Vu la requête, enregistrée le 3 août 2011, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102571/3-2 du 29 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 septembre 2010 rejetant la demande de titre de séjour de M. Rafaël Alberto A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement attaqué, et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A d'une somme 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;
Vu la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ensemble le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à son application ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble et en tant que de besoin l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2012 :
- le rapport de M. Bernardin, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
Considérant que M. A, né en 1952 au Venezuela, pays dont il a la nationalité, entré en France une première fois en mai 1988, a obtenu une carte de résident le 16 février 1989 à la suite de son mariage avec une française ; que ce titre de séjour a été renouvelé pour la période allant du 16 février 1999 au 15 février 2009 ; que M. A, absent de France au moment de l'expiration de ce titre de séjour, y est revenu le 27 janvier 2010 et a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 13 septembre 2010, le PREFET DE POLICE a refusé à M. A l'admission au séjour ainsi demandée, en lui faisant obligation de quitter le territoire français sous un délai d'un mois et en fixant le pays de sa destination ; que, par la présente requête, le PREFET DE POLICE relève régulièrement appel du jugement du 29 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé l'arrêté susmentionné du 13 septembre 2010 et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui a résidé en France régulièrement de 1989 à 2009, est père de deux enfants français, une fille née le 26 mars 1991 d'un premier mariage, déjà majeure à la date du 13 septembre 2010 à laquelle le préfet a rejeté la demande de titre de séjour de l'intimé, et un fils né le 11 décembre 2000 ; que, par un jugement rendu le 13 mars 2006, le juge des affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris a rappelé que l'autorité parentale sur l'enfant Dylan, né le 11 décembre 2000 des relations de C avec M. A, devait être exercée en commun par les parents de cet enfant, dont la résidence habituelle est fixée chez la mère ; que, par ce même jugement, le juge des affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris a, à titre provisoire, prévu que le père recevrait l'enfant deux week-end par mois, fixé à 100 euros par mois sa contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation de son fils et ordonné une enquête sociale en désignant le commettant chargé de cette enquête ; que, toutefois, M. A, qui ne donne aucune précision sur l'exécution de ce jugement, et notamment sur l'enquête sociale expressément prévue par ce jugement, ne justifie pas, par les attestations, au demeurant fort peu circonstanciées, établies par C en février 2011, soit postérieurement à l'arrêté en litige, ainsi que par les quatre relevés de compte bancaire faisant mention de versement et les deux récépissés de mandats dont les montants correspondent aux termes du jugement précité, qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant Dylan dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis au moins deux ans à la date de l'arrêté litigieux, alors que, de plus, il ne justifie pas de ressources régulières qui lui permettraient de satisfaire à ses obligations parentales ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif qu'il aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 13 septembre 2010 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;
Considérant, en premier lieu, que M. Philippe Martin, qui a signé l'arrêté du 13 septembre 2010 pris à l'encontre de M. A, bénéficiait d'une délégation du PREFET DE POLICE en date du 28 juillet 2010, régulièrement publiée au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 3 août 2010, à l'effet notamment de signer les décisions de refus de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; que l'arrêté litigieux comporte les éléments de droit et de fait qui le fondent, notamment en ce qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie familiale ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et, notamment, des motifs de l'arrêté du 13 septembre 2010, que le PREFET DE POLICE n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation particulière de M. A avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article
L. 313-11... ; qu'il résulte de ces dispositions que le PREFET DE POLICE n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, par suite, M. A n'étant pas, contrairement à ce qu'il soutient, au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 6° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-1 de ce code, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande d'admission au séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le refus d'admission au séjour en litige assorti d'une obligation de quitter le territoire français aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : [...] / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;
Considérant que M. A fait valoir qu'arrivé en mai 1988 en France, il y a vécu en situation régulière pendant plus de vingt années sous couvert d'une carte de résident et qu'il y a développé des attaches privées et familiales, s'étant marié avec une ressortissante française dont il a eu une fille, née le 26 mars 1991, et ayant, après son divorce, fait la connaissance d'une autre ressortissante française avec laquelle il a eu un fils, né le 11 décembre 2000 ; qu'en outre, parlant couramment la langue française, il est parfaitement intégré en France, où il dispose d'attaches familiales fortes en la personne de ses enfants, tous deux de nationalité française, et où il a toujours travaillé depuis 23 ans pour subvenir à leurs besoins ; que, toutefois, si M. A a été détenteur, entre 1989 et 2009, de titres de séjour dont le dernier arrivait à expiration le 15 février 2009, il ressort des pièces du dossier qu'étant retourné au Venezuela à une date indéterminée, il n'est revenu en France que le 27 janvier 2010, soit près d'un an après l'expiration du dernier titre de séjour en sa possession ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne justifie ni de l'insertion en France dont il fait état, ni de l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec ses enfants de nationalité française et qu'il ne conteste pas avoir conservé des liens forts avec le Venezuela, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et résidé avant son retour en France en 2010 et où habitent notamment sa mère et sa fratrie, M. A ne peut sérieusement soutenir que l'arrêté pris à son encontre le 13 septembre 2010 par le PREFET DE POLICE porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que M. A ne peut sérieusement soutenir que son éloignement aurait pour conséquence de priver ses enfants, ressortissants français, de la présence de leur père, alors que sa fille Léa est majeure et vit à Toulouse, que ses deux enfants vivent chez leur mère respective et qu'il n'établit pas, s'étant absenté de France pendant au moins un an jusqu'en 2010, qu'ainsi qu'il le prétend, il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ;
Considérant, en septième lieu, que M. A soutient que le maintien de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre serait contraire aux stipulations des articles 8, 9 et 10 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 selon lesquelles : les Etats parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant, de préserver ses relations familiales... . Et veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre son gré ; que, toutefois, lesdites stipulations créent seulement des obligations entre les États sans ouvrir de droits aux intéressés ; que l'intimé ne peut donc utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de l'arrêté contesté ;
Considérant, enfin, que M. A fait valoir qu'il vit depuis 1988 en France, où il mène une vie privée et familiale avec ses enfants de nationalité française, et notamment avec son fils âgé de 11 ans ; que, cependant, eu égard à son absence de France pendant au moins un an jusqu'en 2010 et alors qu'il n'établit pas la réalité de ses autres allégations, l'arrêté du 13 septembre 2010 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. A et de ses enfants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 13 septembre 2010 refusant à M. A l'admission au séjour sollicitée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A devant la Cour, comme celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de jsutice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros, doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1102571/3-2 du 29 juin 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour, sont rejetées.
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N° 11PA03600