du chiffre d'affaires et que le motif économique est donc établi ", que " le poste d'assistant chef de fabrication de Monsieur Laurent A est supprimé et ses tâches reprises par le chef de service " et " qu'il n'existe aucune possibilité de reclassement tant en interne qu'en externe ", l'inspectrice du travail n'a pas suffisamment motivé sa décision du 22 décembre 2008 au regard des circonstances de fait sur lesquelles elle s'est fondée, en particulier s'agissant de l'impossibilité du reclassement de l'intéressé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Seven Sept ait procédé à un examen particulier des possibilités de reclassement de
M. A dans l'entreprise avant de le licencier ; que, par suite, faute d'avoir entrepris une telle recherche, la société Seven Sept, qui s'est bornée à présenter des offres de reclassement externe, ne peut être regardée comme ayant satisfait à l'obligation de recherche de reclassement qui lui incombait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 mai 2009 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser la société Seven Sept à le licencier ; que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société Seven Sept et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Seven Sept une somme de 1 500 euros au titre desdites dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 avril 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Seven Sept devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La société Seven Sept versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Seven Sept tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 11PA02780