Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2011, présentée pour Mme Géraldine A, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure, Mlle Ilana B, demeurant ..., M. D B, demeurant ... et Mme Eva Maria B, demeurant ..., par Me de Beauregard ; Mme A et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1008537 du 6 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a rejeté leurs réclamations préalables tendant à la condamnation de l'Etat à verser respectivement à Mme A la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du décès de son compagnon, M. Pierre C, lors de sa rétention au dépôt du palais de justice de Paris, à Mlle Ilana B, sa fille, la somme de 60 000 euros de dommages-intérêts, à M. D et Mme Eva Maria B, son frère et sa soeur, la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts chacun ;
2°) d'annuler ladite décision implicite de rejet ;
3°) de condamner l'Etat à verser respectivement à Mme A la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi résultant du décès de son compagnon, M. Pierre C, lors de sa rétention au dépôt du palais de justice, à Mlle Ilana B, sa fille, la somme de 60 000 euros et à M. et Mme B, son frère et sa soeur, la somme de 30 000 euros chacun ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme A et autres soutiennent que les fonctionnaires du Service d'accueil, de recherche et d'investigation judiciaires (S.A.R.I.J.) du 12ème arrondissement, informés d'un risque suicidaire concernant M. Pierre C, n'ont pas communiqué cette information aux fonctionnaires du dépôt du palais de justice de Paris ; que M. C n'a, dès lors, pas pu bénéficier des mesures particulières de diagnostic et de la surveillance renforcée réglementairement prévue pour les gardés à vue ayant des tendances suicidaires ; que le capitaine de la 1ère direction de la police judiciaire n'est pas intervenu pour solliciter une mesure de surveillance renforcée ; que les fonctionnaires du dépôt du palais de justice, ayant repéré les tendances suicidaires de M. C, n'ont pas mis en place une surveillance permanente, l'ont laissé seul pendant plusieurs dizaines de minutes et ont laissé à la disposition de l'intéressé, en méconnaissance des dispositions de l'article D. 273 du code de procédure pénale, un cordon avec lequel il s'est pendu ; que la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute simple ; que la juridiction administrative est compétente pour connaître d'un tel litige dès lors qu'il trouve son origine non dans la décision de rétention judiciaire de M. Pierre C mais dans l'organisation de la surveillance exercée sur ce dernier ; que cette mission de surveillance relève d'une opération de police administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2012, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; le garde des sceaux soutient que la rétention des personnes en vue de leur comparution devant l'autorité judiciaire à l'issue de leur garde à vue a le caractère d'une opération de police judiciaire réalisée sous la direction et le contrôle permanent du procureur de la République en vertu des dispositions de l'article 803-3 du code de procédure pénale ; que les litiges survenus à l'occasion d'un tel placement relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires ; que, par suite, les conclusions indemnitaires présentées par les intéressés ont été portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2012 :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public ;
Considérant que Mme A, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure, Mlle Ilana B, et M. et Mme B relèvent appel du jugement en date du 6 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a rejeté leurs réclamations préalables tendant à la condamnation de l'Etat à verser respectivement à Mme A la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du décès de son compagnon, M. Pierre C, lors de sa rétention au dépôt du palais de justice de Paris, à Mlle Ilana B, sa fille, la somme de 60 000 euros de dommages-intérêts et à M. et Mme B, son frère et sa soeur, la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts chacun ;
Considérant qu'aux termes de l'article 803-3 du code de procédure pénale : " En cas de nécessité et par dérogation aux dispositions de l'article 803-2, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé est immédiatement remis en liberté. / Lorsqu'il est fait application des dispositions du présent article, la personne doit avoir la possibilité de s'alimenter et, à sa demande, de faire prévenir par téléphone une des personnes visées à l'article 63-2, d'être examinée par un médecin désigné conformément aux dispositions de l'article 63-3 et de s'entretenir, à tout moment, avec un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande, selon les modalités prévues par l'article 63-4. / L'identité des personnes retenues en application des dispositions du premier alinéa, leurs heures d'arrivée et de conduite devant le magistrat ainsi que l'application des dispositions du deuxième alinéa font l'objet d'une mention dans un registre spécial tenu à cet effet dans le local où ces personnes sont retenues et qui est surveillé, sous le contrôle du procureur de la République, par des fonctionnaires de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale. / Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la personne a fait l'objet, en application des dispositions de l'article 706-88, d'une garde à vue ayant duré plus de soixante-douze heures " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite du dépôt de plainte de sa concubine pour des faits de violence, M. C a, le 6 février 2006, été placé en garde à vue par le service d'accueil, de recherche et d'investigation judiciaires du 12ème arrondissement de Paris ; que M. C, n'ayant pu être immédiatement présenté au procureur de la République pendant le temps de sa garde à vue, a, de fait, été placé en rétention dans la cellule n° 3 du dépôt du palais de justice de Paris en application des dispositions précitées de l'article 803-3 du code de procédure pénale ; que, lors de sa rétention, M. C a mis fin à ses jours par pendaison ;
Considérant que la mise en rétention de M. C dans une cellule du dépôt du palais de justice de Paris placé, en vertu des dispositions précitées de l'article 803-3 du code de procédure pénale, sous le contrôle du procureur de la République, en vue de sa comparution devant ce dernier, le 7 février 2006, alors qu'il existait, à la suite de la plainte déposée par sa concubine pour des faits de violence, une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis ou tenté de commettre une infraction, a le caractère d'une opération de police judiciaire et qu'il n'appartient qu'aux tribunaux judiciaires de connaître des dommages survenus à l'occasion d'une telle rétention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure, Mlle Ilana B, et M. et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par les requérants tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A et de M. et Mme B est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Géraldine A, à M. D B, à Mme Eva Maria B et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2012 à laquelle siégeaient :
Mme Lackmann, président,
Mme Briançon, premier conseiller,
Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 avril 2012.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
J. LACKMANN
Le greffier,
B. FONTAINE
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
3
N° 11PA05146