Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2010, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0608236 du 24 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 16 mars 2006 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Mohamed A et l'a invité à quitter le territoire français ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2012 :
- le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur ;
- et les observations de Me Achmaoui, avocat de M. A ;
Considérant que M. A, de nationalité marocaine, a sollicité le 11 octobre 2005 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décision du 16 mars 2006, le PREFET DE POLICE a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français ; que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement du 24 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
Considérant que pour annuler la décision en litige, les premiers juges se sont fondés sur les circonstances que M. A était entré en France en 1964, à l'âge d'un an, accompagné de sa mère, qu'il y avait effectué sa scolarité de 1967 à 1977, que l'arrêté d'expulsion du territoire français du 21 mai 1984 dont il avait fait l'objet avait été annulé le 10 novembre 1987 et qu'il avait bénéficié d'un suivi par les services sociaux depuis les années 1990 ; que les premiers juges ont également retenu que M. A avait été mis en possession de plusieurs autorisations provisoires de séjour, notamment au titre de l'année 1991 et que, nonobstant la circonstance que les pièces justificatives pour certaines années fissent défaut, l'intéressé devait être regardé comme s'étant maintenu de façon continue sur le territoire français depuis 1964 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la continuité du séjour en France de M. A depuis 1964 n'est pas établie ; qu'en effet, l'intéressé n'a produit aucun certificat de scolarité au titre des années 1970 à 1973 et 1975 à 1976 ; que, par ailleurs, les certificats médicaux des 18 novembre 1992, 5 avril 1993 et
9 janvier 2006, l'attestation de l'association " AIDES " du 15 décembre 2005, l'attestation d'affiliation à l'assurance maladie pour la période du 1er janvier 2001 au 27 octobre 2006 et les diverses attestations de proches qu'il a versées au dossier ne permettent pas, en raison de leur nombre et de leur valeur probante insuffisante, d'établir que M. A résidait en France de manière continue depuis l'année 1964 comme il l'allègue, ni même depuis plus de dix ans à la date de la décision litigieuse ; qu'en outre, l'intéressé a été condamné les 21 décembre 1988, 2 août 1991, 24 janvier 1994, 3 février 1994 et 17 novembre 1997 à plusieurs peines d'emprisonnement pour, notamment, des faits de vol et d'infraction à la règlementation sur l'acquisition, la détention ou l'emploi de stupéfiants ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler la décision du 16 mars 2006 par laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les autres moyens invoqués par M. A :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte. (...) " ;
Considérant que les périodes durant lesquelles un étranger se maintient en France en méconnaissance de peines d'interdiction du territoire prononcées contre lui par le juge pénal, fussent-elles non exécutées, ne sauraient, pour la durée de celles-ci, être prises en compte au titre de la condition de résidence habituelle énoncée par ces dispositions ; qu'en l'espèce, si M. A soutient qu'il vit en France depuis l'année 1964 et qu'il n'a jamais quitté le territoire français, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine d'interdiction du territoire français de dix ans prononcée en janvier 1994, dont la durée ne peut être imputée dans le décompte de la durée de résidence pour l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article L. 313-11du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi M. A ne peut utilement se prévaloir du temps durant lequel il s'est soustrait à l'exécution de cette mesure ; qu'en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit précédemment, les pièces produites par M. A ne suffisent pas à établir que l'intéressé aurait résidé en France de façon habituelle et continue pendant plus de dix ans à la date de la décision attaquée ; que, par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement, le PREFET DE POLICE n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L.313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
Considérant que M. A fait valoir que la totalité de sa famille réside en France et qu'il ne dispose plus d'aucune attache familiale dans son pays d'origine où il n'est jamais retourné depuis quarante-deux ans ; que, toutefois , il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France, que sa résidence habituelle et continue en France depuis l'année 1964 n'est pas établie et que, contrairement à ses allégations, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que, par suite, et eu égard aux condamnations à des peines d'emprisonnement dont l'intéressé a fait l'objet, la décision de refus de séjour en date du 16 mars 2006 n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 16 mars 2006 ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n°0608236 du Tribunal administratif de Paris en date du 24 février 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
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N°10PA02076