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06/12/2011 | FRANCE | N°11PA01963

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 06 décembre 2011, 11PA01963


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1015608/5-1 en date du 24 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 28 juillet 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Arezki A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et fami

liale ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1015608/5-1 en date du 24 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 28 juillet 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Arezki A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,

- et les observations de Me Boudjellal, pour M. A ;

Considérant que M. A, né le 20 juin 1963, de nationalité algérienne, est entré en France le 22 mars 2000 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'à la suite du rejet de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 18 juillet 2000, rejet confirmé le 28 novembre 2000 par la commission des recours des réfugiés, l'intéressé a fait l'objet d'un refus d'admission au séjour le 31 janvier 2001 assorti d'une invitation à quitter le territoire français ; qu'il a fait à nouveau l'objet d'un refus de séjour assorti une invitation à quitter le territoire le 26 février 2003 après le refus du ministre de l'intérieur de lui accorder le bénéfice de l'asile territorial ; qu'il a sollicité le 26 mai 2010 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 6-1, 6-5 et 7b de l'accord franco-algérien ; que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement en date du 24 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 28 juillet 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;

Sur les conclusions du préfet :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (... ) ;

Considérant que l'ensemble des documents produits par M. A ne suffisent pas à établir qu'à la date de l'arrêté litigieux, il aurait résidé habituellement en France, au sens des stipulations précitées, depuis plus de 10 ans ; qu'en particulier, pour la période comprise entre les mois de mars 2003 et de novembre 2006, il ne produit aucune pièce comportant une date certaine émise dans cette période ; que, contrairement aux énonciations du jugement attaqué, les promesses d'embauche, rédigées en termes identiques, présentées au titre des années 2004 et 2005 comportent des dates incomplètes et les attestations produites sont rédigées en termes généraux ou ne sont pas datées ; qu'ainsi le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que les documents produits par l'intéressé pour justifier d'une présence habituelle sur le territoire national au cours de cette période sont insuffisamment probants ; que c'est donc à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la violation des stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien pour annuler l'arrêté attaqué ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ledit jugement ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A ;

Sur la légalité de l'arrêté du 28 juillet 2010 :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations susmentionnées comporte l'exposé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'en tout état de cause, contrairement à ce que soutient l'intéressé, la circonstance que le préfet n'ait pas visé l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant est à cet égard sans incidence dans la mesure où la décision de refus de séjour n'implique pas par elle-même la séparation de l'enfant et de ses parents ; que le préfet s'est livré à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale alors même que le préfet n'a pas expressément fait mention de l'existence de son enfant ; que, dès lors, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et du défaut d'examen particulier de sa situation ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : / (...) 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;

Considérant que M. A fait valoir l'ancienneté de sa présence en France et la vie privée et familiale qu'il mène avec une compatriote, avec laquelle il a eu un enfant, né en 2007 et scolarisé sur le territoire national ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que la mère de l'enfant est également en situation irrégulière ; que l'intéressé n'établit ni sa résidence habituelle en France au cours des années 2004 et 2005 ni la réalité d'une quelconque vie maritale avec la mère de son enfant ni qu'il subviendrait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ; que, si son père et l'un de ses frères résident sur le territoire, il ne saurait être regardé comme dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 36 ans et où résident notamment sa mère et ses deux autres frères ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire, l'arrêté susvisé n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, l'arrêté susvisé n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que les circonstances susmentionnées ne sont pas davantage de nature à faire regarder l'arrêté contesté comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant ;

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'exception d'illégalité du refus de séjour, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui doivent être regardés comme étant soulevés également à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, ne peuvent qu'être écartés par les mêmes motifs ;

Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; que, d'autre part, le préfet s'est livré un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. A alors même que le préfet n'a pas expressément fait mention de l'existence de son enfant, ainsi qu'il a été dit ; que, dès lors, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et du défaut d'examen particulier de sa situation ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, si M. A fait valoir la présence en France de son enfant, il n'établit pas ni même n'allègue subvenir à son entretien et à son éducation, ainsi qu'il a été dit ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intérêt supérieur de l'enfant aurait été méconnu par l'arrêté susvisé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 28 juillet 2010 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et a enjoint à l'administration de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris en date du 24 mars 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11PA01963


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA01963
Date de la décision : 06/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme DESCOURS GATIN
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-06;11pa01963 ?
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