Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2011, et les mémoires complémentaires enregistrés les 10 juin et 4 juillet 2011, présentés pour l'UNION NATIONALE DES PROFESSIONS LIBERALES (UNAPL), dont le siège est 46 boulevard de la Tour Maubourg à Paris (75007), par la SCP Waquet-Farge-Hazan ; l'UNAPL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0911257 et 1001491/3-3 du 25 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet acquise le 2 mai 2009 et de la décision du 24 novembre 2009 par lesquelles le ministre du travail a rejeté sa demande de reconnaissance de représentativité au sens de l'article L. 1 du code du travail ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais engagés devant le tribunal et devant la Cour, la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 2005/36/ CE du Parlement et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les conventions de l'Organisation internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et n° 98 sur le droit d'organisation ;
Vu la loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 ;
Vu la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2012 :
- le rapport de Mme Stahlberger, rapporteur,
- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,
- et les observations de Me Boidin, représentant l'UNAPL ;
Considérant que l'UNION NATIONALE DES PROFESSIONS LIBERALES (UNAPL), organisation syndicale représentative d'employeurs au niveau national, a sollicité la reconnaissance de sa représentativité au sens de l'article L. 1 du code du travail en vue de participer aux concertations et éventuelles négociations prévues par cet article ; que par une décision en date du 24 novembre 2009 confirmant la décision implicite de rejet née du silence observé sur la demande reçue le 2 mars précédent, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a rejeté cette demande au motif qu'une telle reconnaissance suppose une " audience interprofessionnelle ", aucune concertation au niveau sectoriel ou intersectoriel n'étant prévue par l'article L. 1 du code du travail ; que l'UNAPL relève régulièrement appel du jugement du 25 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision implicite de rejet et de ladite décision du 24 novembre 2009 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
Considérant qu'après avoir cité les articles L. 1, L. 2121-1, L. 2121-2, L. 2122-9, R. 2121-1 et R. 2121-2 du code du travail, les premiers juges ont indiqué que les critères de représentativité définis aux articles L. 2121-1 et L. 2122-9 étaient applicables aussi bien aux organisations professionnelles d'employeurs qu'aux organisations professionnelles de salariés et que le ministre n'avait pas commis d'erreur de droit en faisant application de ces dispositions pour apprécier la représentativité de l'UNAPL " au niveau national et interprofessionnel " au sens de l'article L. 1 du même code ; que le tribunal a ajouté que le ministre n'avait pas non plus commis d'erreur d'appréciation sur l'absence de caractère interprofessionnel de l'UNAPL, sa représentativité " dans un nombre suffisant de branches de l'industrie, de la construction et du commerce " au sens du 2° de l'article 2122-9 dudit code n'étant pas démontrée ; qu'il s'ensuit que les premiers juges, qui n'avaient pas à préciser leur définition du terme " interprofessionnel " dès lors qu'ils se référaient aux critères de représentativité au niveau national et interprofessionnel des organisations syndicales tels que fixés à l'article L. 2122-9 du code du travail et qui n'avaient pas non plus à préciser ce qu'ils entendaient par " suffisant " dès lors que l'UNAPL se définit elle-même, dans sa plaquette de présentation versée au dossier, comme regroupant des professions libérales offrant des services, ont suffisamment motivé leur décision ; qu'il s'ensuit que le moyen sus-analysé doit être rejeté ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 : " Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-1 de ce code : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-9 : " Sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations syndicales qui : 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; 2° Sont représentatives à la fois dans les branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ; 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, additionnés au niveau de la branche. Sont également pris en compte les résultats de la mesure de l'audience prévue à l'article L. 2122-6, s'ils sont disponibles. