La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2011 | FRANCE | N°11PA00975

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 décembre 2011, 11PA00975


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 22 février, 18 mars et 1er avril 2011, présentés pour M. Ibrahima A, demeurant chez ... par Me Lamine ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100903 du 25 janvier 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2011 du préfet des Hauts-de-Seine décidant sa reconduite à la frontière, ainsi que des décisions du même jour prises par cette autorité fixant son pays de

destination et le plaçant en rétention administrative et, d'autre part, à ce ...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 22 février, 18 mars et 1er avril 2011, présentés pour M. Ibrahima A, demeurant chez ... par Me Lamine ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100903 du 25 janvier 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2011 du préfet des Hauts-de-Seine décidant sa reconduite à la frontière, ainsi que des décisions du même jour prises par cette autorité fixant son pays de destination et le plaçant en rétention administrative et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la même autorité de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte ;

2°) d'annuler ledit arrêté, ensemble la décision fixant son pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet, en application des dispositions des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble et en tant que de besoin l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, relative au droit d'asile, portant création d'un Office français de protection des réfugiés et apatrides, ensemble le décret n° 98-503 du 23 juin 1998, pris pour son application ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ensemble le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à son application ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement, relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et la liste qui y est annexée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de M. Bernardin, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Lamine, pour M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'interpellé le 20 janvier 2011 à 7 h 35 mn, dans le cadre d'un contrôle d'identité, alors qu'il se rendait sur son lieu de travail, M. A, né le 10 janvier 1972 au Sénégal, pays dont il a la nationalité, a été placé en garde à vue et s'est vu notifier le même jour un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière assorti d'une décision fixant son pays de destination par le préfet des Hauts-de-Seine ; que, par la présente requête, M. A relève régulièrement appel du jugement du 25 janvier 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté et des décisions susmentionnées et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la demande présentée par télécopie, au demeurant difficilement lisible, par M. A devant le Tribunal administratif de Paris le 21 janvier 2011 à 17 h 33 mn, que ce dernier n'a alors présenté aucun moyen tiré de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni même produit d'éléments relatifs à sa situation professionnelle et à son activité salariée ; que, par suite, et à défaut pour lui de justifier qu'il aurait présenté de tels éléments devant le juge de la reconduite à la frontière, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait, en tant qu'il n'a pas pris en compte sa situation actuelle et personnelle, notamment au regard de sa situation professionnelle, entaché d'une insuffisance de motivation ou d'une omission à statuer ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'arrêté attaqué du 20 janvier 2011 qui n'est pas contesté sur ce point, que, lors de son interpellation, comme lors de sa garde à vue, M. A, ressortissant sénégalais, n'a pas été en mesure de présenter les documents justifiant de son entrée régulière en France et était dépourvu de titre de séjour en cours de validité ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A n'avait pas encore présenté une demande de titre de séjour ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par un arrêté du 22 décembre 2010, régulièrement publié le 1er janvier 2011 au recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine, le préfet des Hauts-de-Seine a donné à Mme B délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le signataire n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, l'arrêté de reconduite à la frontière du 20 janvier 2011, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant en quatrième lieu, qu'à supposer même que, lors de son interpellation ou de sa garde à vue, M. A aurait mentionné le fait qu'il exerçait une activité salariée, il ne fait état d'aucune demande de titre de séjour présentée à ce titre et ne peut donc sérieusement soutenir que le préfet, dont il n'est pas contesté qu'il a examiné la situation de l'intéressé au regard du respect dû à sa vie privée et familiale, n'a pas procédé à l'examen d'ensemble de sa situation personnelle ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article

L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) ; que l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisé fixe la liste des activités professionnelles salariées concernées ;

Considérant que, d'une part, M. A, qui n'établit ni même d'ailleurs n'allègue qu'il disposait à la date du 20 janvier 2011 d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou d'une autorisation de travail, ne se trouvait pas dans une situation lui permettant d'obtenir la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-10 ; que, d'autre part, si le requérant fait état de son emploi de puisatier qu'il exerce au sein de l'entreprise PMRF depuis le 1er octobre 2008 et de diverses démarches que tant lui-même que son employeur auraient entreprises pour régulariser sa situation administrative, l'emploi qu'il exerce ne figure pas sur la liste annexée à l'article 1er de l'arrêté ministériel du 18 janvier 2008 susvisé ; que le requérant ne justifie par ailleurs, et en tout état de cause, pas d'une demande régulièrement faite visant à son admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet des Hauts-de-Seine n'était pas tenu, avant de prononcer la mesure d'éloignement contestée, d'examiner si l'intéressé remplissait les conditions posées par l'article R. 5221-20 du code du travail pour obtenir une autorisation de travail ou, plus généralement, la régularisation de sa situation administrative au regard du séjour, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : [...] / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que, devant le juge d'appel, M. A se borne à faire valoir qu'ayant travaillé plusieurs années en France, il a tissé de nombreux liens professionnels et amicaux dans la société française et que, de ce fait, l'arrêté contesté porte inévitablement atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; que, toutefois, le requérant, arrivé en France à l'âge de 27 ans et qui est célibataire et sans charge de famille, ne précise et a fortiori ne justifie pas les nombreux liens professionnels et amicaux dont il fait état ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour de M. A en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 20 janvier 2011 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ;

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette la requête de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A de quelle que somme que ce soit au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

''

''

''

''

7

N° 08PA04258

2

N° 11PA00975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00975
Date de la décision : 07/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. André-Guy BERNARDIN
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : LAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-07;11pa00975 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award