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26/04/2012 | FRANCE | N°11PA00707

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 26 avril 2012, 11PA00707


Vu la requête, enregistrée le 9 février 2011, présentée pour M. Hazem A, élisant domicile ..., par Me Ben Yahmed ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100850/8 en date du 24 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile, et à ce qu'il soi

t enjoint audit ministre de mettre fin aux mesures privatives de liberté ...

Vu la requête, enregistrée le 9 février 2011, présentée pour M. Hazem A, élisant domicile ..., par Me Ben Yahmed ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100850/8 en date du 24 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile, et à ce qu'il soit enjoint audit ministre de mettre fin aux mesures privatives de liberté et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 18 janvier 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ;

Vu la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2012 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public ;

Considérant que par décision en date du 18 janvier 2011, prise au vu de l'avis rendu le même jour par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté la demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile formée par M. A, d'origine palestinienne, et a prescrit son réacheminement vers tout pays où il serait légalement admissible ; que M. A relève appel du jugement en date du 24 janvier 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision susmentionnée ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement :

Considérant que, devant le Tribunal administratif de Paris, M. A a soutenu qu'en ne prévoyant pas, à l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la communication, à l'étranger se présentant à la frontière et demandant à bénéficier du droit d'asile, du compte rendu de son audition rédigé par l'office français de protection des réfugiés et apatrides préalablement à la décision prise par le ministre, le pouvoir réglementaire n'avait pas complètement transposé les dispositions de la directive susvisée du 1er décembre 2005, en particulier celles de son article 14, relatives à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ; que le tribunal, qui s'est borné à indiquer que M. A ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 723-1-1 du même code qui avaient notamment eu pour objet de transposer l'article 14 de la directive dès lors que ces dispositions ne concernaient que l'hypothèse d'une décision prise par le directeur général de l'OFPRA refusant la reconnaissance du statut de réfugié, n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que son jugement est par suite irrégulier ; qu'il y a lieu, dès lors, de l'annuler et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Paris par M. A ;

Sur la légalité de la décision portant refus d'entrée en France :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 susvisée applicable depuis le 1er décembre 2007, intitulé " Statut du rapport sur l'entretien personnel dans le cadre de la procédure " : " 1. Les Etats membres veillent à ce que chaque entretien personnel fasse l'objet d'un rapport écrit contenant au moins les informations essentielles relatives à la demande, telles qu'elles ont été présentées par le demandeur, au regard de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2004/83/CE. 2. Les Etats membres veillent à ce que les demandeurs aient accès en temps voulu au rapport sur l'entretien personnel. Lorsque cet accès n'est accordé qu'après la décision de l'autorité responsable de la détermination, les Etats membres veillent à ce que les demandeurs puissent avoir accès au rapport suffisamment tôt pour leur permettre de préparer et d'introduire un recours dans les délais (...) " ; qu'aux termes de l'article 35 de la même directive, intitulé " Procédures à la frontière " : " 1. Les Etats membres peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur une demande d'asile déposée en un tel lieu. 2. Toutefois, lorsque les procédures prévues au paragraphe 1 n'existent pas, les Etats membres peuvent, sous réserve des dispositions du présent article et conformément aux lois et règlements en vigueur au 1er décembre 2005, maintenir des procédures dérogeant aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à la frontière ou dans les zones de transit, sur l'octroi d'une autorisation d'entrée sur le territoire aux demandeurs d'asile qui sont arrivés et ont introduit une demande d'asile en un tel lieu. 3. Les procédures visées au paragraphe 2 prévoient notamment que les personnes concernées : (...) d) sont auditionnées, avant que l'autorité compétente se prononce dans ces procédures, au sujet de leur demande d'asile (...) comme prévu aux articles 10, 13 et 14 (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions inconditionnelles et suffisamment précises qui, à la date de la décision attaquée, n'avaient pas été transposées par le pouvoir réglementaire en ce qui concerne la procédure prioritaire de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que, même lorsque la demande formée par l'étranger qui se présente à la frontière est traitée selon cette procédure, l'intéressé doit avoir accès au rapport de son audition devant l'OFPRA afin de pouvoir former son recours ; qu'eu égard au bref délai de quarante-huit heures dont dispose l'étranger se présentant à la frontière pour former son recours, ce rapport doit en principe lui être communiqué en même temps que la décision du ministre ou dans un délai très bref après la notification de cette décision ; que, toutefois, l'absence de communication de ce rapport, si elle fait obstacle au déclenchement du délai de recours et à l'exécution d'office de la décision ministérielle de refus d'entrée au titre de l'asile, est sans influence sur la légalité de cette décision ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la communication tardive, au cours de la procédure contentieuse devant le Tribunal administratif de Paris, du rapport de son audition devant l'OFPRA, entache d'illégalité la décision du 18 janvier 2011 par laquelle le ministre lui a refusé l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie (...) aérienne et qui, (...) demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente (...) pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée. " ; qu'aux termes de l'article R. 213-2 du même code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. La décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, qui procède à l'audition de l'étranger (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision mentionnée à l'article R. 213-2 de refuser l'entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d'asile est le ministre chargé de l'immigration " ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en appréciant la crédibilité de ses déclarations faisant état de persécutions dans son pays d'origine et de risques en cas de retour dans ce pays et en se prononçant sur le bien-fondé de sa demande, le ministre a excédé la compétence que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à l'appui de sa demande d'asile devant le ministre M. A faisait valoir qu'il résidait dans la bande de Gaza, qu'il avait été interpellé en mars 2010, puis détenu et maltraité par le Hamas pour avoir vendu des boissons alcoolisées et qu'il avait quitté la bande de Gaza en raison des affrontements entre le Hamas et les forces israéliennes ; que toutefois ses déclarations concernant les faits de vols et de détention, outre qu'elles apparaissent vagues et convenues, relèvent davantage, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, du droit commun que de la problématique de l'asile ; que, par ailleurs, le requérant s'est borné à affirmer, de manière générale, à l'appui de ses allégations, qu'un climat d'insécurité généralisée prévaut dans la bande de Gaza, sans présenter aucune argumentation précise et circonstanciée ni produire aucune pièce accréditant sa relation des faits et l'existence d'un risque réel, personnel et actuel de persécutions et de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il n'établit pas davantage par ses écritures et les pièces qu'il produit à leur appui la réalité des persécutions et risques auxquels il prétend être exposé ; que dans ces conditions le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a pu légalement, sans commettre d'erreur d'appréciation, rejeter comme manifestement infondée la demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile formée par M. A ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, M. A, qui n'établit pas la réalité des faits allégués, n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, en tant qu'elle prescrit son réacheminement vers la Palestine, serait intervenue en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales proscrivant les " traitements inhumains et dégradants " ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en date du 18 janvier 2011 lui refusant l'entrée sur le territoire français et prescrivant son réacheminement vers tout pays où il serait légalement admissible ; qu'ainsi la demande d'annulation soumise au tribunal administratif par M. A doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par M. A en vue de l'annulation de la décision lui refusant l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, se voie mettre à sa charge la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 24 janvier 2011 est annulé.

Article 2 : La demande soumise au Tribunal administratif de Paris par M. A ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00707
Date de la décision : 26/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : BEN YAHMED

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-04-26;11pa00707 ?
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