La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2012 | FRANCE | N°10PA00540

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 12 janvier 2012, 10PA00540


Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2010, présentée pour M. Christian A, demeurant ...par la société CMS Bureau Francis Lefebvre ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602264/2 du 28 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2002 sur le fondement des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de m

ettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme qu'il chiffrera ultérieurement, au t...

Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2010, présentée pour M. Christian A, demeurant ...par la société CMS Bureau Francis Lefebvre ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602264/2 du 28 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2002 sur le fondement des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme qu'il chiffrera ultérieurement, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;

Vu l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, fait à Luxembourg le 21 juin 1999 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-12 ;

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, notamment ses articles 2,3, 4 et 5 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 du 3 décembre 2009 ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2011 :

- le rapport de M. Bossuroy,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me Douvier, pour M. A ;

Et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 5 décembre 2011, par Me Douvier, pour M. A ;

Considérant que M. A a été imposé à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales sur le fondement de l'article 167 bis du code général des impôts à raison des plus-values constatées sur les droits sociaux qu'il détenait lorsqu'il a transféré son domicile en Suisse le 7 juin 2002 ; que l'intéressé relève appel du jugement du 28 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de ces impositions ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision du 14 janvier 2010 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux a prononcé des dégrèvements de 232 025 euros en matière d'impôt sur le revenu et de 145 016 euros en matière de contributions sociales ; qu'à concurrence de ces sommes, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A ;

Sur les conclusions restant en litige :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ; que le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat [...] ;

Considérant que, le 27 mai 2011, M. A a présenté un mémoire par lequel il demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l'article 167 bis du code général des impôts aux droits et libertés garantis par la Constitution ; que, par une décision n° 98-405 du 29 décembre 1998, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 24 de la loi de finances du 30 décembre 1998 dont était issu l'article 167 bis du code général des impôts avant son abrogation par l'article 19 de la loi du 30 décembre 2004 ; que ni la décision de la Cour de justice des communautés européennes du 11 mars 2004, ni la décision du Conseil d'Etat du 10 novembre 2004 invoquées par les requérants, ni l'abrogation de l'article 24 de la loi du 30 décembre 1998, ne suffisent à caractériser l'existence d'un changement de circonstances pour l'application à l'espèce des dispositions précitées du 2° de l'article 23-2 de la loi organique du 10 décembre 2009 ; que la demande de M. A tendant à la transmission au Conseil d'Etat, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, de la question portant sur la constitutionnalité de l'article 167 bis du code général des impôts doit, dès lors, être rejetée ;

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :

Considérant qu'aux termes de l'article 167 bis du code général des impôts alors applicable : I. - 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l'article 150-0 A et détenus dans les conditions du f de l'article 164 B.2. La plus-value constatée est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux à la date du transfert du domicile hors de France, déterminée suivant les règles prévues aux articles 758 et 885 T bis, et leur prix d'acquisition par le contribuable ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. Les pertes constatées ne sont pas imputables sur les plus-values de même nature effectivement réalisées par ailleurs. 3. La plus-value constatée est déclarée dans les conditions prévues au 2 de l'article 167. II. - 1. Le paiement de l'impôt afférent à la plus-value constatée peut être différé jusqu'au moment où s'opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l'annulation des droits sociaux concernés. Le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant de la plus-value constatée dans les conditions du I, demande à bénéficier du sursis, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt et constitue auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Le sursis de paiement prévu au présent article a pour effet de suspendre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la date de l'événement entraînant son expiration. Il est assimilé au sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales pour l'application des articles L. 208, L. 255 et L. 279 du même livre. Pour l'imputation ou la restitution de l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires, il est fait abstraction de l'impôt pour lequel un sursis de paiement est demandé en application du présent article. 2. Les contribuables qui bénéficient du sursis de paiement en application du présent article sont assujettis à la déclaration prévue au 1 de l'article 170. Le montant cumulé des impôts en sursis de paiement est indiqué sur cette déclaration à laquelle est joint un état établi sur une formule délivrée par l'administration faisant apparaître le montant de l'impôt afférent aux titres concernés pour lequel le sursis de paiement n'est pas expiré ainsi que, le cas échéant, la nature et la date de l'événement entraînant l'expiration du sursis. 3. Sous réserve du 4, lorsque le contribuable bénéficie du sursis de paiement, l'impôt dû en application du présent article est acquitté avant le 1er mars de l'année suivant celle de l'expiration du sursis. Toutefois, l'impôt dont le paiement a été différé n'est exigible que dans la limite de son montant assis sur la différence entre le prix en cas de cession ou de rachat, ou la valeur dans les autres cas, des titres concernés à la date de l'événement entraînant l'expiration du sursis, d'une part, et leur prix ou valeur d'acquisition retenu pour l'application du 2 du I, d'autre part. Le surplus est dégrevé d'office. Dans ce cas, le contribuable fournit, à l'appui de la déclaration mentionnée au 2, les éléments de calcul retenus. L'impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l'impôt sur le revenu établi en France à condition d'être comparable à cet impôt. 4. Le défaut de production de la déclaration et de l'état mentionnés au 2 ou l'omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement. III. - A l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la date du départ ou à la date à laquelle le contribuable transfère de nouveau son domicile en France si cet événement est antérieur, l'impôt établi en application du I est dégrevé d'office en tant qu'il se rapporte à des plus-values afférentes aux droits sociaux qui, à cette date, demeurent dans le patrimoine du contribuable... ;

