La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2012 | FRANCE | N°11PA00352

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 30 mars 2012, 11PA00352


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2011, présentée pour Mme Marie Josiane épouse MANDA DOUN, demeurant au ... (75017), par Me Braun ; Mme épouse MANDA DOUN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1006876/6-3 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 11 mars 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté

;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un ...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2011, présentée pour Mme Marie Josiane épouse MANDA DOUN, demeurant au ... (75017), par Me Braun ; Mme épouse MANDA DOUN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1006876/6-3 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 11 mars 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2012 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Braun, avocat de la requérante ;

Considérant que Mme épouse MANDA DOUN, de nationalité camerounaise, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté en date du 11 mars 2010, le préfet de police a opposé un refus à cette demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que Mme épouse MANDA DOUN relève appel du jugement du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 dudit code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. / (...) le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. / (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. / (...) " ;

Considérant, d'une part, que si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour qui, au demeurant, ne peut être refusé que dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 211-1-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction, le dépôt de la demande de carte de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 311-1 dudit code valant implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-1-2 du même code ; que, dans le cadre de l'examen de cette demande, le préfet peut saisir pour avis les autorités consulaires intéressées ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article

L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient en principe à l'autorité compétente de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que, pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est au demeurant pas contesté par le préfet de police que Mme , ressortissante camerounaise, est entrée régulièrement en France le 28 mars 2008 sous couvert d'un visa Schengen de type " C " ; qu'à la suite de son mariage, le 26 janvier 2009, avec M. Manda B, ressortissant français, Mme , qui séjournait alors en France depuis plus de six mois avec son conjoint, a demandé au préfet de police le 16 octobre 2009 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans le cadre de l'instruction de la demande de visa de long séjour dont il était ainsi saisi, le préfet de police a consulté les autorités consulaires françaises à Yaoundé en application de l'article L. 211-2-1 dudit code ; que le préfet de police a rejeté cette demande de visa et, en conséquence, la demande de titre de séjour dont il était saisi, au motif que ces autorités consulaires avaient émis, le 4 février 2010, un avis défavorable à cette demande ; que l'arrêté attaqué indique à cet égard qu'il ressort de cet avis " que Mme Marie Josiane épouse Manda B a présenté un acte de naissance n°003916/1968 irrégulier ; que, par conséquent, son état civil n'est pas établi et que son mariage avec M. Jérôme Manda B encourt la nullité " ;

Considérant que si les dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'autorité compétente de refuser de délivrer à un conjoint de français un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public, il est constant que, à la date de l'arrêté attaqué, le mariage de Mme n'avait pas été annulé ; que la requérante est fondée à soutenir qu'en retenant à l'appui de sa décision que ce mariage " encourt la nullité ", le préfet de police a commis une erreur de droit ; que, par ailleurs, le préfet de police, auquel il appartient d'établir la fraude qu'il allègue, de nature à justifier légalement le refus de visa, ne rapporte pas cette preuve en se bornant à invoquer l'irrégularité de l'acte de naissance présenté par l'intéressée aux autorités consulaires françaises à Yaoundé, sans préciser le motif de cette irrégularité, qui n'est pas davantage indiqué par l'avis émis le 4 février 2010 par ces autorités et versé au dossier par le préfet de police en première instance, ni, en tout état de cause, établir que l'irrégularité alléguée de cet acte de naissance entacherait de fraude le mariage de Mme et de M. Manda B ; qu'il s'ensuit que la requérante est fondée à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un visa de long séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2010 par laquelle le préfet de police a refusé de lui accorder un titre de séjour ; que l'annulation de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme épouse MANDA DOUN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;

Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à Mme épouse MANDA DOUN, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme épouse MANDA DOUN de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Sont annulés le jugement du tribunal administratif de Paris n°1006876/6-3 du 14 décembre 2010, ainsi que la décision du préfet de police en date du 11 mars 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme épouse MANDA DOUN et la décision du même jour l'obligeant à quitter le territoire français.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme épouse MANDA DOUN une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'éventuels changements qui seraient intervenus dans les circonstances de droit ou de fait depuis la date de l'arrêté du

11 mars 2010.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme épouse MANDA DOUN en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

''

''

''

''

2

N°11PA00352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00352
Date de la décision : 30/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : BRAUN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-30;11pa00352 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award