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16/12/2011 | FRANCE | N°09PA02646

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 16 décembre 2011, 09PA02646


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2009, présentée pour la société anonyme AUTOMOBILE SUFFREN, dont le siège est au 40 ter avenue de Suffren, 75015, Paris, par Me Prest et Me Beauvillard ;

La SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0521294/2 en date du 10 mars 2009 par laquelle le président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1999 au 30 juin 2001 ;

2°) de p

rononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2009, présentée pour la société anonyme AUTOMOBILE SUFFREN, dont le siège est au 40 ter avenue de Suffren, 75015, Paris, par Me Prest et Me Beauvillard ;

La SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0521294/2 en date du 10 mars 2009 par laquelle le président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1999 au 30 juin 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2011 :

- le rapport de Mme Pons-Deladrière, premier conseiller,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

-et les observations de Me Beauvillard, pour la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN, l'administration a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée dont avaient bénéficié des opérations de ventes de véhicules au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 1999 ; que la société relève appel de l'ordonnance du 10 mars 2009 rejetant sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, à hauteur de la somme totale de 168 894 euros, dont 148 805 euros en principal et 20 089 euros en intérêts de retard ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : ...les présidents des formations de jugement des tribunaux... peuvent, par ordonnance :... 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti en ce sens... ;

Considérant que pour rejeter, par l'ordonnance attaquée, prise en application des dispositions précitées de l'article R 222-1 du code de justice administrative, comme entachée d'une irrecevabilité manifeste, la demande de la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN tendant à la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, le président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris s'est fondé, d'une part, sur le défaut de motivation de la réclamation présentée le 3 aout 2005 par la société et, d'autre part, sur le fait qu'elle n'avait pas produit l'intégralité de la décision de rejet de sa seconde réclamation ;

Considérant, en premier lieu, que si, aux termes de l'article R. 197-3 du Livre des procédures fiscales : Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité (...) b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie , il résulte du troisième alinéa de l'article R. 200-2 du même livre que : Les vices de forme prévus aux a, b, et d de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif ; qu'il résulte de l'instruction que la demande présentée par la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN devant le Tribunal administratif de Paris contenait l'exposé des moyens soulevés à l'appui de ses conclusions en décharge des rappels de taxe qu'elle contestait ; qu'ainsi, la requérante avait couvert le vice de forme dont était entachée sa réclamation ; que, dès lors, c'est à tort que le président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme irrecevable pour ce premier motif ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R 412-1 du code de justice administrative, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, de la décision attaquée (...) ; que, bien que la société requérante n'ait pas produit, malgré la demande qui lui avait été faite par le greffe du tribunal, l'intégralité de la décision en date du 9 juin 2006 rejetant sa seconde réclamation, le tribunal a néanmoins communiqué sa demande à l'administration ; que, dans ses mémoires en réponse à cette communication, l'administration a répondu aux moyens soulevés par la société requérante et a, en outre, exposé les motifs pour lesquels elle avait rejeté cette réclamation ; qu'ainsi, le défaut de production d'une copie complète de la décision du 9 juin 2006 a été suppléé par ces écritures et n'a pas eu pour effet de faire obstacle à l'instruction de la demande ; que la demande n'étant pas entachée, dans ces conditions, d'une irrecevabilité manifeste, il n'appartenait pas au président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris, statuant seul sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R 222-1 du code de justice administrative, de rejeter la demande de la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions de la société AUTOMOBILE SUFFREN aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne les ventes à la société Redorpe Lda :

S'agissant de l'application de l'article 289 du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 289 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : I. Tout assujetti doit délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les biens livrés ou les services rendus à un autre assujetti ou à une personne morale non assujettie, ainsi que pour les acomptes perçus au titre de ces opérations lorsqu'ils donnent lieu à exigibilité de la taxe. Tout assujetti doit également délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les livraisons de biens visées aux articles 258 A et 258 B et pour les livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter et du II de l'article 298 sexies, ainsi que pour les acomptes perçus au titre de ces opérations (...) II. La facture ou le document en tenant lieu doit faire apparaître : (...) 2° Les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du vendeur et de l'acquéreur pour les livraisons désignées au I de l'article 262 ter et la mention Exonération T.V.A., art. 262 ter I du code général des impôts ;

Considérant que si l'administration soutient que le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée qui figure sur les factures en litige n'est pas celui de l'acquéreur, il résulte de l'instruction que l'acquéreur était bien la société de droit portugais Redorpe Lda, au nom de laquelle les factures ont été établies et qui les a acquittées, et non, comme le soutient l'administration, la société espagnole Red orbe International, filiale de Redorpe Lda ; que le numéro de la société Redorpe Lda figurait effectivement sur les factures ; qu'il s'ensuit que l'administration ne pouvait refuser à la société requérante le bénéfice de l'exonération prévue au I de l'article 262 ter du code général des impôts, au motif que les factures en litige ne satisfaisaient pas aux exigences de forme résultant des dispositions précitées du II de l'article 289 du même code;

S'agissant de l'application de l'article 262 ter du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 quater de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 A. Exonération des livraisons de biens. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires et dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les États membres exonèrent: a. les livraisons de biens, au sens de l'article 5 expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l'acquéreur ou pour leur compte en dehors du territoire visé à l'article 3 mais à l'intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l'expédition ou du transport des biens (...) ; qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions : I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) ;

