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10/05/2012 | FRANCE | N°11PA00601

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 10 mai 2012, 11PA00601


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2011, présentée par l'AUTORITE DE REGULATION DES COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES ET DES POSTES (ARCEP), dont le siège est ... ; l'ARCEP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807117 et 0818131 du 3 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Outremer Telecom des sommes dues au titre de la redevance de gestion des fréquences radioélectriques du service fixe hertzien pour l'année 2005, mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative et rejeté ses propres conclusions au titre du même article ;...

Vu la requête, enregistrée le 3 février 2011, présentée par l'AUTORITE DE REGULATION DES COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES ET DES POSTES (ARCEP), dont le siège est ... ; l'ARCEP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807117 et 0818131 du 3 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Outremer Telecom des sommes dues au titre de la redevance de gestion des fréquences radioélectriques du service fixe hertzien pour l'année 2005, mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté ses propres conclusions au titre du même article ;

2°) de rejeter les conclusions de la société Outremer Telecom présentées devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la société Outremer Telecom la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment son article 34 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, et notamment son article 22 ;

Vu la loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992 portant loi de finances rectificative pour 1992, et notamment son article 83 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret ;

Vu le décret du 3 février 1993 relatif aux redevances de mise à disposition de fréquences radioélectriques et de gestion dues par les titulaires des autorisations délivrées en application des articles L. 33-1 et L. 33-2 du code des postes et télécommunications modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Rouxel, pour la société Outremer Telecom ;

Considérant que par ordre de paiement du 2 août 2006, l'AUTORITE DE REGULATION DES COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES ET DES POSTES (ARCEP) a mis à la charge de la société Outremer Telecom la somme de 2 607, 44 euros due au titre de la redevance de gestion des fréquences radioélectriques du service fixe hertzien pour l'année 2005 ; que par lettre du 21 décembre 2007 adressée à l'ARCEP, la société Outremer Telecom a demandé la décharge de cette obligation de payer ; qu'à la suite de la décision implicite de rejet de cette demande, ladite société a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'ordre de paiement du 2 août 2006 ainsi qu'à la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 607, 44 euros ; que l'ARCEP relève régulièrement appel du jugement en date du 3 décembre 2010 par lequel le tribunal a fait droit à la demande de la société Outremer Telecom ;

Sur la fin de non recevoir opposée en défense à l'ARCEP tirée du défaut de ministère d'avocat :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " Devant la cour administrative d'appel, l'Etat est dispensé du ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention " ; que, contrairement à ce que soutient la société défenderesse, l'ARCEP est une autorité administrative indépendante dépourvue de la personnalité morale ; qu'elle agit donc au nom de l'Etat et est dès lors dispensée du ministère d'avocat ; que par suite la fin de non recevoir opposée par la société Outremer Telecom ne peut être accueillie ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la minute du jugement que le tribunal a visé et analysé l'ensemble des mémoires produits par les parties, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; que le moyen d'irrégularité du jugement tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative manque donc en fait et doit être écarté pour ce motif ;

