La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2012 | FRANCE | N°11PA02501

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 10 mai 2012, 11PA02501


Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2011, présentée pour M. Celal A, demeurant chez ..., par Me Jove Dejaiffe ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100034/2 du 28 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 13 décembre 2010 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour

sur le fondement de l'article L. 313-14 ou de l'article L. 313-11 7° du c...

Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2011, présentée pour M. Celal A, demeurant chez ..., par Me Jove Dejaiffe ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100034/2 du 28 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 13 décembre 2010 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 ou de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour en application des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°) à défaut, d'enjoindre audit préfet de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement susmentionné et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, injonction assortie d'une astreinte de 80 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et les frais de justice ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité turque, entré en France en juin 2008 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté en date du 13 décembre 2010, le préfet de Seine-et-Marne a opposé un refus à sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. A relève régulièrement appel du jugement du 28 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que, comme l'ont à juste titre indiqué les premiers juges, M. Serge B, secrétaire général de la préfecture de Seine-et-Marne, a, par arrêté n° 10/PCAD/14 du 20 septembre 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 38 du 21 septembre 2010 de la préfecture de Seine-et-Marne, reçu du préfet de Seine-et-Marne délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de Seine-et-Marne ; que, compte tenu du caractère réglementaire de cet acte et de sa publication, M. A ne saurait utilement ni sérieusement soutenir que le tribunal administratif, en ne lui communiquant pas cet arrêté avant l'audience, aurait violé le principe du contradictoire et méconnu l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A se borne à reprendre dans sa requête les moyens invoqués en première instance tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour, du vice de procédure faute de saisine de la commission du titre de séjour, et de la violation des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans les assortir d'arguments ou d'éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont portée à bon droit sur le bien-fondé de tels moyens ; que, par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens ;

Considérant, en troisième lieu, d'une part, que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif s'est fondé à bon droit sur les motifs, qu'il y a lieu d'adopter, que la seule promesse d'embauche en qualité de coiffeur présentée par l'intéressé à l'appui de sa demande auprès de l'autorité préfectorale ne saurait constituer un motif exceptionnel susceptible de lui donner droit à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", que par ailleurs, la profession de coiffeur, pour laquelle il ne justifie d'aucune expérience probante, n'est pas au nombre des métiers limitativement énumérés par la liste des professions en tension pour l'Ile-de-France annexée à l'arrêté ministériel susvisé du 18 janvier 2008 permettant la délivrance à titre exceptionnel de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", qu'en outre, il ressort des termes mêmes de l'article L. 313-14 précité que pour bénéficier d'un titre de séjour délivré sur ce fondement, il appartient à l'intéressé d'établir que sa situation privée et familiale répond à des considérations humanitaires ou de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour, enfin que les circonstances que M. A maîtrise parfaitement la langue française, ait exercé une activité professionnelle en qualité de manutentionnaire, pour laquelle il ne produit que quelques bulletins de salaire pour l'année 2006 et ait des attaches familiales en France ne sauraient être regardées comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels susceptibles de lui donner droit à la délivrance d'un titre de séjour ; que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que l'intéressé soutient en cause d'appel, qu'il aurait effectué sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale et non pas en qualité de salarié ; qu'en tout état de cause, la circonstance qu'il invoque du décès en France le 22 mai 2005 de son épouse avec qui il a vécu un an et demi ne saurait constituer à elle seule un motif exceptionnel ou une considération humanitaire permettant son admission au regard de sa vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions dudit article L. 313-14 doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que le préfet de Seine-et-Marne n'aurait pas procédé à l'examen de la demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de sa vie privée et familiale doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé, par la voie de l'exception, à en soulever l'illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

Considérant, en second lieu, que M. A se borne à reprendre dans sa requête le moyen invoqué de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle, sans apporter à l'appui de ses allégations d'autres éléments que ceux produits en première instance ; que ce moyen a été écarté à bon droit par le tribunal administratif ; que, par suite, il y a lieu, par adoption des motifs du jugement de première instance, d'écarter ce moyen ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant que la décision fixant le pays de destination constitue une décision distincte de celles portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que cette mesure de police doit être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il ressort de la décision litigieuse qu'elle ne comporte aucune considération de fait relative à la situation de M. A ; qu'elle est, par suite, entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 13 décembre 2010 en tant que cet arrêté fixe le pays à destination duquel il doit être reconduit, et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. " ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur son cas dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du préfet de Seine-et-Marne du 13 décembre 2010 fixant le pays à destination duquel M. A doit être reconduit est annulée.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 28 avril 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur son cas dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat (préfet de Seine-et-Marne) versera à M. A la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

N° 11PA02501


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02501
Date de la décision : 10/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : JOVE DEJAIFFE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-05-10;11pa02501 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award