Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2011, présentée pour M. Eric A, demeurant ..., par Me Magbondo ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100229 du 7 juillet 2011 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision d'un montant de 1 725 690 F CFP à valoir sur l'indemnisation du préjudice matériel subi par lui entre les 15 septembre 2010 et 27 mars 2011, date à laquelle une mesure d'exclusion a été prononcée à son encontre et, d'autre part, à la condamnation de la même autorité, sur le même fondement, à lui verser une provision de 500 000 F CFP à valoir sur l'indemnisation de son préjudice moral résultant du comportement fautif de l'Etat ;
2°) de lui allouer, à titre de provision, la somme de 1 725 690 F CFP à valoir sur l'indemnisation du préjudice matériel subi entre les 15 septembre 2010 et 27 mars 2011, date à laquelle une mesure d'exclusion a été prononcée à son encontre ;
3°) de lui allouer une somme de 500 000 F CFP à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice moral résultant du comportement fautif de l'Etat pour l'avoir maintenu sans emploi ni traitement entre les 15 septembre 2010 et 27 mars 2011 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-201 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux modifié ;
Vu la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 portant droits et obligations des fonctionnaires territoriaux modifiée ;
Vu la délibération n° 308/CP du 29 octobre 1998 portant statut du cadre territorial des personnels de surveillance et d'éducation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :
- le rapport de M. Piot, rapporteur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;
Considérant que M. A a, le 3 juin 2004, été titularisé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans le grade d'adjoint d'éducation du cadre des personnels de surveillance et d'éducation de Nouvelle-Calédonie, puis affecté pour servir, sous l'autorité de l'Etat qui le rémunérait, au collège de Normandie à Nouméa ; qu'une procédure disciplinaire a, le 30 mars 2010, été engagée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à son encontre ; qu'il a été suspendu de ses fonctions, à titre conservatoire et avec maintien de son traitement ; que, par un arrêté du 1er septembre 2010, le président du gouvernement de la Nouvelle Calédonie a infligé à M. A une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de six mois avec privation de traitement, exécutoire à compter du 15 septembre 2010, motivée par un grand nombre d'absences et de retards, des difficultés relationnelles avec ses supérieurs et ses collègues ainsi que des paroles et des gestes déplacés à caractère sexuel envers les élèves dont il avait la charge ; que ledit arrêté a, le 29 novembre 2010, été retiré par le président du gouvernement de la Nouvelle Calédonie au motif que les droits de la défense de l'intéressé avaient été méconnus lors de la séance du conseil de discipline qui s'était tenue le 12 août 2010 ; que, le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie, estimant que la gravité des faits reprochés à M. A interdisait de le replacer en milieu scolaire, a demandé au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d'engager contre lui une nouvelle procédure disciplinaire et de lui trouver une affectation au sein de ses services ; que M. A n'a pas été réintégré dans ses fonctions, n'a pas reçu une autre affectation, et son traitement n'a pas été rétabli ; que, par un arrêté du 24 mars 2011, exécutoire le 27 mars 2011, le président du gouvernement de la Nouvelle Calédonie a infligé au requérant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de quatre mois avec suspension de traitement ; que M. A fait appel de l'ordonnance en date du 7 juillet 2011 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 1 725 690 F CFP à valoir sur l'indemnisation du préjudice financier que lui aurait causé la privation de son traitement entre les 15 septembre 2010 et 27 mars 2011, et de 500 000 F CFP à valoir sur l'indemnisation du préjudice moral que lui aurait causé l'Etat en le privant illégalement de son emploi entre les mois de septembre 2010 et mars 2011 ;
Sur la demande de provision :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ";
En ce qui concerne le préjudice financier :
