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17/01/2012 | FRANCE | N°10PA01428

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 janvier 2012, 10PA01428


Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2010, présentée pour Mme Claire DOSSIER- CARZOU, demeurant ...), par Me Rouquet ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0718571/5-1 du 21 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 septembre 2007 par laquelle le questeur délégué du Sénat a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordée une prolongation d'activité à l'effet de bénéficier d'une retraite à taux plein, à compter du 24 octobre 2007, date à laquelle elle a été adm

ise à faire valoir ses droits à la retraite ;

2°) de mettre à la charge du Sén...

Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2010, présentée pour Mme Claire DOSSIER- CARZOU, demeurant ...), par Me Rouquet ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0718571/5-1 du 21 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 septembre 2007 par laquelle le questeur délégué du Sénat a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordée une prolongation d'activité à l'effet de bénéficier d'une retraite à taux plein, à compter du 24 octobre 2007, date à laquelle elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite ;

2°) de mettre à la charge du Sénat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 modifiée relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Vu le règlement intérieur du Sénat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 janvier 2012 :

-le rapport de M. Piot, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Lafargue, pour le Sénat ;

Considérant que Mme , conseiller au service des affaires européennes du Sénat, a, le 23 août 2007, sollicité l'autorisation d'être maintenue en activité au-delà de l'âge de soixante cinq ans afin de compléter ses droits à pension, dans les mêmes conditions que celles applicables aux fonctionnaires de l'Etat prévues par l'article 69 de la loi susvisée du 21 août 2003 ; que par une décision en date du 14 septembre 2007, le questeur délégué a refusé de faire droit à sa demande aux motifs que les dispositions de l'article 69 de la loi du 21 août 2003 qui permettent aux fonctionnaires de l'Etat, sous certaines conditions, de prolonger leur activité au-delà de la limite d'âge de leur corps n'étaient pas applicables aux fonctionnaires du Sénat et que, conformément à l'article 115 du règlement intérieur, qui seul lui était applicable, elle devait être admise à faire valoir ses droits à la retraite dès lors qu'elle avait atteint la limite d'âge et que cet article n'admettait aucune dérogation ; que Mme fait appel du jugement en date du 21 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 septembre 2007 par laquelle le questeur délégué du Sénat a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordée une prolongation d'activité à l'effet de lui permettre de bénéficier d'une retraite à taux plein, à compter du 24 octobre 2007, date à laquelle elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le jugement attaqué, qui a répondu à l'ensemble des moyens présentés par elle, n'est entaché d'aucune insuffisance de motivation de nature à l'entacher d'irrégularité ;

Sur le fond :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions relatives au régime de retraite de l'article 69 de la loi susvisée du 21 août 2003 permettent, pour les agents auxquels elles s'appliquent, d'obtenir l'autorisation de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge afin de leur permettre de compléter leurs droits à pension ; qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 susmentionnée relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dans la rédaction que lui a donné la loi susvisée du 13 juillet 1983 : Les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l'assemblée intéressée, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel. Ils sont recrutés par concours selon des modalités déterminées par les organes compétents des assemblées. La juridiction administrative est appelée à connaître de tous litiges d'ordre individuel concernant ces agents, et se prononce au regard des principes généraux du droit et des garanties fondamentales reconnues à l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat visées à l'article 34 de la Constitution ; et qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales .... s'applique aux fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des commune et de leurs établissements publics ... à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires ... ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le bureau du Sénat est seul compétent pour déterminer le régime de retraite des fonctionnaires titulaires de cette assemblée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 115 du règlement intérieur arrêté par le bureau du Sénat en vigueur à la date de la décision attaquée : (...) les conseillers (...) sont admis de droit à la retraite à soixante cinq ans ; qu'aux termes de l'article 116 : Aucun membre titulaire du personnel ne peut être mis d'office à la retraite avant d'avoir atteint la limite d'âge établie par l'article 115 ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte des termes mêmes de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée que l'article 115 du règlement intérieur du Sénat pouvait légalement déroger aux dispositions de la loi du 21 août 2003 ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions relatives au régime de retraite de l'article 69 de la loi susvisée du 21 août 2003 permettant, pour les agents auxquels elles s'appliquent, d'obtenir l'autorisation de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge afin de compléter leurs droits à pension, ne peuvent être regardées comme procédant d'un principe général du droit et ne constituent pas une garantie fondamentale reconnue à l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat au sens des dispositions de l'ordonnance du 17 novembre 1958 en ce qu'il ne s'agit que d'une faculté et non d'un droit, laquelle obéit aux conditions de l'intérêt du service et de l'aptitude physique et qui ne permet que de s'assurer une pension à taux plein ; que dès lors, l'article 115 précité du règlement intérieur du Sénat a pu légalement édicter des règles différentes de celles prévues par les dispositions de l'article 69 de la loi du 21 août 2003 et ne pas prévoir de possibilité de prolongation d'activité au-delà de l'âge limite ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions dudit article ne sont pas contraires au principe d'égalité devant les charges publiques dès lors qu'elles s'appliquent à tous les membres d'un même corps et que le montant de la pension de la requérante n'est pas moins favorable que celle à laquelle elle aurait pu prétendre dans un autre corps de la fonction publique ;

Considérant, en quatrième lieu, que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt en vertu de l'article 88-1 de la Constitution le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives ; que Mme soutient que le règlement intérieur du Sénat, en tant qu'il ne prévoit pas la possibilité pour ses agents de bénéficier d'une prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge, n'est pas compatible avec le principe général du droit communautaire d'interdiction des discriminations liées à l'âge issu de la directive susvisée du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; que l'absence de possibilité de bénéficier d'une telle prolongation au-delà de la limite d'âge ne constitue pas, en tant que telle, une discrimination selon l'âge dès lors qu'elle concerne sans distinction l'ensemble des agents soumis au règlement en cause ; que la requérante ne démontre nullement que ce règlement, justifié par la politique de recrutement et d'équilibre de la pyramide des âges des personnels poursuivie par le Sénat, serait contraire aux objectifs de la directive précitée alors que celle-ci précise expressément que les Etats-membres peuvent instituer des différences de traitement fondées sur l'âge qui ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi ;

Considérant, enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, qu'il résulte des dispositions de l'article 115 du règlement intérieur du Sénat que le questeur délégué du Sénat, saisi par Mme d'une demande tendant à obtenir le bénéfice de l'article 69 de la loi du 21 août 2003, était tenu de la rejeter ; que, par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement avec un autre fonctionnaire doivent être écartés comme inopérants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Sénat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et demandés par le Sénat et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de Mme est rejetée.

Article 2 : Mme versera la somme de 1 500 euros au Sénat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA01428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA01428
Date de la décision : 17/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: M. Jean-Marie PIOT
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-01-17;10pa01428 ?
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