La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2012 | FRANCE | N°11PA03723

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 07 juin 2012, 11PA03723


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2011, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM), dont le siège est Tour Galliéni II 36 avenue du Général de Gaulle à Bagnolet Cedex (93175), par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0908823/6-1 du 17 juin 2011 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il l'a condamné à verser, d'une part, à Mmes Eva et Myriam A la somme de 162 000 euros en leur qualité d'ayants droit de leur père, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie d

u Val d'Oise la somme de 320 303, 44 euros, assortie des intérêts au taux...

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2011, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM), dont le siège est Tour Galliéni II 36 avenue du Général de Gaulle à Bagnolet Cedex (93175), par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0908823/6-1 du 17 juin 2011 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il l'a condamné à verser, d'une part, à Mmes Eva et Myriam A la somme de 162 000 euros en leur qualité d'ayants droit de leur père, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise la somme de 320 303, 44 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2011 ;

2°) de ramener l'évaluation des préjudices subis par M. Yves A à la somme de 12 000 euros ;

3°) d'ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Meimoun Huglo, pour Mmes A ;

Considérant que par jugement du 17 juin 2011, qui n'est pas contesté sur ce point, le Tribunal administratif de Paris a reconnu, d'une part, que M. Yves A avait bénéficié de la transfusion de neuf culots globulaires et d'un flacon d'une préparation coagulante PPSB lors de l'intervention chirurgicale qu'il a subie en février 1978 pour une cholécystite aiguë à la clinique Alexis Carrel de Sarcelles, devenue l'hôpital privé Nord parisien, d'autre part, que les ayants droit de M. A devaient être regardés comme apportant un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de la contamination transfusionnelle de ce dernier par le virus de l'hépatite C un degré suffisamment élevé de vraisemblance, compte tenu du risque élevé de contamination que représentait à cette époque l'administration de produits sanguins dont le statut sérologique des donneurs n'avait pu être contrôlé ; qu'il résulte de l'instruction que le diagnostic de l'hépatite C de M. A a été posé en septembre 1994, à l'occasion de son hospitalisation au centre hospitalier de Gonesse pour une hémorragie digestive en rapport avec une rupture de varice oesophagienne par cirrhose ; que le 24 novembre 1996 une transplantation hépatique à été réalisée à l'hôpital Beaujon de Clichy ; que cependant le greffon a lui-même été contaminé par le virus de l'hépatite C et que M. A a été à nouveau inscrit sur la liste d'attente de transplantation en mai 2006 ; que M. A est décédé le 19 novembre 2007 ; que ses filles ont saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à les indemniser des préjudices ayant résulté, pour leur père et pour elles-mêmes, de la contamination de ce dernier par le virus de l'hépatite C ; que, par le jugement attaqué du 17 juin 2011, ce tribunal a fait droit à leurs demandes en condamnant l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM), légalement substitué à l'EFS à la date du 1er juin 2010 en vertu des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issues du I de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, à verser, d'une part, à Mmes A la somme de 162 000 euros en leur qualité d'ayants droit de leur père et la somme de 12 000 euros en leur nom propre, et, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise la somme de 320 303, 44 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2011 ; que l'ONIAM relève appel de ce jugement en ce qu'il a mis à sa charge la somme de 162 000 euros au titre des préjudices personnels subis par M. A, demandant d'en ramener l'évaluation à la somme de 12 000 euros, et les débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise ; que, par la voie de l'appel incident, Mmes A relèvent appel de ce jugement en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leurs demandes indemnitaires s'agissant du préjudice spécifique de contamination de M. A et de leurs préjudices propres ;

