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08/06/2012 | FRANCE | N°11PA02271

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juin 2012, 11PA02271


Vu l'arrêt en date du 12 mars 2009, rendu sous le n°07PA00587, par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté, dans l'article 1er de cet arrêt, l'appel principal formé par la société LEGEPS et, dans l'article 2 de cet arrêt, les conclusions d'appel incident du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

Vu la décision n°327764 en date du 27 avril 2011 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'article 1er de l'arrêt susmentionné et renvoyé l'affaire à la Cour dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;

Vu le mémoire, enr

egistré le 7 mars 2012, présenté pour la société LEGEPS, qui conclut aux mêm...

Vu l'arrêt en date du 12 mars 2009, rendu sous le n°07PA00587, par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté, dans l'article 1er de cet arrêt, l'appel principal formé par la société LEGEPS et, dans l'article 2 de cet arrêt, les conclusions d'appel incident du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

Vu la décision n°327764 en date du 27 avril 2011 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'article 1er de l'arrêt susmentionné et renvoyé l'affaire à la Cour dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2012, présenté pour la société LEGEPS, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, et qui soutient en outre que :

- le placement financier qu'elle a réalisé sur un compte bancaire constituait une opération financière présentant un caractère avantageux pour elle, dès lors qu'il lui permettait de bénéficier d'une rentabilité élevée et d'un montant de crédit important à un taux bas ;

- le placement en litige ne constituant pas un acte anormal de gestion, c'est à tort que l'administration a refusé la déduction du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés des provisions constituées en vue de faire face aux pertes constatées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2012 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Morisset, avocat de la société LEGEPS ;

Considérant que la société LEGEPS fait appel du jugement n°0001398/2 rendu le

11 décembre 2006 par le Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995 en conséquence d'un redressement portant sur le rejet d'une provision pour dépréciation d'éléments financiers ; que, par l'arrêt susvisé en date du 12 mars 2009, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté, dans l'article 1er de cet arrêt, l'appel principal ainsi formé par la société LEGEPS et, dans l'article 2 de cet arrêt, les conclusions d'appel incident du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique tendant à l'annulation du jugement susmentionné en tant qu'il a déchargé la société de la majoration de 40 % pour mauvaise foi dont étaient assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie à raison des provisions constituées au titre de l'année 1995 ; que, par la décision susvisée en date du 27 avril 2011, le Conseil d'Etat a annulé l'article 1er de l'arrêt susmentionné et renvoyé l'affaire à la Cour dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société LEGEPS, qui exerce une activité dans le domaine de la sécurité et du gardiennage, a ouvert le 27 janvier 1994 un compte à vue auprès de la banque Euro Pacific limited, dont le siège social était au Vanuatu, sur lequel a ensuite été déposée la somme de 2 000 000 F ; que cet établissement bancaire ayant été mis en liquidation judiciaire le 7 décembre 1995, la société LEGEPS a constitué le 31 décembre 1995 une provision de 2 000 000 F visant à couvrir le risque de perte de la somme du même montant déposée sur le compte qu'elle détenait dans cet établissement ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1994 et 1995, l'administration fiscale a réintégré la somme de 2 000 000 F dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1995 au motif que le placement financier en litige constituait un acte étranger à une gestion normale, insusceptible d'ouvrir droit à l'écriture d'une provision déductible du bénéfice imposable ;

Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges, comprenant notamment des provisions, supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; que ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges étrangères à une gestion commerciale normale ; que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration, à qui il n'appartient toutefois pas de se prononcer sur l'opportunité du choix arrêté par une entreprise pour la gestion de sa trésorerie, doit apprécier si les placements auxquels celle-ci a procédé correspondent à des actes de gestion commerciale normale ; que cet intérêt n'est pas méconnu lorsqu'une entreprise se livre à des opérations financières dans des conditions présentant pour elle un caractère avantageux ; qu'il en va autrement si, compte tenu des circonstances dans lesquelles il intervient et de l'objet qu'il poursuit, un placement financier excède manifestement les risques qu'un chef d'entreprise peut, eu égard aux informations dont il dispose, être conduit à prendre, dans une situation normale, pour améliorer les résultats de son entreprise ;