Considérant, d'une part, que M. A ne justifie, ni même n'allègue, qu'il aurait transféré son domicile en Suisse pour y exercer une activité professionnelle ; que par suite, il ne saurait utilement se prévaloir de ce que les dispositions précitées de l'article 167 bis du code général des impôts méconnaîtraient la liberté d'établissement garantie par l'article 43 du traité CE que les stipulations de l'accord de Luxembourg du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes conclu entre la Communauté européenne et ses Etats membres et la Suisse auraient rendu applicable aux relations entre la France et la Suisse ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ... 5. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l'Etat dont le cédant est un résident ; que les impositions en litige ne portant pas sur un gain provenant de l'aliénation d'un bien, le moyen tiré de ce que les stipulations précitées de la convention franco-suisse s'opposeraient à ce que soient appliquées au contribuable les dispositions de l'article 167 bis, doit être écarté ;

En ce qui concerne les contributions sociales :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus à propos de l'impôt sur le revenu que les moyens tirés de ce que l'article 167 bis du code général des impôts méconnaîtrait le principe de liberté d'établissement et que les stipulations de la convention franco-suisse s'opposeraient à l'application de cet article doivent être écartés ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts, relatif à la contribution sociale généralisée : I. Ainsi qu'il est dit à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu... :... e) Des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables soumis à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel , qu'aux termes de l'article 1600-0 F bis du même code, relatif au prélèvement social : I. Ainsi qu'il est dit à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes visés à l'article 1600-0 C. Ce prélèvement est assis, contrôlé, recouvré et exigible dans les mêmes conditions que celles qui s'appliquent à la contribution visée à l'article 1600-0 C... et qu'aux termes de l'article 1600-0 G relatif à la contribution au remboursement de la dette sociale : I. Les personnes physiques désignées à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 du même code... ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale : I. - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu... : ...e) Des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables, soumis à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel... ; que les plus-values constatées sur les droits sociaux détenus par les personnes qui transfèrent leur domicile hors de France doivent être regardées comme des revenus au sens de la loi fiscale dès lors qu'elle sont imposées en tant que tels à l'impôt sur le revenu en vertu des dispositions précitées de l'article 167 bis du code général des impôts ; qu'elles sont, par suite, également imposables à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et à la contribution au remboursement de la dette sociale, en application des dispositions précitées du code général des impôts et du code de la sécurité sociale ;

Considérant, enfin, que M. A ne peut se prévaloir, eu égard à leur date, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de ce que les instructions référencées 5 L-4-97 du 10 février 1997 et 5 L-5-97 du 14 mai 1997 ne prévoient pas l'imposition, respectivement, à la contribution au remboursement de la dette sociale et à la contribution sociale généralisée, des plus-values relevant des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, dont les dispositions sont issues de l'article 24 de la loi de finances pour 1999 du 30 décembre 1998 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées ;

D E C I D E

Article 1er : A concurrence de la somme de 232 025 euros en matière d'impôt sur le revenu et de 145 016 euros en matière de contributions sociales, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 10PA00540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA00540
Date de la décision : 12/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. STORTZ
Rapporteur ?: M. François BOSSUROY
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-01-12;10pa00540 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award