Sur l'évaluation des préjudices de M. A :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise a produit au dossier une attestation en date du 25 mars 2011 pour justifier de débours d'un montant global de 320 303, 44 euros ; que ceux-ci portent selon les termes de cette attestation sur des prestations servies à la victime " à l'occasion de l'accident médical du 15 mai 1968 " ; que les frais de transport, frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage ne sont aucunement détaillés, ne permettant pas de vérifier leur rattachement à la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C ; que si figure dans cette attestation une liste des hospitalisations subies par M. A entre 1996 et 2007, l'objet de celles-ci n'est pas mentionné ; que la caisse ne justifie donc pas plus du rattachement de ces dépenses à la contamination de M. A ; que cependant, peuvent être admises comme présentant nécessairement ce lien les dépenses relatives aux hospitalisations du 23 au 26 juillet 1996 d'un montant de 1 284, 23 euros, du 6 au 21 novembre 1996 d'un montant de 2 459, 32 euros et du 26 novembre 1996 au 31 décembre 1996 d'un montant de 92 214, 58 euros, qui correspondent à la transplantation du foie que l'intéressé a subie ; que, de même, il résulte de l'instruction et notamment d'un compte rendu d'hospitalisation produit au dossier pour la période du 26 décembre 1996 au 8 janvier 1997 que cette dernière concernait les suites de la transplantation hépatique ; qu'il y a donc lieu de prendre en compte les dépenses d'un montant de 4 189, 30 euros figurant à l'attestation de débours de la caisse pour la période supplémentaire du 2 au 8 janvier 1997 ; qu'enfin la période d'hospitalisation du 25 octobre au 19 novembre 2007, dont les frais s'élèvent à la somme de 55 714, 76 euros, précédant le décès de M. A doit nécessairement être prise en compte ; qu'ainsi parmi les débours dont la caisse atteste, seule la somme globale de 155 862, 19 euros peut être regardée comme justifiée ; qu'il y a lieu par conséquent de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 320 303, 44 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2011 au titre des dépenses de santé exposées par la caisse et de ramener celle-ci à la somme de 155 862, 19 euros qui sera assortie des mêmes intérêts ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que dès l'année 1996, la pathologie présentée par M. A avait atteint le stade de cirrhose constituée et que ce dernier était victime de décompensations oedémato-ascitiques, ayant conduit à l'indication d'une transplantation hépatique qui sera réalisée le 24 novembre 1996 ; qu'il ressort des certificats de praticiens hospitaliers de l'hôpital Beaujon produits au dossier que cependant dès l'année 1998 M. A présentait une récidive de l'infection par le virus de l'hépatite C ; que le patient a alors souffert à nouveau d'ascite et des complications de l'évolution cirrhogène du nouveau greffon hépatique ; que la circonstance que le Professeur C a réalisé son expertise en février 2011, soit plusieurs années après le décès de M. A, explique qu'il ait conclu qu'il ne pouvait apprécier en fonction des éléments objectifs en sa possession la durée d'incapacité temporaire totale et le taux de l'éventuelle incapacité permanente partielle de M. A ; que, contrairement à ce que prétend l'ONIAM, cette impossibilité ne repose aucunement sur la difficulté de faire le départ entre les antécédents médicaux de M. A, notamment sa maladie périodique, et sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction, que la maladie périodique dont souffrait M. A n'a eu qu'un rôle annexe dans son état de santé résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, notamment dans des récidives d'états fébriles, et qu'elle ne doit donc pas entrer en compte de ce fait dans l'évaluation de ces préjudices ; que l'absence d'appréciation par l'expert de ces postes de préjudice ne faisait toutefois pas obstacle à ce que les premiers juges les évaluent eux-mêmes, sans commettre d'erreur de droit, au regard de la connaissance précise de l'état de santé de l'intéressé apportée par l'ensemble des pièces du dossier ; qu'ils ne se sont pas, contrairement à ce que fait valoir l'ONIAM, fondés uniquement sur les causes du décès de celui-ci pour évaluer ses troubles dans les conditions d'existence, mais sur la gravité de son état préalablement à son décès aboutissant au tableau final relevé par ceux-ci ; qu'il résulte également de l'instruction, notamment du rapport du Professeur D, expert désigné par ordonnance du 2 février 2007 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris, déposé le 30 octobre 2007, ce document pouvant, bien que les opérations d'expertise aient été annulées par la juridiction administrative, être retenu à titre d'information dès lors qu'il est versé au dossier et soumis au débat contradictoire des parties, que M. A a connu, du fait des complications de sa transplantation hépatique, une longue période d'incapacité temporaire totale, que cet expert a évaluée à plus de 5 ans en fonction des périodes d'arrêts de travail qu'il a pu prendre en compte ; qu'en effet le Professeur D a pu examiner M. A avant sa mort et consulter son dossier médical ; que ce praticien a évalué le taux d'incapacité permanente partielle de M. A à 50% correspondant à une cirrhose décompensée ; qu'il résulte donc de l'instruction, compte tenu de ces éléments, que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent subi par M. A depuis la stabilisation de son état de santé en 1998 après la greffe hépatique, et alors qu'il était âgé de 54 ans, peut être évaluée à la somme de 85 000 euros ; que le préjudice d'agrément qu'il a subi, qualifié d'important par le Professeur C, peut être fixé à la somme de 8 500 euros ; qu'enfin en fonction d'une durée qui peut être estimée à environ deux ans, depuis la période de décompensation hépatique jusqu'à la stabilisation de la greffe pratiquée en 1996, l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire doit être évaluée à la somme de 10 000 euros ; qu'il y a lieu également de prendre en compte les craintes légitimes éprouvées par M. A quant à l'évolution de son état de santé et à la perte de chance de survie en lui allouant à ce titre une somme de 10 000 euros ; que les premiers juges ont donc fait une appréciation excessive des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A en les évaluant à 150 000 euros, cette somme devant être ramenée à 113 500 euros ;

Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des souffrances endurées par M. A, estimées par le Professeur C à cinq sur une échelle de sept, en en fixant la réparation à la somme de 12 000 euros qui n'est pas contestée par les parties ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme globale de 162 000 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mmes A en leur qualité d'ayants droit de leur père, doit être ramenée à la somme de 125 500 euros ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure ;

Sur les conclusions subsidiaires de Mmes A :

Considérant que Mmes A demandent à titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à leur demande tendant à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il leur a alloué la somme de 150 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence subis par leur père, la condamnation de l'ONIAM à leur verser la somme de 75 000 euros au titre du préjudice de contamination de leur père ;

Considérant qu'il convient d'écarter la demande formée par Mmes A au titre d'un préjudice spécifique de contamination, dès lors que la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable distinct de celui réparé ci-dessus au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence ;

Sur les préjudices de Mmes A en leur nom propre :

Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice d'affection enduré par Mmes A du fait du décès de leur père en l'évaluant à la somme de 6 000 euros allouée à chacune d'elles ;

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme Eva A n'était pas fondée à se prévaloir d'un préjudice d'accompagnement, lequel correspond aux bouleversements sur leur mode de vie au quotidien, dont sont victimes les proches de la victime directe de l'accident médical, jusqu'au décès de celle-ci ; qu'en effet si elle se prévaut d'une assistance apportée à son père, il résulte de l'instruction que celle-ci était ponctuelle et ne correspondait pas au partage d'une communauté de vie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mmes A ne sont pas fondées à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à l'ensemble de leurs conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par l'ONIAM :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires ; que, lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation ; qu'ainsi les conclusions de l'ONIAM tendant à ce que la Cour ordonne le remboursement des sommes qu'il a dû verser au titre de l'exécution du jugement attaqué à Mmes A et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise, dont le montant est réformé en appel, sont sans objet ; qu'elles ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mmes A doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 162 000 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mmes A en leur qualité d'ayants droit de leur père, M. Yves A, par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 17 juin 2011, est ramenée à 125 500 euros.

Article 2 : La somme de 320 303, 44 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2011 que l'ONIAM a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise, par l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 17 juin 2011, est ramenée à 155 862, 19 euros assortie des mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement susmentionné du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM est rejeté.

Article 5 : L'appel incident de Mmes A est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de Mmes A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

N° 11PA03723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03723
Date de la décision : 07/06/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme FOLSCHEID
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-07;11pa03723 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award