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. " ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi susvisée du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social que la procédure de concertation et de négociation qu'elle institue, codifiée à l'article L. 1 précité du code du travail, concerne exclusivement le champ national et interprofessionnel dont seules relèvent les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ; que si l'UNAPL soutient que le qualificatif " interprofessionnel " ne constitue en réalité qu'une précision du terme " national " en ce sens que n'est représentative au niveau national que l'organisation qui regroupe plusieurs professions, il résulte des mêmes travaux que l'intention du législateur a été d'introduire une distinction entre les organisations nationales, selon qu'elles sont sectorielles, telles l'UNAPL et la FNSEA qui concernent respectivement et exclusivement les services et l'agriculture, ou interprofessionnelles, tels le MEDEF et CGPME, organisations patronales représentatives à la fois dans les branches de l'industrie, du commerce, et des services, et l'UPA regroupant les organisations professionnelles de l'artisanat dans les secteurs du bâtiment, de la fabrication, des services, du commerce alimentaire de proximité, des travaux publics et du paysage ; que l'UNAPL ne peut à cet égard, se prévaloir de la circonstance que les articles du code du travail régissant la Commission nationale de la négociation collective et le Haut conseil du dialogue social, dont elle est membre, visent les organisations représentatives d'employeurs " au niveau national " sans mentionner la qualification " interprofessionnel ", cette limitation visant à permettre à l'UNAPL et à la FNSEA, non représentatives au niveau interprofessionnel, d'être représentées au sein de telles instances en raison de leur taille et du périmètre du secteur que ces deux organisations représentent ; que par suite, l'UNAPL n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont inexactement interprété les dispositions de l'article L. 1 précité en lui opposant une condition de représentativité non prévue par la loi ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas des termes des dispositions précitées des articles L. 2121-1 et L. 2122-9 du code du travail relatives au mode de détermination de la représentativité des organisations syndicales que ces dernières s'entendent exclusivement des organisations syndicales de salariés ; que si certains des critères mentionnés dans les deux articles précités ne peuvent concerner que ces dernières, une telle circonstance n'est pas de nature à exclure l'application de l'ensemble des deux articles aux organisations patronales ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait, à tort, apprécié la représentativité de l'UNAPL au niveau national et interprofessionnel au regard des dispositions combinées des articles susmentionnés doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'UNAPL fédère plus de soixante syndicats professionnels dans les domaines de la santé, du droit, de la technique et du cadre de vie, il est constant que les professions libérales ont vocation à offrir " des services intellectuels ou conceptuels dans l'intérêt du client et du public ", selon la formulation de la directive n° 2005/36/CE du Parlement et du Conseil relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ; qu'en conséquence, la circonstance que la requérante regroupe plusieurs professions exercées selon le mode juridique libéral ne lui confère pas la qualité d'un groupement " interprofessionnel " au sens de l'article L. 2122-9 dès lors qu'elle n'établit pas, en dépit de ses allégations, être également représentative dans les branches de l'industrie, de la construction, du commerce, ainsi que l'exige le 2° de cet article ; que par suite, c'est à bon droit que le tribunal, qui n'a pas commis d'erreur d'appréciation, a estimé que l'UNAPL n'était pas représentative au niveau national et interprofessionnel ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions précitées du code du travail n'ont pas pour objet ni pour effet d'exclure des concertations syndicales organisées à un niveau national un syndicat qui serait reconnu représentatif à ce niveau mais de réserver aux seules organisations syndicales représentatives aux niveaux national et interprofessionnel la participation aux concertations préalables aux négociations sur des projets de réformes relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle ; que par suite, ni l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lequel " tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ", ni les dispositions du sixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 aux termes desquelles " Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ", ni les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui reconnaissent à toute personne le droit à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts, ni les stipulations de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni les conventions de l'Organisation internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et n° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective n'ont été en l'espèce méconnus ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de représentativité qui est opposé à l'UNAPL méconnaîtrait le principe de la liberté syndicale consacré par les dispositions de valeur constitutionnelle et les dispositions conventionnelles susvisées doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UNAPL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'UNAPL est rejetée.
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N° 10PA03855
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N° 11PA01477