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21/06/2012 | FRANCE | N°11PA03354

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 21 juin 2012, 11PA03354


Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1018418/6-2 en date du 14 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 21 septembre 2010 rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. Rongfa A assortie d'une obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant la Chine comme pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour dans un délai de trois mois

à compter de la notification du jugement, et enfin, a mis à la charge de ...

Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1018418/6-2 en date du 14 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 21 septembre 2010 rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. Rongfa A assortie d'une obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant la Chine comme pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2012 :

- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;

Considérant que M. A, né le 19 juillet 1980, de nationalité chinoise, qui soutient être entré en France le 28 février 2001, a sollicité le 6 juillet 2010 son admission exceptionnelle au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 21 septembre 2010, le PREFET DE POLICE a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cet éloignement ; que le PREFET DE POLICE demande l'annulation du jugement du 14 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté comme étant entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur les conclusions du PREFET DE POLICE dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

Considérant que pour annuler l'arrêté du 21 septembre 2010 comme étant entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A, les premiers juges ont relevé, d'une part, que M. A résidait en France depuis avril 2001 et y travaillait continûment depuis cette date, que l'entreprise qui l'employait depuis un an et demi à la date de sa demande de titre souhaitait poursuivre son engagement dans un cadre légal et avait effectué toutes les démarches en ce sens, et d'autre part, que M. A est marié avec une compatriote, entrée en France en septembre 2000, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2018 ;

Considérant toutefois que si M. A fait valoir qu'il est entré en France le 28 février 2001, il ressort des pièces du dossier que sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'office de protection des réfugiés et apatrides en date du 10 avril 2003, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 6 novembre 2003 et qu'il se maintient depuis sur le territoire national en situation irrégulière, ayant fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français le 8 janvier 2004 suivi d'un arrêté de reconduite à la frontière le 12 février 2004 ; que par ailleurs s'il s'est marié le 8 janvier 2010, huit mois seulement avant l'arrêté attaqué, avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, il n'établit pas avoir entrepris une relation maritale avec son épouse avant leur mariage ; qu'à la date à laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé l'admission au séjour le couple n'avait pas d'enfant ; qu'il n'établit pas être démuni d'attaches familiales en Chine où réside son père et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans ; que la circonstance qu'il exerce l'emploi d'aide cuisinier plongeur au sein de la société SARL IDYL depuis décembre 2007 ne suffit pas à justifier de son intégration alors au surplus qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'a sollicité une autorisation de travail qu'en avril 2010 ; qu'il ressort par ailleurs des observations de la fiche de salle qu'il parle très peu le français ; que dans ces conditions, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 septembre 2010 comme étant entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté :

Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2010-00550 du 28 juillet 2010, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 3 août 2010, le PREFET DE POLICE a donné à Mme Béatrice B, conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 10ème bureau, délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; que si M. A allègue que le PREFET DE POLICE n'apporte pas la preuve de son empêchement, il appartient à la partie contestant la qualité du délégataire pour signer l'arrêté attaqué d'établir que le préfet n'était pas empêché ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté attaqué n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière et serait empêché manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué comporte le fondement juridique et les éléments de fait qui ont présidé à l'édiction de cette décision ; qu'il mentionne le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales notamment ses articles 3 et 8 et précise qu'il n'a pas été porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A à mener une vie privée et familiale ni qu'il risque d'être exposé à des peines ou traitements contraires à ladite convention en cas de retour dans son pays d'origine ; que dès lors le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A ; que le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ; qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. A, qui, selon ses déclarations est entré en France le 28 février 2001, ne résidait pas habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté pris le 21 septembre 2010 ; qu'il s'ensuit que le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ; que dès lors, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'il est arrivé en France en février 2001, a occupé depuis plus de neuf ans sans discontinuer divers emplois dans la restauration et dispose d'un contrat à durée indéterminée en tant que cuisinier, ces circonstances ne suffisent pas à établir que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en estimant que son admission au séjour, par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels ; que par ailleurs il n'est en tout état de cause pas fondé à obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " salarié ", dès lors que l'emploi de cuisinier qu'il exerce ne figure pas sur la liste des métiers connaissant des difficultés de recrutement fixée par l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisé ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que si M. A fait valoir que son frère est titulaire d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", qu'il est marié depuis le 8 janvier 2010 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, et que de cette union est né un enfant le 30 octobre 2010, peu de temps après l'arrêté attaqué, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, eu égard aux conditions de son séjour en France et au caractère très récent de son mariage, que l'arrêté attaqué ait porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant enfin, que M. A ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est constant qu'il n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement et que le PREFET DE POLICE, qui n'avait pas à s'en saisir d'office, n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de cet article ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 21 septembre 2010 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par M. A en vue de l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2010 par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A tant devant le tribunal administratif que devant la Cour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA03354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03354
Date de la décision : 21/06/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Jean-François TREYSSAC
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : VOLLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-21;11pa03354 ?
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