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25/06/2012 | FRANCE | N°11PA01010

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 25 juin 2012, 11PA01010


Vu la requête, enregistrée le 24 février 2011, présentée pour la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD, dont le siège est 26 rue Drouot à Paris (75009), par Me Phelip ; la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0506287/6 et 0707214/6 du 16 décembre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à garantir la commune de Maisons-Alfort des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme A et de M. B à raison des dommages qu'ils ont subis du fait des désordres affectant le réseau d'égout situé ... ;

2°) de

la décharger de l'obligation de garantie prononcée à son encontre par le Tribunal...

Vu la requête, enregistrée le 24 février 2011, présentée pour la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD, dont le siège est 26 rue Drouot à Paris (75009), par Me Phelip ; la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0506287/6 et 0707214/6 du 16 décembre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à garantir la commune de Maisons-Alfort des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme A et de M. B à raison des dommages qu'ils ont subis du fait des désordres affectant le réseau d'égout situé ... ;

2°) de la décharger de l'obligation de garantie prononcée à son encontre par le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Maisons-Alfort une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2012 :

- le rapport de Mme Stahlberger, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Phelip, représentant la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD, celles de Me Yvon, représentant la commune de Maisons-Alfort, et les observations de Me Post, représentant M. B et la société Thelem Assurances ;

Considérant que Mme Colette A et M. Daniel B sont propriétaires de deux pavillons situés respectivement aux ... ; que dans la nuit du 14 au 15 septembre 2001, les pavillons se sont brutalement affaissés ; que cet affaissement dû à la décompression des sols a provoqué diverses fissures et lézardes et un basculement des pavillons vers la rue ; qu'un troisième pavillon, mitoyen des deux premiers, situé au n° 12 et appartenant à Mme Françoise C, a subi les mêmes désordres ; que, sur la demande de la commune de Maisons-Alfort, le Tribunal d'instance de Charenton-le-Pont a désigné, par ordonnance de référé du 19 septembre 2001, un expert qui a remis son rapport le 15 octobre 2001 ; que de nouvelles investigations ont ensuite été menées, par le même expert, sur les désordres affectant les pavillons de Mme A, de M. B et de Mme C, lesquelles ont donné lieu au dépôt d'un nouveau rapport d'expertise le 8 novembre 2004 ; que selon ce rapport, la décompression du sol à l'origine des sinistres s'expliquait par le manque d'entretien du réseau d'égout passant sous ..., ce réseau étant fuyard et les fuites de canalisation ayant contribué à l'érosion des terrains sous-jacents constitués de remblais instables ; que le Tribunal administratif de Melun, saisi par Mme A et M. B, tiers par rapport à l'ouvrage public, a admis la responsabilité sans faute de la commune de Maisons-Alfort à leur égard ; que la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD fait régulièrement appel de ce jugement du 16 décembre 2010 en tant qu'il a mis à sa charge l'obligation de garantir la commune de Maisons-Alfort des condamnations prononcées à son encontre du fait des dommages consécutifs au mauvais état du réseau d'égout ; que par la voie de l'appel incident, Mme A et M. B demandent la réformation du jugement attaqué en ce que le tribunal leur a accordé des indemnités qu'ils estiment insuffisantes ; qu'enfin la commune de Maisons-Alfort conclut au rejet de la requête de la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD et, subsidiairement, par la voie de l'appel provoqué, à la décharge des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a condamné la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD à garantir la commune de Maisons-Alfort des condamnations prononcées à son encontre :

Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 113-8 du code des assurances : " Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre. (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 113-2 du même code : " L'assuré est obligé : (...) 2° De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ; ".

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1964 du code civil : " Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain. / Tels sont : Le contrat d'assurance (...). " ; et qu'aux termes de l'article 1134 du même code : " Les conventions doivent être exécutées de bonne foi ".

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4.2.2 des conditions générales du contrat, la garantie d'assurance est exclue pour les dommages " résultant inéluctablement : - d'une défectuosité du matériel de l'assuré ou de ses installations, connue de lui " et qu'aux termes de l'article 18-1 des mêmes conditions générales : " l'assuré s'engage à prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir tous dommages susceptibles de mettre en jeu les garanties du contrat " ; qu'enfin, aux termes des articles 2-1 et 2-7 des conditions particulières de ce contrat, sont exclus de la garantie " les dommages provenant de la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré " et ceux " résultant de façon inéluctable et prévisible (...) du fait conscient et intéressé des représentants légaux de l'assuré et qui, par ses caractéristiques, ferait perdre à l'événement à l'origine du sinistre son caractère aléatoire " ;

