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28/06/2012 | FRANCE | N°12PA00079

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 28 juin 2012, 12PA00079


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée par le PREFET DE SEINE-ET-MARNE ; le PREFET DE SEINE-ET-MARNE demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 1107662/9 en date du 19 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 15 octobre 2011 du préfet des Hauts-de-Seine portant, d'une part, placement de M. Omar Ben Khatab A dans un centre ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et, d'autre part, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

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Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée par le PREFET DE SEINE-ET-MARNE ; le PREFET DE SEINE-ET-MARNE demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 1107662/9 en date du 19 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 15 octobre 2011 du préfet des Hauts-de-Seine portant, d'une part, placement de M. Omar Ben Khatab A dans un centre ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et, d'autre part, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/C.E. du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DE SEINE-ET-MARNE relève appel du jugement en date du 19 octobre 2011 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 15 octobre 2011 du préfet des Hauts-de-Seine portant, d'une part, placement de M. A dans un centre ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et, d'autre part, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. [...] " ;

Considérant que, pour annuler la décision en litige, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a estimé qu'en se bornant à indiquer, dans le dispositif de sa décision, d'ailleurs et non dans ses motifs, que l'intéressé ne pouvait quitter immédiatement le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine avait insuffisamment motivé en fait ladite décision ; que, toutefois, en indiquant dans la décision critiquée que M. A faisait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai prise le jour même, qu'il était dépourvu de passeport, qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire et qu'il n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, le préfet des Hauts-de-Seine, nonobstant la circonstance qu'il n'ait pas visé les dispositions du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment explicité les motifs, qui renvoient expressément au motif énoncé par le 6° dudit article, sur lesquels il s'est fondé pour prendre la décision de placement en rétention administrative ; que, par suite, c'est à tort que le premier juge s'est fondé, pour annuler la décision du 15 octobre 2011 décidant le placement en rétention de M. A, sur le motif que cette décision était insuffisamment motivée en fait ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Melun ;

Considérant, en premier lieu, que la décision du 15 octobre 2011 portant placement en rétention de M. A a été signée par M. B, sous-préfet, chargé de mission pour la politique de la ville et l'égalité des chances, secrétaire général adjoint de la préfecture, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté M.C.I. n° 2011.0.82 du 9 septembre 2011, publié le 19 septembre suivant au recueil des actes administratif de la préfecture des Hauts-de-Seine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la directive n° 2008/115/C.E. du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 4. Les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention visés au paragraphe 1, dans la mesure où ils sont utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers conformément au présent chapitre. Ces visites peuvent être soumises à une autorisation. / 5. Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4 " ; que ces règles, qui présentent un caractère précis et inconditionnel, n'ayant pas été transposées en droit interne alors que le délai imparti aux Etats membres de l'Union européenne pour assurer la transposition de cette directive expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010, tout justiciable peut s'en prévaloir à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire ;

Considérant que M. A doit être regardé comme prétendant n'avoir reçu aucune information quant à la possibilité de contacter des organisations et instances internationales et non gouvernementales compétentes visées aux dispositions précitées du paragraphe 4 de l'article 16 de la directive du 16 décembre 2008 ; qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'un document intitulé " Droits au centre de rétention " a été notifié à M. A, en même temps que la décision de placement en rétention administrative, sur lequel figuraient des informations portant sur les modalités d'accès à certaines institutions à l'exception d'informations sur les organisations précitées ; que, toutefois, aucune disposition de la directive susvisée n'impose que cette information soit dispensée aux étrangers préalablement ou concomitamment à la décision de les placer en rétention ; que, par suite, la légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, la circonstance que M. A n'ait pas été complètement informé de ses droits lors de son arrivée au centre de rétention est sans incidence sur la légalité de la décision du préfet des Hauts-de-Seine ordonnant son placement en rétention administrative ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est épileptique et que, malgré sa pathologie, son placement en garde à vue a été regardé, par le médecin qui l'a examiné, comme compatible avec son état de santé sous réserve, en cas de crise, d'appeler le S.A.M.U., et d'un traitement médical ; que M. A n'allègue ni n'établit que le traitement que son état de santé nécessitait ne pouvait lui être prodigué au centre de rétention administrative ; que, dans ces circonstances, le placement de M. A en rétention administrative n'était pas incompatible avec son état de santé ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, que M. A ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des objectifs et plus particulièrement de l'article 15 de la directive n° 2008/115/C.E. du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE SEINE-ET-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 15 octobre 2011 du préfet des Hauts-de-Seine portant placement de M. A dans un centre ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...]. / III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / [...]. Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / [...]. L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. [...] " ;

Considérant que, pour annuler la décision en litige, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a estimé que cette décision ferait obstacle à ce que M. A puisse pendant un an revenir en France rapidement, pour s'y faire soigner, en cas d'aggravation de l'une des pathologies dont il souffre, s'il s'avérait que cette évolution nécessitait un traitement qui, pour ce nouveau stade de la maladie, n'existerait pas au Sénégal et dont le défaut pourrait entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, les dispositions précitées du III de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ayant limitativement énuméré les critères en fonction desquels l'autorité administrative apprécie la nécessité d'assortir une décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour en dehors de tout motif lié à l'état de santé du ressortissant étranger, le premier juge ne pouvait tenir compte de l'évolution hypothétique de l'état de santé de M. A pour prendre la décision litigieuse ; qu'en tout état de cause, si l'intéressé avait produit en première instance divers documents de nature médicale, ces derniers n'étaient pas de nature à établir que sa prise en charge ne pouvait pas avoir lieu au Sénégal ; qu'au surplus, les pièces ainsi produites ne comportaient aucune mention sur la circonstance que l'état de santé de l'intéressé n'était pas stabilisé ; que, dans ces circonstances, c'est à tort que le premier juge s'est fondé, pour annuler la décision du 15 octobre 2011 portant interdiction de retour sur le territoire français, sur le motif que cette décision était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Melun ;

Considérant, en premier lieu, que la décision du 15 octobre 2011 portant interdiction de retour sur le territoire français a été signé par M. B, sous-préfet, chargé de mission pour la politique de la ville et l'égalité des chances, secrétaire général adjoint de la préfecture, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté M.C.I. n° 2011.0.82 du 9 septembre 2011, publié le 19 septembre suivant au recueil des actes administratif de la préfecture des Hauts-de-Seine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...]. / III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / [...] " ;

Considérant qu'en visant les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en indiquant que M. A est entré en France au mois de décembre 2009 et qu'il n'établit pas avoir de liens familiaux en France, le préfet des Hauts-de-Seine a suffisamment motivé la décision contestée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE SEINE-ET-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 15 octobre 2011 du préfet des Hauts-de-Seine portant interdiction de retour sur le territoire français ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1107662/9 en date du 19 octobre 2011 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de M. A devant le Tribunal administratif de Melun et tendant à l'annulation des décisions du 15 octobre 2011 du préfet des Hauts-de-Seine portant, d'une part, placement de M. Omar Ben Khatab A dans un centre ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et, d'autre part, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est rejetée.

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N° 12PA00079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00079
Date de la décision : 28/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme VIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-28;12pa00079 ?
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