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24/05/2012 | FRANCE | N°10PA02786

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 mai 2012, 10PA02786


Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2010, présentée pour la société à responsabilité limitée BARANCO, dont le siège est 18, rue des Fossés-Saint-Jacques à Paris (75005) par Me Garitey, avocat ; la SARL BARANCO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600831 du 19 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'amende fiscale qui lui a été appliquée sur le fondement des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts pour les années 2001 et 2002 ;

2°) de lui accorder la décharge de cette

amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'...

Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2010, présentée pour la société à responsabilité limitée BARANCO, dont le siège est 18, rue des Fossés-Saint-Jacques à Paris (75005) par Me Garitey, avocat ; la SARL BARANCO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600831 du 19 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'amende fiscale qui lui a été appliquée sur le fondement des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts pour les années 2001 et 2002 ;

2°) de lui accorder la décharge de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :

- le rapport de M. Niollet, rapporteur,

- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bourgi, avocat de la SARL BARANCO ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL BARANCO qui exerce une activité de commerce en gros de produits alimentaires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2000 au 30 septembre 2002, au cours de laquelle l'administration a, le 15 décembre 2004, établi un procès-verbal constatant les infractions réprimées par l'amende prévue par les dispositions du premier alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts alors en vigueur ; que la société relève appel du jugement du 19 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des amendes qui ont été établies en conséquence ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans sa demande en décharge devant le tribunal administratif, la société avait contesté l'assiette des amendes appliquées sur le fondement des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts, en soutenant que les amendes avaient été établies à partir du total de ses fichiers comptables et non à partir du total des paiements reçus en règlement de ses factures, en méconnaissance des prescriptions de l'instruction administrative du 27 juillet 1998 ; que le tribunal administratif n'a pas examiné le moyen ainsi présenté par la société ; que son jugement doit donc être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande en décharge présentée par la société devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la motivation du procès-verbal du 15 décembre 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1740 ter du code général des impôts, alors en vigueur : " Lorsqu'il est établi qu'une personne, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles a travesti ou dissimulé l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, ou sciemment accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations (...) " ; et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales applicable aux sanctions mises en recouvrement à compter du 1er janvier 2001 : " Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 1740 ter du code général des impôts et L. 80 D du livre des procédures fiscales que l'administration doit faire connaître au redevable, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de la pénalité, les motifs de la sanction envisagée et la possibilité de présenter ses observations ;

Considérant, en premier lieu, que le procès-verbal du 15 décembre 2004 se réfère expressément aux dispositions du premier alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts ; que la mention de l'article 1840 N sexies de ce code dans ce procès-verbal résultant d'une erreur de plume, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ;

Considérant, en deuxième lieu, que le procès-verbal du 15 décembre 2004 énonce notamment qu'il a pu être constaté au cours de la vérification de comptabilité que la société acceptait de ses clients commerçants des paiements au moyen de tickets-restaurants, que l'identité des clients utilisant ce moyen de paiement a été recherchée, que l'utilisation d'un faux nom de client a pu être démontrée dans un certain nombre de cas, et que dans ces cas l'identité du client portée sur les factures de vente et les documents comptables ne correspond ni au nom commercial ni à la raison sociale d'établissements existants ; que ce procès-verbal énonce également que le relevé des adresses fourni par la société a permis d'effectuer un second recoupement, et que si à ces adresses il existe réellement des commerces correspondant à la clientèle habituelle de la société, aucun lien n'a pu être fait entre les noms employés dans les comptes et les noms commerciaux ou raisons sociales de ces entreprises ; qu'il ajoute qu'à partir des fichiers comptables de la société, ont été extraits les comptes de paiement en tickets-restaurants, puis les noms et adresses des clients ayant employé ce mode de paiement, et les comptes clients utilisant un faux nom ; qu'il précise que la société ne pouvait ignorer ce fait puisqu'elle effectuait elle-même les livraisons de marchandises chez les clients concernés ; que, contrairement à ce que soutient la société, l'administration ne s'est, dans ce procès-verbal, pas fondée sur un raisonnement global à partir des fichiers comptables de la société dont elle ne s'est servie que pour isoler les paiements reçus au moyen de tickets-restaurants, mais a examiné les factures correspondantes pour lesquelles elle a fait application de l'amende et en a donné la liste dans les tableaux annexés sur 141 pages ; qu'ainsi, ce procès-verbal est suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ; qu'il résulte des dispositions de la seconde phrase de cet alinéa, issues de l'article 47 de la loi du 30 décembre 2008 susvisée, qui sont d'application immédiate y compris dans les instances en cours, que sont opposables à l'administration, dans les mêmes conditions que les instructions ou circulaires publiées relatives aux impositions elles-mêmes, celles qui sont relatives aux pénalités fiscales ; que les contribuables peuvent, sur ce fondement, opposer à l'administration des doctrines antérieures à la publication de la loi susmentionnée ; que, toutefois, les instructions administratives du 23 décembre 1998, du 8 mars 2000 et du 19 février 2007 dont la société revendique le bénéfice, sont relatives à la procédure d'établissement de l'amende et ne peuvent dès lors, en tout état de cause, être utilement invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des amendes :

Considérant qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de ces dispositions de l'article 1740 du code général des impôts, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de ces dispositions ;

Considérant, d'une part, que l'administration établit en se référant aux énonciations, rappelées ci-dessus, du procès-verbal du 15 décembre 2004, contresigné par le gérant de la société, que celle-ci a travesti ou dissimulé, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles, l'identité de ses clients ayant payé au moyen de tickets-restaurants ; que l'administration établit également que la société a notamment utilisé un double compte client, non dans le but de distinguer les paiements par tickets restaurant effectués par les particuliers et ceux effectués par les professionnels, mais afin de distinguer les opérations régulièrement facturées, pour lesquelles elle a mentionné l'identité réelle du client, des opérations pour lesquelles elle a travesti l'identité du client ; que la société ne pouvait ignorer cette situation qui concernait respectivement 20 % et 17 % du chiffre d'affaires pendant les années 2001 et 2002, puisqu'elle effectuait elle-même les livraisons de marchandises chez les clients concernés ; que le fait pour la société d'avoir fourni les données nécessaires à l'identification des clients avant l'établissement du procès-verbal, et les circonstances que les opérations litigieuses ont été comptabilisées et déclarées, que la société n'aurait retiré aucun profit des infractions rappelées ci-dessus et que ses clients ne se sont pas vus appliquer les mêmes amendes, sont sans incidence sur le bien-fondé des amendes en litige ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que la société soutient en invoquant les prescriptions de l'instruction administrative du 27 juillet 1998, les amendes en litige ont été établies, non à partir du total de ses fichiers comptables mais à partir du total des paiements qu'elle a reçus au moyen de tickets-restaurants ;

Sur la compatibilité des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts avec les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que les dispositions précitées de l'article 1740 ter du code général des impôts proportionnaient l'amende qu'elles instituaient au montant des sommes sur lesquelles portait l'infraction que l'amende vise à réprimer ; que le code général des impôts prévoyait, notamment en ses articles 1740 ter A et 1740 quater, d'autres pénalités, nettement différenciées par leur assiette et leur taux, applicables, comme l'amende de l'article 1740 ter, à des contraventions aux obligations des contribuables en matière de facturation ; que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; que la société n'est donc pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts n'étaient pas compatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL BARANCO n'est pas fondée à contester les amendes qui lui ont été appliquées sur le fondement des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0600831 du 19 mars 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de la SARL BARANCO devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

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N° 10PA02786

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA02786
Date de la décision : 24/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : GARITEY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-05-24;10pa02786 ?
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