Considérant que si, pour l'application de ces dispositions un assujetti, disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre État membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur, doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataire présumé des personnes dépourvues d'activité réelle ; que, toutefois, le droit à exonération de cet assujetti ne peut être remis en cause que s'il est établi, au vu des éléments dont il avait connaissance, qu'il savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu'il effectuait le conduisait à participer à une fraude fiscale ;

Considérant, en premier lieu, que le transport des véhicules vendus par la société requérante était assuré par l'acquéreur ; que, d'une part, il résulte de l'instruction que la société requérante a présenté des correspondances commerciales échangées avec la société de droit portugais Redorpe Lda, des factures de ventes à ladite société, des avis de règlement émis par un établissement bancaire portugais ainsi que des lettres de voitures internationales revêtues du cachet de l'expéditeur, du transporteur et de l'acquéreur, à l'exception toutefois de la lettre de voiture internationale n° 0031000 établie le 16 février 1999 pour l'expédition de dix véhicules Volkswagen Polo, sur laquelle manque le cachet de l'acquéreur ; que, si le ministre soutient que les lettres de voitures internationales indiquent Walon Est comme expéditeur, la SOCIÉTÉ AUTOMOBILE SUFFREN fait valoir sans être sérieusement contredite qu'il s'agit du gestionnaire du parc de véhicules neufs du constructeur, d'où les voitures étaient directement expédiées pour le compte du concessionnaire ; que la société requérante disposait dans ces conditions de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre État membre, à la seule exception de ceux figurant sur la lettre de voiture susmentionnée du 16 février 1999 ; que, d'autre part, il résulte également de l'instruction que la SOCIÉTÉ AUTOMOBILE SUFFREN disposait du numéro communautaire d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de la société de droit portugais Redorpe Lda ; que, si l'administration soutient, sans produire d'éléments à l'appui de cette allégation, que ce numéro n'était plus valide depuis le 31 novembre 1994, aucune disposition n'impose en tout état de cause à un assujetti de consulter la base de données des numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante doit être présumée avoir effectué des livraisons intracommunautaires exonérées, à l'exception de la livraison correspondant à la lettre de voiture susmentionnée ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée ait été attribué au Portugal, à la société Redorpe Lda, par un autre Etat membre que celui d'arrivée des biens, à savoir l'Espagne, n'est pas de nature à établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'administration, il n'appartenait pas à la société requérante de produire des documents attestant d'une immatriculation en Espagne des véhicules livrés, ou de leur revente par la société acquéreuse, pour justifier de la réalité de la livraison ; que, si l'administration soutient qu'une demande d'information formulée auprès des autorités espagnoles a permis d'établir que la société désignée comme le destinataire réel, Redorpe Lda, n'avait en réalité acquis des véhicules auprès de la SOCIÉTÉ AUTOMOBILE SUFFREN que pour un montant très inférieur à celui déclaré par cette dernière, ces allégations imprécises ne sont assorties d'aucun justificatif, l'administration n'ayant pas produit la réponse des autorités espagnoles à laquelle elle se réfère ; que, si l'administration fait valoir par ailleurs que la société Red orbe Espagne, chez laquelle ont été livrés les véhicules, n'a débuté légalement son activité que le 8 juin 1999, soit postérieurement aux livraisons, intervenues au 1er trimestre 1999, cette circonstance n'est pas par elle-même de nature à établir que la livraison n'a pas eu lieu ; qu'en tout état de cause, l'administration n'établit pas que l'acquéreur portugais, la société Redorpe Lda, était lui, dépourvu d'activité réelle ; que, dans ces conditions, l'administration n'établit pas que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en admettant même que les livraisons en litige ou une partie d'entre elles n'aient pas eu lieu, l'administration n'établit en tout état de cause pas que, au vu des éléments dont elle avait connaissance, la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que des livraisons intracommunautaires qu'elle effectuait la conduisaient à participer à une fraude fiscale ;

En ce qui concerne les ventes à la société Discount Car International :

Considérant que si le montant total du redressement contesté par la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN inclut pour 16 457 francs en droits, un rappel lié à une vente à la société Discount Car International, la société requérante n'invoque aucun moyen à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge de ce rappel ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN est fondée à demander la décharge de l'ensemble des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période en litige, à l'exception de ceux se rapportant, d'une part, aux ventes correspondant aux livraisons couvertes par la lettre de voiture internationale n° 0031000 établie le 16 février 1999 et, d'autre part, à la vente à la société Discount Car International ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L. 761-I du code de justice administrative;

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance n° 0521294/2 du Tribunal administratif de Paris en date du 10 mars 2009 est annulée.

Article 2 : La SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1999 au 30 juin 2001, à l'exception de ceux se rapportant, d'une part, aux ventes correspondant à la lettre de voiture internationale n° 00310000 établie le 16 février 1999 et, d'autre part, à la vente d'un véhicule à la société Discount Car International.

Article 3 : L'Etat versera à la société AUTOMOBILE SUFFREN une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-l du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE AUTOMOBILE SUFFREN est rejeté.

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N°09PA02646


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA02646
Date de la décision : 16/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: Mme Geneviève PONS DELADRIERE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : SELAFA CCPE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-16;09pa02646 ?
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