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21/03/2012 | FRANCE | N°11PA01561

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 mars 2012, 11PA01561


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mars 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1013863/6-1 du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 2 mars 2010 par lequel il a refusé à M. Samir A la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le verseme

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mars 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1013863/6-1 du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 2 mars 2010 par lequel il a refusé à M. Samir A la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de l'intéressé de la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2012 :

- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Sur la requête du PREFET DE POLICE :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;

Considérant que M. A, de nationalité algérienne, souffre d'une gonarthrose droite très évoluée et d'une coxarthrose de la hanche droite ; que, par un avis du 18 janvier 2010, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police a estimé que, si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que l'intimé a subi une opération, le 27 février 2009, avec mise en place d'une prothèse totale de la hanche droite qui, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du dernier certificat médical établi par le chirurgien ayant pratiqué l'intervention, évolue favorablement ; que, si M. A fait valoir que l'arthrose du genou dont il souffre nécessite une prise en charge chirurgicale, les certificats médicaux qu'il produit émanant de médecins français ne permettent pas, eu égard aux termes généraux dans lesquels ils sont rédigés, de tenir pour établi que cette intervention chirurgicale ne pourrait pas être réalisée en Algérie ; que, s'il présente également des certificats médicaux établis par des spécialistes en orthopédie algériens, celui rédigé le 6 janvier 2009, qui indique que la pathologie de l'intéressé est délicate et que sa prise en charge chirurgicale ne peut être faite qu'à l'étranger, est antérieur à l'intervention réalisée en France le 27 février 2009 ; que le certificat du 7 avril 2010 du même médecin se borne à mentionner que M. A doit poursuivre son suivi médical en France ; qu'il ne ressort pas du certificat du 9 mai 2010, par lequel le chirurgien orthopédiste de l'établissement de santé de proximité de Béjaïa fait état de ce que la pathologie de l'intéressé est bien maîtrisée à l'étranger et qu'elle est difficile à prendre en charge par son établissement, que l'intervention dont a besoin M. A ne pourrait pas être réalisée dans un autre centre hospitalier en Algérie ; qu'il ressort, en outre, des documents produits par le PREFET DE POLICE que ce pays est doté de plusieurs structures hospitalières comportant des services de chirurgie orthopédique et pouvant procéder à la mise en place d'une prothèse du genou ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le défaut de prise en charge de l'asthme de stade 3 dont l'intimé est atteint pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que M. A verse au dossier des documents faisant apparaître l'indisponibilité en Algérie d'une partie du traitement médicamenteux qui lui était prescrit en France à la date de l'arrêté litigieux, notamment de l'antalgique Acupan ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement équivalent approprié à sa pathologie orthopédique ni que, s'agissant de ce traitement, l'existence d'un risque de rupture de stock durable est avérée ; que, s'agissant des produits Tramadol, Feldène et Actiskenan, il ne résulte pas du rapport médical du 18 décembre 2009 que ces médicaments lui étaient nécessaires à la date de l'arrêté litigieux ; qu'enfin, si l'intéressé fait valoir qu'il ne peut pas effectivement être opéré et soigné en Algérie en raison du coût élevé des soins et de son incapacité de travail, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier du système d'assurance-maladie de son pays, qui prévoit une prise en charge des personnes handicapées et des personnes démunies bénéficiant de l'aide sociale de l'Etat ; qu'ainsi, et alors même que M. A a été précédemment admis au séjour en qualité d'étranger malade, le PREFET DE POLICE a pu estimer que M. A pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et n'a pas méconnu les stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que, dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé, pour ce motif, son arrêté du 2 mars 2010 ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique : " L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. / Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 18 janvier 2010 a été établi par le docteur B, médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; que cet avis comporte les mentions qui permettent d'identifier son auteur et est signé par celui-ci ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé, pris pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi (...) " ;

Considérant que l'avis médical du 18 janvier 2010 indique que l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de celle-ci peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le secret médical auquel il est astreint interdisait au médecin de révéler d'autres informations sur les pathologies de l'intimé, la nature de ses traitements médicaux et leur disponibilité dans le pays d'origine ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance qu'il avait précédemment émis des avis différents, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police a suffisamment motivé son avis ; qu'enfin, l'absence dans cet avis de la mention relative à la possibilité pour M. A de voyager sans risque vers son pays d'origine est inopérante à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour, qui ne constitue pas, par elle-même, une mesure d'éloignement ;

Considérant, en troisième lieu, que le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les stipulations de l'accord franco-algérien équivalentes à celles de l'article

L. 313-11 dudit code, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour temporaire, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. A ne remplissait pas ces conditions ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de la décision de refus de séjour en litige ;

Considérant, en dernier lieu, que, si M. A fait valoir que l'intervention chirurgicale qu'il doit subir est complexe, qu'il souffre d'une grande fragilité émotionnelle et qu'il est soutenu par sa soeur, qui réside régulièrement en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des motifs du présent arrêt par lequel la Cour rejette la demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour que M. A n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont le refus de titre a été assorti serait illégale par voie de conséquence ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ; que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été précédemment retenus, le PREFET DE POLICE, en obligeant M. A à quitter le territoire français, n'a pas méconnu ces dispositions ;

Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus, le PREFET DE POLICE n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

Considérant que M. A qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, peut effectivement disposer d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ne justifie pas de considérations humanitaires impérieuses tenant à son état de santé qui feraient obstacle à son éloignement à destination de l'Algérie ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 mars 2010, lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au PREFET DE POLICE de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse la somme que M. A réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1013863/6-1 du 3 février 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 11PA01561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA01561
Date de la décision : 21/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : MAGDELAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-21;11pa01561 ?
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