Considérant, en premier lieu, que le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 15 janvier 1994 de la société LEGEPS, présidée par M. A, fait état d'une résolution unique ainsi rédigée : " Le président rappelle que des opportunités s'offrent pour ouvrir un compte bancaire à l'étranger pour différentes raisons et notamment un taux de placement élevé par rapport au marché national ; la société peut régler certaines dépenses (URSAAF, TVA, GARP) et ne sera débitée sur le compte qu'un mois ou deux après ce qui permettra de placer cet argent pendant ce temps-là ; par ailleurs la banque étrangère peut aider pour l'obtention d'un montant élevé de crédit à des taux très bas pour financer certains projets rentables pour la société à l'étranger (complexe hôtelier au Maroc). Il sera procédé à un transfert de deux millions de francs sur un compte bancaire ouvert au nom de la société à Port Vila d'ici quelques jours. Les associés approuvent cette opération à l'unanimité " ; qu'il résulte de cette résolution que le placement d'une somme de 2 000 000 de francs sur un compte bancaire ouvert auprès de la banque Euro Pacific limited au Vanuatu a tout d'abord été décidé par la société LEGEPS en considération du caractère avantageux des conditions de fonctionnement et de rémunération, à hauteur de 8% par an, de ce compte bancaire ; que, si cette opération financière a également eu pour objet de faciliter l'obtention ultérieure d'un prêt à des conditions avantageuses en vue de financer la réalisation d'un complexe hôtelier au Maroc, la circonstance que cette activité soit étrangère à l'objet social de la société n'est pas, par elle-même, contrairement à ce que soutient l'administration, de nature à établir que ladite opération relève d'une gestion anormale, dès lors que ne relèvent d'une telle gestion que les opérations décidées à des fins étrangères aux intérêts de l'entreprise et que l'administration n'établit pas que le projet de réalisation d'un complexe hôtelier au Maroc, envisagé en considération de son caractère rentable pour la société LEGEPS, était étranger à l'intérêt propre de cette entreprise ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du jugement rendu le 6 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle, devenu définitif en tant qu'il a déclaré M. Gilles Daniel coupable d'exercice illégal d'une activité bancaire et d'escroquerie au préjudice de plusieurs victimes, dont la société LEGEPS, qu'au cours du second semestre 1993, M. A, dirigeant de cette société, qui disposait alors d'excédents de trésorerie, a rencontré par l'intermédiaire de l'ancien interlocuteur de cette société au Crédit Lyonnais, dont elle était cliente, M. Daniel, qui s'est alors présenté à lui comme associé majoritaire de la société FBI, dont l'activité était le façonnage et le brochage de journaux, représentant légal de la banque Euro Pacific limited et adjoint au maire d'un arrondissement de Paris ; que M. Daniel, en se prévalant de ces qualités et en présentant une garantie hypothécaire d'un montant équivalent sur les murs et le fonds de commerce d'une boulangerie à Paris, a amené le représentant de la société LEGEPS à décider d'effectuer un dépôt de 2 000 000 F sur un compte ouvert auprès de la banque Euro Pacific limited, en faisant valoir les conditions avantageuses de cette opération ainsi que les perspectives de crédits ultérieurs qu'elle ouvrait ; que, compte tenu des circonstances dans lesquelles le dépôt de cette somme est intervenu et de l'objet qu'il poursuivait, l'administration n'établit pas que ce placement financier excédait manifestement les risques qu'un chef d'entreprise peut, eu égard aux informations dont il dispose, être conduit à prendre, dans une situation normale, pour améliorer les résultats de son entreprise ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a regardé la provision de 2 000 000 F constituée le 31 décembre 1995 pour couvrir le risque de perte de la somme déposée sur le compte bancaire en cause comme causée par un acte anormal de gestion et en a refusé la déduction ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LEGEPS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995 en conséquence du redressement en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société LEGEPS et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La société LEGEPS est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995 en conséquence du redressement portant sur le rejet d'une provision de 2 000 000 F pour dépréciation d'un élément d'actif consistant en un compte bancaire.

Article 2 : L'Etat versera à la société LEGEPS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n°0001398/2 rendu le 11 décembre 2006 par le Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 11PA02271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02271
Date de la décision : 08/06/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-04-02-01-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Principe.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS AVODIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-08;11pa02271 ?
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