Vu, I, sous le n° 11PA04373, la requête, enregistrée le 7 octobre 2011, présentée pour Mlle Joséphine B alias Mlle Mary A, domiciliée ..., par Me Thisse ; Mlle B demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1112020/8 du 13 juillet 2011, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 juillet 2011 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et les décisions du même jour fixant le pays de destination et la plaçant en rétention ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 9 juillet 2011 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêté à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation en la mettant en possession dans le même délai d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil, sous réserve de la renonciation par ce dernier à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
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Vu, II, sous le n° 11PA04374, la requête, enregistrée le 7 octobre 2011, présentée pour Mlle Joséphine B alias Mlle Mary A, domiciliée ..., par Me Thisse ; Mlle B demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1112020/8 du 13 juillet 2011 jusqu'à ce que la Cour ait statué sur sa requête au fond tendant à l'annulation dudit jugement ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de trois mois renouvelable dans un délai de cinq jours à compter de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil, sous réserve de la renonciation par ce dernier à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;
Vu le décret n° 2011-820 du 8 juillet 2011 pris pour l'application de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité et portant sur les procédures d'éloignement des étrangers ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2012 :
- le rapport de M. Lercher,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me Thisse, pour Mlle B ;
Considérant que Mlle Joséphine B, déclarant pour alias la dénomination de Mary A, fait appel jugement n° 1112020/8 du 13 juillet 2011 et, par une requête distincte, demande le sursis à exécution du même jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 juillet 2011 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
Considérant que les requêtes nos 11PA04373 et 11PA04374 tendent à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que Mlle Joséphine B est également connue sous l'identité de Mlle Mary A, dénomination sous laquelle elle a fait l'objet, le 9 juillet 2011, d'un arrêté du préfet de police portant obligation de quitter le territoire et sous laquelle elle a introduit devant le Tribunal administratif de Paris une demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la requête n° 11PA04373 :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3º Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Mary A, ressortissante nigériane, a fait l'objet, le 2 février 2010, d'une décision du préfet du Val d'Oise de rejet de sa demande de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, notifiée le même jour ; que l'obligation de quitter le territoire français étant exécutoire depuis au moins un an à la date à laquelle le préfet de police a décidé qu'elle serait reconduite à la frontière, l'intéressée entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée relatif au départ volontaire : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive : 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement ; qu'enfin, aux termes de l'article 12 de la même directive : Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. Les informations relatives aux motifs de fait peuvent être limitées lorsque le droit national permet de restreindre le droit à l'information, en particulier pour sauvegarder la sécurité nationale, la défense et la sécurité publique, ou à des fins de prévention et de détection des infractions pénales et d'enquêtes et de poursuites en la matière ;
Considérant, qu'aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision ; qu'en mentionnant que Mlle Mary A a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée le 2 février 2010, en indiquant que l'arrêté attaqué ne porte pas aux droits de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et, enfin, en précisant que Mlle A n'établit pas être exposée en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales, l'auteur de l'arrêté attaqué a suffisamment exposé les faits et les considérations de droit sur lesquels il s'est fondé ; qu'ainsi la décision de reconduite à la frontière est suffisamment motivée et conforme aux dispositions de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
Considérant que Mlle B alias A soutient que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière aurait dû prévoir un délai de retour, conformément aux dispositions précitées du paragraphe 1° de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ; que les dispositions de l'article 8 de la même directive rappelées ci-dessus prévoient que les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7, une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement pouvant alors être adoptée ; qu'ainsi, l'application de la directive ne fait pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers, sans être assortie d'un nouveau délai, dans le cas prévu au 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la condition que la décision d'obligation initiale de quitter le territoire ait été prise conformément aux exigences de forme et de fond prévues par les dispositions susvisées de l'articles 7 de la directive ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A a fait l'objet, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, d'une décision de refus de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français le 2 février 2010 ; que cette décision qui comportait un délai de retour d'un mois à compter de sa notification à l'intéressée ainsi que les voies et délais de recours a été régulièrement notifiée le 2 septembre 2009 ; que l'obligation de retour faite à Mlle A par cette décision n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7 ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées de l'article 8 de la directive du 16 décembre 2008, le préfet de police n'était pas tenu d'accorder un nouveau délai de départ volontaire à Mlle A ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de police serait privé de base légale doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ; que le moyen tiré de la violation de ces stipulations est inopérant à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière qui ne fixe pas, par elle-même, le pays vers lequel elle sera exécutée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. 2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ; que la décision de reconduite à la frontière prise à l'encontre de Mlle A n'a ni pour objet, ni pour effet de l'asservir ou de la soumettre au travail forcé ; que, par suite, la requérante ne peut utilement invoquer la violation de ces stipulations ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; que si Mlle B alias A fait valoir qu'elle est partie dans une affaire d'agression sexuelle en réunion, il ressort des pièces versées au dossier que l'affaire dans laquelle Mlle B alias A est partie a fait l'objet d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 14 juin 2011 ; que si l'action en dommages-intérêts a été renvoyée à une audience du 19 septembre 2011, postérieure à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, ledit arrêté n'a pas, par lui-même, pour effet de priver la requérante de son droit à assister ou à être représentée en France au procès auquel elle est partie civile ; que, par suite, le préfet de police n'a pas fait obstacle à l'exercice par la requérante de son droit à un recours effectif devant une juridiction française ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; - 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; - 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. - Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ;
Considérant que Mlle B alias A soutient que son retour au Nigéria lui fait courir un risque certain d'être reprise par un réseau criminel de traite des êtres humains qui l'a conduite en France pour la forcer à se livrer à la prostitution ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que le risque couru par la requérante d'être soumise, en cas de retour au Nigéria, à des traitements inhumains ou dégradants est établi ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler la décision du préfet de police en tant qu'elle prévoit que Mlle B alias A sera reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, il y a lieu d'ordonner au préfet de police de réexaminer la situation de Mlle B alias A dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que Mlle B alias A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Thisse, avocat de Mlle B alias A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Thisse de la somme de 1 000 euros ;
Sur la requête n° 11PA04374 :
Considérant que le présent arrêt statue au fond sur la requête tendant à l'annulation du jugement n° 1112020/8 du 13 juillet 2011 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ; que la requête tendant au sursis à exécution du même jugement est donc devenue sans objet ; qu'il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 11PA04374.
Article 2 : La décision du 9 juillet 2011 du préfet de police portant reconduite à la frontière de Mlle B alias A est annulée en tant qu'elle fixe le Nigéria comme pays de destination de la mesure d'éloignement.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mlle B alias A dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet de police tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 4 : Le jugement n° 1112020/8 du 13 juillet 2011 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Me Thisse, conseil de Mlle B alias A, la somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle B alias A est rejeté.
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Nos 11PA04373-11PA04374