Considérant, en premier lieu, que de la provision demandée au titre de l'absence de versement de traitement pour service non fait au titre de la période comprise entre le 15 septembre, date de l'exclusion du requérant pour six mois et le 29 novembre 2010, date de retrait de ladite mesure, trouve son origine dans l'illégalité fautive précitée commise par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au cours de la procédure disciplinaire ; que s'il résulte de ce qui précède que l'intéressé a subi un préjudice matériel en se trouvant illégalement privé de traitement durant cette période, il existe un doute sérieux sur l'imputabilité à l'Etat, dont seule la responsabilité est recherchée par le requérant, qui n'a pas mis en cause le gouvernement de Nouvelle Calédonie, de l'illégalité fautive à l'origine du préjudice revendiqué ; que, dès lors, l'obligation que M. A prétend détenir à l'encontre de l'Etat au titre de la privation de traitement au cours de la période précitée ne peut être tenue comme non sérieusement contestable au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;
Considérant, en second lieu, que s'agissant de la provision réclamée en réparation du préjudice matériel subi du fait de la privation de traitements durant la période comprise entre les 30 novembre 2010 et 27 mars 2011, le retrait, intervenu le 29 novembre 2010, de la décision illégale d'exclusion temporaire des fonctions du 1er septembre 2010 a eu pour effet de la faire disparaitre rétroactivement, que le vice-recteur a toutefois refusé d'en tirer les conséquences en n'admettant pas la reprise de ses fonctions par le requérant ou en ne l'affectant pas sur un autre poste, avec rétablissement de son traitement ; que si le vice-recteur a sollicité du gouvernement de la Nouvelle Calédonie qu'il engage de nouvelles poursuites disciplinaires à l'encontre de M. A et s'il estimait que l'intéressé, compte tenu de la gravité des faits qui lui étaient reprochés, ne pouvait être replacé en milieu scolaire sans porter atteinte à la sécurité des élèves, il lui appartenait, ainsi qu'il l'avait déjà été fait le 30 mars 2010, de demander la suspension de l'intéressé à titre conservatoire en application de l'article 65 de l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux, dans l'attente de la sanction qui lui serait infligée à l'issue de la procédure disciplinaire ; qu'en s'abstenant de demander cette mesure et en privant ainsi irrégulièrement M. A d'affectation et de rémunération, le vice-recteur a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, l'obligation que M. A prétend détenir à l'encontre de l'Etat au titre de cette période est non sérieusement contestable au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; que, par suite, M. A est fondé à demander le versement d'une indemnité provisionnelle en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de versement de traitement au titre de la période susmentionnée ; que M. A soutient sans être contredit qu'il n'a pas perçu d'autres rémunérations durant cette période ; que, dès lors, le préjudice dont l'intéressé est fondé à demander réparation peut être évalué, en l'état de l'instruction, à une somme de 1 150 460 F CFP, correspondant au montant des traitements dont il a été privé ; qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette les conclusions relatives à cette fraction du préjudice allégué et d'accorder à M. A une provision d'un montant de 1 150 460 F CFP ;
En ce qui concerne l'obligation résultant de la réparation du préjudice moral allégué :
Considérant que si M. A soutient que la privation irrégulière de son emploi et de son traitement lui aurait causé un préjudice moral manifesté par un état dépressif attesté par les certificats médicaux qu'il produit, il ne ressort toutefois des termes mêmes desdits certificats qu'il souffre d'une dépression réactionnelle secondaire à des problèmes professionnels ; qu'ainsi, il ne peut être tenu pour établi que cet état dépressif serait imputable à la privation irrégulière d'emploi et non aux poursuites disciplinaires, dont l'illégalité n'est pas établie à la date du présent arrêt, qui ont conduit à infliger à M. A, le 24 mars 2011, une exclusion temporaire de fonctions de quatre mois ; que, par suite, le lien de causalité entre le préjudice moral dont il est demandé réparation et les fautes reprochées à l'Etat n'est pas établi avec certitude ; qu'ainsi, l'obligation dont se prévaut le requérant n'est pas non sérieusement contestable ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Magbondo, avocat de M. A renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à ce titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée en date du 7 juillet 2011 du juge des référés du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 2 : L'Etat versera à M. A, à titre de provision, une somme de 1 150 460 F CFP.
Article 3 : L'Etat versera à Me Magbondo, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 800 euros, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 11PA04841