Considérant que la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD soutient qu'en ne lui signalant pas, lors de la signature du contrat d'assurance en 1998, le risque aggravé constitué par le raccordement, en 1956, d'un immeuble collectif de 128 logements au réseau d'égout de l'..., qui n'avait été conçu en 1927 pour ne desservir que 8 pavillons, la commune de Maisons-Alfort a commis une réticence dolosive entachant le contrat de nullité par application de l'article L. 113-8 du code des assurances comme aussi de l'article 1964 du code civil, dès lors que les désordres étant inéluctables, ils ne présentaient pas le caractère aléatoire requis pour être couverts par un contrat d'assurances ; que cependant, s'il ressort des correspondances échangées en 1956 entre le maire et le préfet de la Seine, chargé alors d'instruire la demande de permis de construire déposée par la société propriétaire des 128 logements dont s'agit, que la commune a avisé le représentant de l'Etat de ce que " le terrain en cause est situé au-dessus d'une ancienne carrière remblayée et que l'opération projetée nécessitera obligatoirement l'exécution préalable de travaux de substruction ", il n'en ressort pas que la commune était consciente du sous-dimensionnement du collecteur de l'... ; qu'en effet, sa réponse au préfet de la Seine, datée du 16 juin 1956, se borne à indiquer à ce dernier que " le raccordement de ces immeubles, prévu sur l'ouvrage d'assainissement de la ..., devra obtenir l'accord des services compétents " ; que de même, dans sa lettre du 2 août 1956 au même préfet, la commune précise que " Le renforcement éventuel des canalisations d'eau potable, de gaz, d'électricité et d'assainissement sera strictement à la charge du pétitionnaire " ; que ce n'est qu'en 1985 que l'..., qui était une voie privée, a été intégrée au domaine public communal ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à cette date, ni avant la survenance des sinistres, la commune ait eu connaissance du sous-dimensionnement du réseau d'égout litigieux ; qu'il s'ensuit que la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD n'établit pas que la commune aurait effectué une fausse déclaration intentionnelle " changeant l'objet du risque ou en diminuant l'opinion pour l'assureur " ni que le contrat serait entaché de nullité du fait de son absence de caractère aléatoire au sens de l'article 1964 précité du code civil ;

Considérant par ailleurs que la société appelante soutient que la commune, en ne procédant à aucun entretien ni aucune vérification du réseau d'égout litigieux alors que ce dernier était, à l'époque de l'expertise (2001/2004), inclus dans le domaine public communal depuis plus de 20 ans et alors qu'elle savait qu'il était implanté sur des sols instables, sujets à des affouillements de nature à entraîner des ruptures de canalisations, a commis une faute grave excluant la prise en charge du sinistre en vertu du contrat d'assurance, notamment son article

4-2-2 , ses articles 2-1 et 2-7 mais aussi son article 18-1 des conditions générales précités ; que cependant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, si la commune connaissait la fragilité du sous-sol de la voirie, elle ignorait l'insuffisance du collecteur et n'était pas chargée de veiller à ce que son avis soit suivi par le préfet, seul responsable avant 1983 de l'instruction des permis de construire; qu'en outre, il ressort du rapport d'expertise que le diamètre dudit collecteur a, lors des travaux de construction des logements collectifs, été augmenté de 300 à 400 et que rien ne permettait à la commune de penser qu'en 1985, ou plus tard, en tout cas avant le sinistre, le réseau d'égout était fuyard ; qu'ainsi, c'est à tort que l'expert, qui au demeurant n'avait pas à se prononcer sur les responsabilités en cause, a affirmé que la commune était " entièrement responsable d'avoir laissé se raccorder 152 logements sur un réseau existant ancien, incapable d'absorber un tel débit sans une aggravation dans le sous-sol sous-jacent instable " dès lors que le permis de construire avait été délivré par le préfet et que seuls les propriétaires de l'impasse étaient propriétaires du collecteur d'égout ; qu'en tout état de cause, la société appelante ne peut se prévaloir des stipulations précitées de l'article 18.1 qui sont très générales, aucun critère précis ou aucune hypothèse limitativement énumérée n'indiquant dans quelles conditions la commune de Maisons-Alfort pourrait être regardée comme ne s'étant pas acquittée de son obligation d'entretien des différents équipements publics faisant l'objet de la police d'assurance souscrite par elle et notamment des canalisations d'évacuation des eaux usées ;

Considérant qu'il suit de là que la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD ne peut non plus se prévaloir d'une violation par la commune de l'article L. 113-2 précité du code des assurances, cette dernière ne pouvant honorer son obligation d'information en l'absence de connaissance des circonstances susceptibles de générer un risque pour l'assureur ; que de même, elle ne peut être regardée comme n'ayant pas exécuté de bonne foi son contrat d'assurances eu égard aux circonstances de fait analysées ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à garantir la commune de Maisons-Alfort des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur l'appel provoqué de la commune de Maisons-Alfort présenté à titre subsidiaire :

Considérant que la présente décision rejetant le pourvoi d'appel de la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD, les conclusions de l'appel provoqué formé par ladite commune à titre subsidiaire sont devenues sans objet ;

Sur les appels incidents présentés par Mme A, M. B et la compagnie d'assurances de ce dernier :

Considérant que la requête de la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD tendant à la décharge de l'obligation de garantie prononcée à son encontre par le jugement attaqué, au bénéfice de la commune de Maisons-Alfort, les appels incidents présentés par Mme A, M. B et sa compagnie d'assurances, qui tendent à la réévaluation du montant des réparations fixées en première instance, soulèvent un litige distinct de cet appel principal et sont, de ce fait, irrecevables ; qu'elles doivent en conséquence être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Maisons-Alfort et les autres parties au litige soient condamnées à verser à la société AXA France une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société AXA France à verser à la commune de Maisons-Alfort la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle dans la présente instance ;

Considérant que les conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par Mme A, M. B et la société Thelem Assurances doivent être rejetées par voie de conséquence de l'irrecevabilité entachant leurs conclusions incidentes ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'appel provoqué présentées à titre subsidiaire par la commune de Maisons-Alfort.

Article 3 : Les conclusions incidentes présentées par Mme A, M. B et la société Thelem assurances sont rejetées.

Article 4 : La COMPAGNIE AXA FRANCE IARD versera à la commune de Maisons-Alfort la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de Mme A, de M. B et de la société Thelem assurances présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA01010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA01010
Date de la décision : 25/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: Mme Evelyne STAHLBERGER
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-25;11pa01010 ?
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