Considérant, en second lieu, que l'ARCEP fait grief au tribunal de n'avoir pas statué sur la fin de non recevoir qu'elle avait opposée à la société Outremer Telecom en raison de la tardiveté de la demande résultant de la tardiveté de la réclamation préalable ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la fin de non recevoir tirée de la tardiveté n'a été présentée par l'ARCEP que postérieurement à la clôture de l'instruction, par un mémoire du 12 novembre 2010 alors que la dernière clôture avait été fixée au 5 juillet 2010, puis dans une note en délibéré ; que si la tardiveté d'une requête est constitutive d'un moyen d'ordre public et peut par suite être invoquée à tout moment, il n'en résulte pas que le tribunal était tenu de rouvrir l'instruction et de statuer sur la fin de non recevoir ainsi opposée s'il estimait que le moyen n'était pas fondé et dès lors insusceptible d'avoir une incidence sur la solution du litige ; que, par suite, le moyen d'irrégularité du jugement résultant de l'omission à statuer sur la recevabilité de la demande présentée par la société Outremer Telecom et contestée par l'ARCEP doit également être écarté ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 83 de la loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992 portant loi de finances rectificative pour 1992 : " III. - 1. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 47 du code du domaine de l'Etat, le recouvrement et le contentieux des redevances de mises à disposition de fréquences radioélectriques et des redevances de gestion dues par les titulaires des autorisations délivrées en application des articles L. 33-1 et L. 33-2 du code des postes et télécommunications sont assurés par les comptables du Trésor selon les modalités fixées aux articles 80 à 95 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. " ; qu'aux termes de l'article 87 du décret du 29 décembre 1962 susvisé : " Tout ordre de recettes fait l'objet d'un recouvrement amiable ou d'un recouvrement forcé. Dans ce dernier cas, les poursuites sont exercées comme en matière d'impôts directs, à la diligence du comptable qui a pris en charge l'ordre de recette. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles il est statué sur les oppositions aux titres de perception exécutoires mentionnés à l'article 85 ci-dessus et aux actes de poursuites " ; qu'aux termes de l'article 6 du décret du 29 décembre 1992 susvisé : " Les titres de perception mentionnés à l'article 85 du décret du 29 décembre 1962 susvisé peuvent faire l'objet de la part des redevables soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité, soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la validité en la forme d'un acte de poursuite. / Les autres ordres de recettes peuvent faire l'objet d'une opposition à poursuites. / Ces oppositions ont pour effet de suspendre le recouvrement. " ; qu'aux termes de l'article 7 de ce même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit, dans les délais fixés à l'article 8 ci-après, adresser sa réclamation appuyée de toutes justifications au comptable qui a pris en charge l'ordre de recette. " ; qu'aux termes de l'article 8 du décret : " La réclamation prévue à l'article précédent doit être déposée : / 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou à défaut du premier acte de poursuite qui en procède (...) " ; qu'aux termes enfin de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'absence de la mention, sur l'ordre de paiement émis par une autorité administrative en vue du recouvrement d'une redevance, des voies et délais de recours fait obstacle à ce que les délais fixés par l'article 8 du décret du 29 décembre 1992 soient opposables à la personne soumise à l'obligation de payer ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'ordre de paiement émis le 2 août 2006 par l'ARCEP à l'encontre de la société Outremer Telecom pour un montant de 2 607, 44 euros aurait comporté au verso l'indication des voies et délais de recours comme le soutient l'ARCEP ; qu'il appartient à la partie qui se prévaut d'une forclusion d'établir que les conditions de celle-ci sont remplies ; qu'en se bornant à affirmer qu'elle mentionne de manière constante les voies et délais de recours prévus aux articles 6 à 9 du décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 au verso de ses ordres de paiement, verso issu d'un modèle type dont elle ne garde pas de copie, et en produisant à cet effet quelques exemplaires d'ordres de paiement recto et verso, l'ARCEP n'établit pas la tardiveté de la réclamation préalable présentée par la société Outremer Telecom le 21 décembre 2007 contre la redevance litigieuse, ni par suite la forclusion de sa demande de première instance ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ARCEP n'est pas fondée à soutenir que la demande introduite devant le Tribunal administratif de Paris par la société Outremer Telecom est irrecevable ;

Au fond :

Sur la légalité de l'ordre de paiement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 33-1 du code des postes et communications électroniques, dans sa version applicable à la redevance litigieuse : " I. - (...) L'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont soumis au respect de règles portant sur : (...) m) L'acquittement des taxes dues par l'exploitant pour couvrir les coûts administratifs occasionnés par la mise en oeuvre des dispositions du présent livre, dans les conditions prévues par les lois de finances (...) " ; qu'aux termes de l'article 1 bis du décret susvisé du 3 février 1993 modifié, dans sa version applicable à la redevance litigieuse : " (...) B. - La redevance de gestion des fréquences radioélectriques du service fixe / a) Cette redevance s'applique aux fréquences supérieures à 29,7 MHz. (...) b) Les exploitants bénéficiant d'une attribution de bandes ou sous-bandes de fréquences avec application d'une redevance par MHz forfaitaire sont soumis à une redevance de gestion annuelle de 3 500 000 F. (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la " redevance de gestion des fréquences radioélectriques ", visée au B de l'article 1 bis du décret du 3 février 1993, entièrement forfaitaire et reversée au budget de l'Etat, ne trouve pas sa contrepartie directe dans une prestation fournie par l'ARCEP ; que ce droit, mis à la charge des opérateurs afin de répartir entre eux les frais liés à la gestion du spectre hertzien dans le cadre de la mission de régulation et de contrôle par l'Etat de l'utilisation des fréquences hertziennes, dans l'intérêt final des utilisateurs du service des télécommunications, ne constitue pas une redevance pour service rendu mais présente le caractère d'une imposition de toute nature dont il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement ; que le décret susvisé du 3 février 1993 est entaché d'incompétence en tant qu'il prévoit la perception d'une telle " redevance " ; que l'ordre de paiement litigieux pris sur son fondement est donc dépourvu de base légale ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif et doit être annulé pour ce motif ;

Sur la décharge de l'obligation de payer :

Considérant que le défaut de base légale de l'ordre de paiement litigieux entraîne, par voie de conséquence, la décharge totale pour la société Outremer Telecom de l'obligation de payer la somme de 2 607, 44 euros due au titre de la redevance de gestion des fréquences radioélectriques du service fixe hertzien pour l'année 2005 ; que l'ARCEP ne saurait en effet utilement invoquer le principe de l'assujettissement à la redevance de gestion de fréquences dès lors que, ainsi qu'il a été dit, ce droit mis à la charge des opérateurs, visé au B de l'article 1 bis du décret du 3 février 1993, ne constitue pas une redevance pour service rendu mais présente le caractère d'une imposition de toute nature ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ARCEP n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'ARCEP doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Outremer Telecom de la somme de 750 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par l'ARCEP est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Outremer Telecom la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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N° 11PA00601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00601
Date de la décision : 10/05/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-05-10;11pa00601 ?
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